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D'AUTEURS 2004-2008 |
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D'AUTEURS 2005-2007 |
Le
désir infini
Harold
S. Kushner |
- Demandez aux gens ce
qui est le plus important pour eux: "gagner
de l'argent ou s'occuper de sa famille?" pratiquement tout le monde répondra
sans hésiter: ma famille. Mais observez comment les gens vivent
réellement et voyez où ils investissent leur temps et leurs énergies.
Il faudra admettre qu'ils ne vivent pas comme ils pensent. - Notre existence
a-t-elle un but par-delà le simple fait d'exister? Le fait que nous soyons
vivants importe-t-il? Notre disparition laissera-t-elle le monde plus pauvre,
ou simplement moins encombré? Ces questions ne sont pas des questions abstraites
pour conversation de salon. Ce sont des questions désespérément
pressantes. A défaut d'être capables d'y répondre, nous nous
retrouvons malades, solitaires et effrayés. C. Jung a déjà
dit que près d'un tiers de ses patients ne souffraient d'aucune névrose
cliniquement définissable, mais d'un manque de signification et de la vacuité
de leur vie. - Le mal de l'ennui, du sentiment de sa propre futilité
et de son inutilité est une tragédie pernicieuse. On
ne se rend pas toujours compte quand il nous arrive, pourtant il draine toute
notre joie et notre entrain. - Notre
âme n'a pas soif de célébrité, de bien-être matériel,
de richesse ni de pouvoir. Ces gratifications créent presque autant de
problèmes qu'elles n'en résolvent. Notre âme a soif de signification,
d'un sens à donner à notre vie, du sentiment d'avoir bien utilisé
son temps sur la terre, de ne pas l'avoir gaspillé, et du sentiment que
le monde sera différent, au moins un peu, parce qu'on y sera passé.
- On ne devient pas heureux en poursuivant le bonheur. On devient heureux en menant
une vie que a du sens. Les gens les plus heureux ne sont sans doute pas les plus
riches ni les plus célèbres; probablement pas non plus les gens
qui travaillent le plus fort à être heureux, et qui pour cela lisent
des articles, achètent des livres et se conforme à tout ce qui est
à la mode. J'ai l'impression que les gens les plus heureux sont ceux qui
s'efforcent d'être gentils, serviables, fiables. Occupez-vous de choses
plus productives que la poursuite du bonheur personnel, alors il se glissera dans
votre vie. - Une vie de plaisirs ininterrompus n'est qu'une façon d'échapper
au défi de faire des sa vie quelque chose qui ait un sens. Avoir du plaisir,
c'est peut-être le sel de l'existence, mais non son essence, parce qu'une
fois le plaisir estompé, rien ne reste qui ait une valeur durable.
- L'Ecclésiaste (un livre de la Bible) nous met en
garde de ne pas perdre le temps limité qui nous est imparti, en ayant l'illusion
que la richesse, la sagesse, le plaisir ou la piété peuvent donner
de l'importance à nos vies. - Isolé, aucun de nous ne peut être
véritablement humain. Les qualités qui nous rendent humains n'apparaissent
qu'au moment où nous sommes en relation avec les autres. - Quand s'achève
notre temps d'existence individuelle, nous rejoignons le courant de Vie.
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La
plénitude de l'instant Thich
Nhat Hanh |
- La vie est un miracle
et ce miracle est de marcher sur terre, en ce moment, et d'apprécier la
paix et la beauté qui nous entourent maintenant. La paix est tout autour
de nous, dans le monde, dans la nature et en nous. Le simple fait d'apprendre
à la toucher, d'apprendre à ramener notre corps et notre esprit
dans l'instant présent nous guérit et nous transforme.
- Nous n'avons pas besoin de mourir pour entrer au Paradis. Lorsque nous inspirons
et expirons en serrant un arbre dans nos bras, nous sommes au Paradis. La paix
est accessible; il nous suffit de la toucher. Si nous voulons entrer au Paradis
sur terre, il nous faut simplement marcher et respirer consciemment.
Ce n'est pas une question de foi mais de pratique. -Lorsque
nous touchons la paix, tout devient réel. Nous devenons nous-même
pleinement vivant, dans l'instant présent. Alors, l'arbre, notre enfant
et toutes choses se révèlent à nous dans leur pleine splendeur. -La
Terre est si belle. Nous sommes si beaux nous aussi. Prenons l'habitude de marcher
sur terre, notre merveilleuse mère, et de toucher
la paix et le bonheur qui sont accessibles aujourd'hui. Notre
vraie demeure est le maintenant, la vie n'existe nulle part ailleurs. -Nous
sommes tous des fleurs, mais parfois notre florescence est fatigué;
elle a besoin d'être revitalisée. Pour retrouver la paix, le bonheur
et le sourire, nous devons avant tout apprendre à "arrêter",
arrêter nos angoisses, nos soucis, notre agitation et notre tristesse, arrêter
de courir après l'avenir et de nous préoccuper du passé.
Nous devons arrêter de nous détruire corps et âme au nom d'un
bonheur à venir et faire de chaque instant le plus merveillleux instant
qui soit. -Le calme est la base de la compréhension et de la perception
juste. Le calme est force. Pour trouver la vérité, il n'est pas
nécessaire d'aller la chercher. Il nous suffit d'être calme et les
choses se révéleront d'elles-mêmes sur l'eau tranquille de
notre coeur. "Si le lac de l'esprit est calme, la belle lune s'y réflétera." -Comme
les fleurs, nous avons nous aussi besoin d'espace pour être heureux. Le
détachement et le calme nous offre un espace plus vaste. Nous avons besoin
de nous détacher de nos problèmes, de nos difficultés, de
nos soucis et de nos regrets, et de créer de l'espace autour de nous. L'espace
est liberté. Sans espace, nous ne pouvons être heureux. Nous croyons
que nos projets et que toutes les choses qui nous préoccupent sont indispensables
à notre bonheur, nous nous trompons. -Vous êtes libre. Vous êtes
vivant. Ouvrez les yeux et appréciez autour de vous la beauté du
soleil, de ciel et des enfants. La respiration consciente vous aide à devenir
ce qu'il y a de meilleur en vous - calme, vivifié, solide, libre et clair. -Une
fleur n'a pas à être autre chose qu'une fleur. Un être humain,
s'il est vraiment humain, suffit à donner de la joie au monde entier. -Si
nous regardons en nous, nous verrons les fleurs, mais nous verrons aussi la colère,
la haine, le découragement, les préjugés raciaux et autres.
Mais que cela ne nous effraie pas. De la même façon qu'un jardinier
sait transformer le compost en fleurs, nous pouvons apprendre à
transformer la colère, le découragement et les préjugés
sociaux en amour et en compréhension. -Peut-être avons nous pris
l'habitude de manifester dans notre conscience immédiate des graines de
colère, de tristesse et de peur, et de rarement laisser germer les graines
de joie, de bonheur et de paix. Pratiquer un état de conscience signifie
savoir reconnaître les graines à mesure qu'elles surgissent et savoir
arroser aussi souvent que possible les graines les plus saines afin de les aider
à pousser. Chaque fois que nous sommes conscient de la paix et de la beauté
d'une chose, nous arrosons nos graines de paix et de beauté, et de belles
fleurs éclosent dans notre conscience. La force de nos graines dépend
du temps que nous passons à les arroser. Pendant ce temps, les graines
de la peur et de la colère n'auront pas été arrosées.
Telle doit être notre pratique quotidienne. -Si nous touchons ce qui
nous apporte la paix et la guérison, nous aidons notre conscience enfouie
à faire le travail de transformation et nous pouvons nous laisser guérir
par les arbres, les oiseaux et la beauté des enfants. Sinon, nous ne ferons
que revivre notre souffrance. -Nous sommes nombreux à avoir sans cesse
le besoin de faire quelque chose : écouter de la musique, regarder la télévision,
lire un livre, un magazine, téléphoner... En voulant nous occuper
à tout prix, nous essayons d'éviter de nous retrouver face à
nos problèmes et à nos angoisses. En voulant les ignorer ou les
supprimer, on leur confère plus de force. -Quand la souffrance est
au sous-sol, vous pouvez cultivez vos graines de joie et de guérison. Et
quand la souffrance viendra à monter au salon, vous pourrez éteindre
la télévision, fermer votre livre, ouvrir la porte et l'inviter
à entrer. Vous pourrez lui sourire et l'entourer de votre pleine conscience,
chaleureuse attention et compréhension aimante. Dites-lui : "Peur,
ma vieille amie, je te reconnais." -Quand la pleine conscience touche
la beauté, elle en révèle la splendeur. Quand elle touche
la douleur, elle la transforme et la guérit. -En étant conscient,
en inspirant et en expirant calmement, nous pouvons observer en profondeur les
différentes souffrances que nous avons en nous. Là, nous commençons
à nous comprendre et à comprendre nos ancêtres, notre culture
et notre société. -L'un est tout et le tout est un. Prendre soin
de votre enfant, c'est prendre soin de toute chose qui est. La lune est en moi.
Mon aimée est en moi. Ceux qui me font souffrir sont aussi en moi. Nous
sommes toutes choses, il n'y a pas de séparation. Tout ce que nous faisons
pour nous-mêmes nous le faisons pour les autres et vice versa. Quand nous
pratiquons la paix et quand nous pouvons sourire, notre paix peut influencer l'univers
entier. Tout ce que nous pensons, sentons et faisons a un effet sur nos ancêtres,
sur les générations futures et se reflète partout dans l'univers.
C'est pourquoi nos sourires aident tout le monde. -Notre corps et notre esprit
ont leurs racines dans la société, dans la nature et dans ceux que
nous aimons. Nous sommes un élément de continuité par rapport
à nos ancêtres, et aussi une voie de passage pour les générations
à venir. -Rien ne peut naître de rien. Une fleur est née
du sol, des minéraux, des graines, du soleil, de la pluie. La vie est une
continuation. Même le jour où notre mère vient à mourir
est un jour de continuation, car elle continue à être là sous
bien des formes. Son corps n'est qu'une petite partie de sont être véritable. -Marcher,
faire un pas en touchant la terre avec conscience, liberté et bonheur,
c'est faire un pas pour toutes les générations passées et
à venir. Nous arrivons et trouvons la paix ensemble, au même moment.
-Le plus beau cadeau que mes parents puissent m'offrir, c'est d'être
eux-mêmes heureux. C'est parce qu'il était malheureux qu'un parent
a pu vous faire beaucoup souffrir. -Nous semblons penser que le bonheur n'est
possible que dans l'avenir. Nous savons pourtant que notre destination finale
est le cimetière. Pourquoi sommes-nous si pressée d'y arriver ?
Pourquoi ne pas plutôt marcher vers la vie, dans l'instant présent
? Le fait de prendre conscience que nous sommes déjà arrivés,
que nous sommes déjà là, que nous n'avons pas besoin d'aller
plus loin, peut nous apporter la paix et la joie. Toutes les conditions nécessaires
à notre bonheur sont déjà réunies. Il suffit de nous
autoriser à être dans l'instant présent pour pouvoir les toucher.
-Nous avons tant de raisons d'être heureux. La Terre est pleine d'amour
et de patience pour nous. La Terre est notre refuge et nous n'avons à avoir
peur de rien, pas même de mourir. Lorsque nous marchons avec pleine conscience
sur la Terre, nous sommes nourris par les arbres, les buissons, les fleurs et
le soleil. Nous retrouvons alors la paix, la joie et la guérison. Nous
sommes les enfants de la Terre. -Accordons-nous le temps de marcher. N'essayons
pas d'aller quelque part : nos pas nous font simplement arriver là où
nous sommes. Chaque pas est paix. -Quand nous nous sentons irrités,
en colère, malheureux ou que nous manquons de confiance en nous, nous pouvons
marcher en touchant la terre de nos pieds, profondément, le doute ou le
malheur nous quitteront alors en moins d'une heure. -Quand
un conflit surgit, si nous nous sentons assez calme pour en parler dans l'amour
et la non-violence, nous pouvons le faire tout de suite. Sinon il est préférable
de ne pas parler, de respirer et d'aller marcher en regardant la nature. Une fois
calmé, nous pouvons alors parler vraiment. -Lorsqu'une personne ou
notre partenaire nous irrite, un noeud se forme en nous. La manque de compréhension
est à la base de tous nos noeuds intérieurs. En pratiquant la respiration
consciente, nous pouvons apprendre à reconnaître le noeud dès
qu'il se forme et à trouver les moyens pour le défaire. Nous devons
accorder toute notre attention à ces formations internes dès l'instant
où elles apparaissent : si nous ne dénouons pas rapidement ces noeuds,
ils grandissent, se renforcent et nous avons de plus en plus de difficultés
à nous en défaire. Comme notre mental a du mal a accepter ses sentiments
négatifs, il s'arrange pour les enterrer dans des parties éloignées
de notre conscience. Mais, tôt ou tard, ils remonteront à la surface
sous formes d'images, d'émotions, de sentiments, de pensées ou d'actions.
Nous devons nous en occuper et essayer de les amener à la conscience. S'arrêter
pour les observer profondément peut nous aider à les reconnaître,
les comprendre et refaire la paix avec nous-mêmes. -Tout comme nous,
l'autre porte aussi en lui des fleurs et des difficultés. Nous avons à
l'accepter. Évitons les reproches et les disputes. Notre rôle est
d'arroser sa florescence. Aidons les autres à renforcir leur estime de
soi par des commentaires positifs sur ce qu'ils font de bien. Si nous prenons
bien soin de notre partenaire, il a une chance de s'épanoir, sinon il se
fanera. -Regardons profondément pour voir la vraie nature des choses,
de soi et de l'autre. En voyant la vraie nature de l'autre, nous découvrons
aussi toutes ses difficultés, ses aspirations, ses forces, ses souffrances
et ses peurs. -Si les choses deviennent trop difficiles, plutôt que d'envisager
divorcer, faites l'effort de préserver votre mariage et de revenir à
votre partenaire dans une plus grande harmonie et une meilleure compréhension.
Beaucoup de personnes ont divorcés 3 ou 4 fois et continuent de faire les
mêmes erreurs. Si vous pouvez prendre le temps d'ouvrir la porte de la communication,
la porte de votre coeur, et partager vos souffrances et vos rêves avec l'autre,
vous aurez fait quelque chose pour vous-mêmes, pour vos enfants et la société. -Il
est très important de savoir écouter avec compassion. Écouter
avec compassion, c'est écouter avec toute notre attention, avec la volonté
de soulager l'autre de sa souffrance, sans le juger ni chercher la dispute. Pour
bien aimer, il faut comprendre. Et comprendre signifie voir dans la profondeur
de l'autre, voir sa noirceur, sa douleur, sa souffrance. Si vous ne voyez pas
cela, plus vous en ferez pour l'autre, plus il souffrira. Créer le bonheur
est un art. -Nous devons être là pour ceux
qui ont besoin de nous et pour leur faire savoir que nous partageons leur souffrance
et que nous aussi nous souffrons. Quand une personne se sent comprise, sa souffrance
diminue. Ne l'oubliez jamais. -Quand vous tombez amoureux et que vous vous
sentez attaché à l'autre, ce n'est pas encore réellement
de l'amour. L'amour vrai est fait de compréhension aimante et de compassion.
Il est inconditionnel.
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La
patience Rainer-Maria Rilke “Lettres à un jeune poète”
|
“Tout progrès doit venir de la
partie intime de l'être et ne peut être ni forcé ni pressé par quoi que ce soit.
Tout est gestation et mise au jour. Permettre à chaque impression, à chaque sentiment
naissant de parvenir à son achèvement, à son plein développement,dans l'obscurité,
l'inexprimable, l'inconscient, hors d'atteinte de sa propre intelligence, et attendre
avec patience et une profonde humilité le moment où naîtra une clarté nouvelle
: c'est de cela seulement qu'est faite la vie d'un artiste : la compréhension
et la création. Ici la mesure du temps n'existe pas, une année est peu de chose,
dix ans ne sont rien. Etre un artiste signifie ne pas calculer ni compter, mais
laisser mûrir, comme un arbre qui ne force pas sa sève et traverse confiant les
bourrasques du printemps sans craindre que l'été ne soit au rendez-vous. Il sera
là. Mais il n'arrive que pour celui qui sait attendre, comme s'il avait toute
l'éternité devant lui, immuablement serein et vacant : la patience est tout.”
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OKINAWA Un
programme global pour mieux vivre
Dr. Jean-Paul
Curtay |
- Les hot spots de la
longivité: Chaque fois, on retrouve des modes de
vie qui sont rudes. Le travail est physique. Il se déroule presque toujours
en extérieur, aux champs du matin au soir, au jardin familial ou dans la
montagne avec les troupeaux. Les repas sont frugaux. Les vieux sont respectés
et jouissent d'un grand prestige social. La solidarité entre les hommes
existe. -
Le fait de garder une activité qui permette à la fois de faire bouger
le corps, de maintenir sa tête occupée, d'être utile, d'entretenir
des relations avec les autres et de contribuer à son autonomie financière
est un point récurrent du profil des centenaires d'Okinawa.
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TEXTES
D'AUTEURS 2004 |
Conseils
d'une amie pour des temps difficiles Pema
Chödrön |
-On
a souvent le sentiment d'être la pire personne au monde, d'avoir gâché
sa vie, ou d'être un cas désespéré. On se traite ainsi
bien mal et n'avons en général aucune bienveillance envers nous-mêmes. Ne
sachant pas combien de temps il nous reste à vivre, nous pourrions penser
qu'il est important de nous lier d'amitié avec nous-mêmes et avec
autrui durant les heures, les mois ou les années qu'il nous reste à
vivre. Il n'est jamais trop tard pour commencer à pratiquer la bienveillance;
sans elle il est impossible de connaître la joie ou la satisfaction. -Pratiquer
la bienveillance n'est pas un autre processus d'amélioration de soi-même,
ou un moyen pour trouver un bonheur durable ou se construire une carapace. C'est
plutôt un processus par lequel l'auto-illusion est mise à nu avec
tant d'habileté et de compassion qu'on ne peut plus se cacher derrière
aucun masque. Nous n'essayons pas de résoudre un problème, ou de
chasser la douleur ou de devenir meilleur. En fait, nous renonçons complètement
à tout contrôler et laissons concepts et idéaux s'écrouler.
L'astuce est de pratiquer avec douceur et lâcher-prise. Nous accueillons
tout ce qui se présente avec curiosité, sans y attacher tant d'importance. -Derrière
tous les plans que nous faisons et les soucis qui nous agitent, derrière
tous les souhaits et les besoins, les obsessions face aux choix à faire,
l'esprit de sagesse non fabriqué est toujours présent. Chaque fois
que notre petit-esprit s'arrête, il est là. -Nos démons
personnels apparaissent sous plusieurs déguisements. Nous les vivons sous
forme de honte, de jalousie, d'abandon, de rage ou de peur. Ils sont tout ce qui
nous met mal à l'aise, au point de vouloir prendre la fuite sans arrêt.
Nous passons à l'acte, prenons le large ou faisons n'importe quoi pour
ne pas avoir à affronter ce qui se passe dans notre coeur. Nous pouvons
passer toute notre vie à fuir les monstres de notre esprit. Partout dans
le monde, les gens sont tellement occupés à
courir qu'ils oublient de profiter de la beauté et de la joie qui les entoure. -Se
lier d'amitié avec ses propres démons et avec l'insécurité
qui les accompagne conduit à une détente toute simple, discrète,
et à la joie. -Pour dissoudre notre résistance
à la vie, il faut y faire face, sans ambages. Si nous éprouvons
de l'irritation parce qu'il fait trop chaud dans la pièce où nous
sommes, il faut affronter la chaleur, en sentir l'ardeur et le poids. Si nous
sommes irrrités parce qu'il fait trop froid, il faut affronter le froid
et en sentir le caractère glacial et mordant. On ne peut s'en défaire,
ils sont là pour toujours. De même pour la pollution, la guerre,
la lâcheté, la cruauté ou autre. Il faut être capable
de s'intéresser aux choses, les regarder attentivement, s'ouvrir l'esprit.
-C'est
seulement dans la mesure où nous nous exposons nous-mêmes encore
et toujours à l'anéantissement que ce qui est indestructible en
nous peut apparaître. -L'anéantissement
du vieux moi dépendant, cramponné, est la seule voie à prendre. -En
présence d'une grande déception, on ne sait pas si c'est la fin
de l'histoire. Cela peut être précisément le début
d'une grande aventure. -Toutes les dépendances ont pour origine le moment
où nous rencontrons notre limite et où nous ne pouvons tout simplement
y faire face. -Quand on s'astreint à rester scrupuleusement
là où on se trouve, alors nos expériences deviennent très
vives. Les choses deviennent très nettes quand il y a nul lieu où
fuir. -C'est l'instant présent
qui est le maître par excellence et il est toujours avec nous. -La consigne
de base de la méditation est de s'ouvrir et de se détendre, sans
ajouter quoi que ce soit d'autre, sans y mettre de concepts. -La
peur est une réaction naturelle, elle fait partie de notre condition humaine,
c'est quelque chose que nous partageons tous. -On pense que les gens courageux
n'ont peur de rien. En fait, ils sont intimes avec la peur. Ils foncent et agissent
malgré la peur. -Quand tu seras devenue une bonne amie de toi-même,
il y aura aussi plus d'amitié dans ta vie. -Croire que nous pouvons
trouver quelque plaisir durable et éviter la douleur, c'est perpétuer
ce cycle sans espoir qui tourne et tourne indéfiniment et nous cause de
grandes souffrances. La souffrance est inévitable tant que l'on croit que
les choses durent et qu'on peut compter sur elles pour satisfaire notre soif de
sécurité. -Là, tout de suite - à l'instant même
où le sol se dérobe sous nos pas - se trouve le germe de cette disposition
à prendre soin de ceux qui ont besoin de nous et de la découverte
de notre bonté. -La vie est un bon maître et un bon ami. Les choses
sont toujours transitoires, si seulement nous pouvions nous en rendre compte.
Jamais rien ne se résout de la façon dont nous rêvions. Rien
n'est jamais conforme à ce qu'on croyait. -Demeurer
ébranlé - rester ainsi avec le coeur brisé, un estomac qui
gargouille, un sentiment de non-espoir, le désir de prendre sa revanche
ou autre, c'est cela le chemin de l'éveil véritable. Se coller à
son incertitude, acquérir le talent de se détendre au milieu du
chaos, apprendre à ne pas être pris de panique, c'est ça la
voie spirituelle. Trouver le truc pour s'attraper soi-même, s'attraper avec
douceur et compassion, s'attrapper de plus en plus souvent, c'est la voie du guerrier. -Partout
dans le monde, chacun attaque un ennemi et la souffrance ne cesse de croître.
Chaque jour, nous avons à nous demander: "Est-ce que je vais augmenter
l'agression dans le monde ? Est-ce que je vais pratiquer la paix ou bien vais-je
partir en guerre ?" -L'impermanence
est l'essence de toute chose. Elle est ces bébés qui sont un jour
des enfants, des adolescents, des adultes, puis des vieillards. Or, elle nous
désespère, nous la considérons comme une douleur. Nous essayons
de lui résister en faisant des choses qui vont durer. En essayant de nier
que tout change constamment, nous perdons le sens sacré de la vie. Nous
avons tendance à oublier que nous faisons aussi partie de l'ordre naturel
des choses. -La souffrance est enracinée dans notre vision tronquée
et biaisée de la réalité. Elle est basée sur la peur
de l'impermanence. On désire connaître le plaisir sans la douleur,
or ils sont inséparables. Le plaisir et la douleur peuvent être célébrés,
ils sont normaux. La naissance, tout comme la mort, sont sources de plaisir et
de douleur. La douleur n'est pas une punition; le plaisir n'est pas une récompense.
Nous voulons toujours nous débarrasser de la souffrance plutôt que
de voir comment elle s'harmonise avec la joie. Quand la souffrance surgit dans
notre vie, c'est le moment de la reconnaître, d'être curieux et d'être
attentifs à nos réactions, de l'observer sans porter de jugements
ni chercher à nous reprendre en main. -L'inspiration (l'affirmation
de soi) et l'affliction sont inséparables, elles se complètent.
Lorsque nous ne sommes en contact qu'avec l'inspiration, nous devenons arrogants.
Lorsque nous ne voyons que l'affliction, nous perdons notre vue d'ensemble. Se
sentir inspiré réconforte et fait comprendre à quel point
le monde est vaste et merveilleux. Se sentir déprimé rend humble,
nous adoucit, fait mûrir le cur et nous aide à comprendre les
autres. On peut célébrer aussi bien l'inspiration que l'affliction.
Nous pouvons être à la fois grand et petit. -Nous considérons
souvent l'absence d'ego comme une grande perte, mais en vérité c'est
un gain. L'absence d'ego, c'est notre état naturel; s'en rendre compte,
c'est comme recouvrer la vue après avoir été aveugle. L'ego
nous empêche d'être complètement là où nous sommes,
reliés au caractère immédiat de notre existence. L'absence
d'ego est un bien-être inconditionnel. Dès que nous ne sommes plus
si centrés sur nous-mêmes, nous rayonnons naturellement vers l'extérieur. Quand
surgit l'absence d'ego, nous pouvons le reconnaître - un moment frais, la
perception claire d'une odeur, d'un objet, d'un son, le sentiment de s'ouvrir
aux émotions et aux pensées au lieu de nous renfermer dans notre
moi étroit et limité. Quand nous percevons la sensation d'espace
dans notre vie, quand nous sentons une brèche dans la conversation continuelle
que nous avons avec nous-mêmes, quand nous remarquons soudain ce qui est
en face de nous, nous pouvons reconnaître tout cela comme l'absence d'ego.
Il n'est pas nécessaire de le prendre trop au sérieux. L'absence
d'ego est constamment à notre disposition comme fraîcheur, ouverture
et plaisir des perceptions de nos sens. -La paix n'est pas l'opposé
de la guerre. C'est le bien-être ressenti quand on considère le nombre
infini de paires d'opposés comme complémentaires. S'il y a la beauté,
il doit y avoir la laideur. S'il y a la justice, il y a l'injustice. La sagesse
et l'ignorance ne peuvent être séparées. Découvrons
par nous-mêmes ce qu'est la paix et s'il est vrai ou non qu'il y a de la
joie dans le simple fait de vivre.
-Pratiquer la
méditation n'est rien d'autre que nous étudier nous-mêmes.
-Je dois trouver par moi-même ce qui est vrai. -L'honnêteté
sans la bienveillance peut nous faire sentir sinistres, mesquins, accablé
et irrités par nous-mêmes et notre vie et ainsi perdre toute la satisfaction
que nous aurions pu ressentir. C'est pourquoi on insiste tant sur la bienveillance. -Le
défi consiste à apprendre à cultiver la compassion en même
temps qu'une visoin claire; autrement dit, comment arriver à nous détendre
et à nous réjouir plutôt qu'à devenir plus tourmentés
par la culpabilité et encore plus malheureux. Car rien n'est jamais assez
bon ou à la hauteur de nos espérances. L'honnêteté
sans la bienveillance, sans l'humour et la bonté, risque de devenir méchanceté
à son égard. -Au fond, lorsque nous examinons notre propre coeur
et commençons à découvrir nos côtés confus ou
lumineux, aigres ou doux, ce n'est pas seulement nous-mêmes que nous découvrons.
Nous découvrons l'univers. -La seule raison qui
nous empêche d'ouvrir notre coeur et notre esprit aux autres, c'est qu'ils
déclenchent en nous une déroute telle que nous ne nous sentons ni
le courage ni la santé mentale pour y faire face. C'est dans la mesure
où nous nous observons nous-mêmes avec clarté et compassion
que nous devenons assez confiants et intrépides pour regarder quelqu'un
d'autre dans les yeux. Plus nous entrons en relation avec les autres et plus
nous découvrons vite là où nous sommes méchants, effrayés,
renfermés. Il devient alors capital d'être doux et de ne pas porter
de jugement sur ce qu'on voit pour ne pas perdre toute motivation. -Nous
adoucir et nous détendre davantage sont la seule façon de continuer
à travailler avec les autres et d'être d'une quelconque utilité
pour le monde. |
La
révolution du silence Krisnamurti |
-On le vit soudain
se redresser et le feu du combat, le combat des mots, fut en ses yeux. La sympathie,
l'amour et la compréhension avaient disparus. Il était sur son terrain
sacré des croyances, de la tradition, bien nivelé par le lourd poids
du conditionnement passé. Et il était lancé! Son épouse
me regarda, ne faisant plus grande attention à lui, et un léger
sourire commença à apparaître sur son visage; et, tous deux,
nous regardâmes la tourterelle qui était revenu et l'éclatant
bougainvillier rouge. -Lorsqu'on cesse d'entendre le bruit de ces corneilles,
il y a quelque chose; ce quelque chose est le bavardage des esprits - les problèmes,
les soucis, les conflits. La vie commence ou finit la pensée. -Nous
entendons par austérité non pas la dure discipline du saint, qui
lui confére un pouvoir et une notoriété. L'austérité
n'est pas rigide. Elle n'est pas le refus du confort, elle ne fait pas voeu de
pauvreté ou de célibat. L'austérité est la perfection
de l'intelligence. Elle ne peut se faire ni par la volonté, ni par dessin
délibéré. C'est l'action de la beauté qui provoque
l'abandon et c'est l'amour qui fait naître cette profonde clarté
intérieure qu'est l'austérité. -Entendre le fracas de
ce train sur le pont métallique est aussi important qu'entendre le roucoulement
de l'oiseau. Tout cela fait partie du monde. Si vous y renoncez, vous renoncez
à la beauté et à l'amour - à la terre elle-même.
- La floraison du bien n'a lieu le long d'aucun sentier car
il n'y a pas de sentier qui mène à la vérité.
-Les cellules du cerveau - qui ont été si longtemps entraînées
à réagir, à projeter, à affirmer - ne tombent au repos
que par la vision de ce qui est. À partir de ce silence, une action qui
n'est pas cause de désordre est possible. Lorsque l'observateur, le centre,
l'expérience, ont pris fin, alors voir c'est faire. Voir n'est possible
qu'à partir d'un silence où n'existe ni évaluation, ni valeur
morale. -C'est l'action de comprendre qui est l'acte religieux. Voir l'ensemble
de la condition humaine, ses plaisirs et ses souffrances, et non spéculer
sur ce que devrait être la vie religieuse. Ce qui "devrait être"
est un mythe. C'est la pensée qui a créé cet effrayant chaos,
cette détresse; c'est elle qui fait obstacle à la vraie vie religieuse.
-Lorsque s'épuise le plaisir où vous vous complaisiez auparavant
- à cause de l'àge, de la maladie, d'un accident ou par l'usure
du temps - vous voilà en peine; alors la douleur est votre ombre. Mais
l'amour n'est ni plaisir, ni un produit de désir, et voilà pourquoi,
Monsieur, il faut entrer dans une autre dimension. En elle, se résolvent
nos problèmes et toutes nos disputes. Sans elle, quoi que vous fassiez,
vous serez dans la douleur et la confusion. -Ce que nous connaissons en fait,
c'est la servitude aux choses extérieures, soit à la maison, à
la famille, à l'emploi ou aux choses intérieures, soit aux traditions,
aux habitudes, au plaisir de dominer et de posséder, à la peur,
au succès et à tant d'autres choses. Lorsque le succès donne
du plaisir, on ne parle jamais de se lilbérer, on n'y pense même
pas. Nous ne parlons de liberté qu'en cas de douleur. Voyez la réalité
de ce qui est, sans réagir ni avec plaisir, ni avec douleur. La liberté
c'est voir. -C'est un dur travail que de voir clair dans ce chaos, dans cette
insanité que l'homme a tissé autour de lui. Il vous faut un esprit
très très sain pour voir et pour être libre. Être libéré
du désir de voir, de l'espoir que l'on accorde à la science, à
la technologie ou à la religion. Cet espoir engendre des illusions. Voir
cela, c'est être libre. -On s'habitue à la beauté et à
la laideur, et la fraîcheur du jour n'est plus là. -À
travers le monde, des gens lisent des livres sacrés, en répètent
des passages. Mais en leurs coeurs, ils sont violents, avides et cherchent à
exercer leur pouvoir. Ces livres sacrés n'ont aucun sens réel. Ce
qui agit dans le monde, c'est le total égoïsme de l'homme, sa perpétuelle
violence, non pas les livres, les temples ou les églises. - Sous sa
robe, le moine est effrayé. Il a ses propres appétits, il brûle
de désirs, et sa robe n'est qu'une fuite. -On doit entreprendre le
voyage sans fardeau, détendu, sans aucun effort, sans jamais s'arrêter
à aucun autel ni à la mémoire d'aucun héros. On doit
être seul, avec la beauté et l'amour. -Il faut être seul,
mais cet état n'est pas isolement. Être seul, c'est être un
étranger qui n'appartient à aucune religion, nation ou croyance,
à aucun dogme. "Seul" signifie non influencé, innocent,
libre et entier. Lorsqu'on est seul, on peut vivre dans ce monde mais on en sera
toujours en dehors. Cet état est le seul qui puisse donner lieu à
une action complète et à une vraie coopération. -La méditation
n'est pas faite pour le chercheur, car le chercheur trouve ce qu'il désire,
et le reconfort qu'il en tire est la morale de son inquiétude. -La
méditation est comme la brise qui vient lorsqu'on laisse la fenêtre
ouverte. Si délibérément on invite la brise, elle ne viendra
pas. Comme l'amour, elle ne peut être pourchassée. Ne
regardez pas par la fenêtre dans l'espoir de capter la beauté à
son insu. Elle ne vient que lorsque vous n'êtes pas là du tout, et
sa félicité n'a pas de continuité. -Ne perdez jamais
votre innocence et la vulnérabilité qu'elle comporte. C'est le seul
trésor que l'homme puisse et doive conserver. Ce n'est que l'esprit innocent,
en dépit de ses milliers d'expériences, qui peut voir ce qu'est
la vérité. -Nous n'avons aucune lumière en nous : nous
avons la lumière artificielle des autres; la lumière du savoir,
la lumière que peuvent émettre le talent et les capacités.
Toutes ces lumières là s'éteignent et deviennent douleur.
La lumière de la pensée devient sa propre ombre. Mais la lumière
qui ne vacille jamais, ce profond rayonnement intérieur, ne peut être
cultivé. -En la négation de ce qui n'est pas, ce qui est demeure.
En la négation de ce qui n'est pas l'amour, émerge l'amour.
-C'est un fait étrange que nous riions si peu. Nos coeurs sont trop oppressés,
le fastidieux labeur qu'est l'existence, la routine et la monotonie de la vie
quotidienne les ont insensibilisés. Nous sommes poussés à
rire par une plaisanterie ou par un mot spirituel, mais il n'y a pas de rire en
nous-mêmes; l'amertume qui semble le fruit de la maturité humaine
semble être si générale. Nous ne voyons jamais l'eau qui court,
nous ne rions pas avec elle. Il est triste de voir la lumière dans nos
yeux se ternir de plus en plus à chaque jour. -Il n'y a pas d'intelligence
sans une sensibilité du corps et de l'esprit, c'est-à-dire une sensibilité
sensorielle. L'émotivité et la sentimentalité sont des entraves
à cette sensibilité. La sensibilité est attention. -Il
y avait un grand chien, plus vivant que son maître. Il avait envie d'être
dehors, dans l'herbe, parmi les dunes, de courir contre le vent. -Les possessions
nous possèdent bien plus que nous les possédons. Le château,
la maison, les tableaux, les livres, le savoir deviennent plus importants que
l'être humain. -La perpétuelle recherche du but de la vie est
une des curieuses évasions de l'homme. S'il trouve ce qu'il cherche, cela
ne vaudra pas ce caillou sur ce chemin. La poésie et l'imagination n'ont
aucune place dans le présent actif. Non que vous déniez la beauté,
mais l'amour est cette beauté dans le présent, un présent
que vous ne pouvez pas trouver en le cherchant. -Il faut mettre de côté
le maître et aussi le disciple qui essaie de modifier sa façon de
vivre. Il ne reste qu'une seule chose: apprendre. L'action véritable consiste
à apprendre. Être, apprendre et agir, il n'y a pas de séparation.
On ne peut pas apprendre sans agir, vous ne pouvez rien
apprendre à votre sujet, si ce n'est dans l'action. Vous ne pouvez pas
d'abord apprendre à vous connaître sur un certain point et agir ensuite
en fonction de cette connaissance; car l'action deviendrait imitative, elle serait
conforme à une accumulation de connaissance. -La beauté n'est
pas de l'ordre du comparable, l'amour non plus. Lorsque vous dites: "J'aime
telle personne plus que telle autre", cela cesse d'être l'amour.
-Plus le silence est profond, mieux on entend la beauté du son. -Devenir
bon, c'est nier la bonté. Devenir meilleur est le déni de ce qui
est; le mieux corrompt le "ce qui est". Être bon, c'est l'être
maintenant, dans le présent; le devenir est un futur, une invention d'un
esprit retenu dans la croyance en une formule faite de comparaison dans la durée.
Dans le mesurable, la bonté disparaît. -Le politicien, le prêtre,
l'homme respectable fonctionneront toujours selon une formule; et les étourdis,
les sots, seront toujours aveuglés par leurs mots, leurs promesses, leurs
espoirs. L'autorité de la formule devient beaucoup plus important que l'amour
de ce qui est. - Dans le désir, il y a toujours le mieux, le plus
grand, le plus. Dans le désir, il y a une notion de mesures, de comparaisons,
et la racine de l'illusion est la comparaison. Une amélioration n'est pas
un changement. -Vivre sans principes, sans idéal, c'est vivre face
à face avec ce qui est à chaque minute. Voir le fait comme un fait,
sans excuse, avec une grande honnêteté.
|
L'éveil
de l'intelligence
Krisnamurti | -Il
est possible de changer d'une façon radicale. Quand il existe une possibilité,
il y a une intense énergie. Ce qui dissipe l'énergie, c'est l'idée
que le changement n'est pas possible. Observez-vous et interrogez-vous avec passion,
intérêt, vitalité et une grande énergie, dans la pâte
de ce qui est maintenant. Peut-être alors parviendrez-vous à un point
où vous constaterez d'évidence que, sans aucune sorte d'effort,
sans aucun mobile d'aucune espèce, cette transformation radicale se produit
d'elle-même. -Observez sans avoir recours à l'analyse. -Dans
le courant de la journée, si vous prenez conscience des cheminements de
votre pensée, de vos mobiles, de l'hypocrisie, de vos faux-semblants -
faire une chose, en dire une autre et en penser une troisième - du masque
que vous mettez, de vos façons de tromper, vous établirez en vous
un état d'ordre de minute en minute. -Vous vivez dans ce monde occidental,
avides toujours de plus en plus, dans le monde du plaisir, du divertissement,
de la richesse, du bruit incessant de la télévision, de la brutalité;
tout cela c'est vous, c'est votre contenu. -Avoir un esprit compétitif,
ambitieux, toujours en lutte, à comparer, à imiter; un tel esprit
est absolument incapable d'aimer. Dès l'instant où vous comparez,
s'installent le conflit, l'envie, le désir de réussir, de surpasser
l'autre. -L'amour est une chose entièrement neuve chaque jour, ce que
le plaisir n'est pas; le plaisir est fait de continuité. -Un esprit
qui s'interroge, et non pas qui recherche. Lorsque vous cherchez, vous allez trouver
différents instructeurs, des livres, des cultes, des gourous, comme lorsqu'on
fait du lèche-vitrine. Il faut enquêter, interroger tous les éléments,
sans mobile, sans but. Vous vous laissez très facilement influencer, vous
êtes tellement crédule. Vous êtes toujours avide, assoiffé,
et par conséquent crédule. -Et par votre enquête, en apprenant,
l'ordre s'installe, et l'ordre est vertu. -Tout homme qui dit "Je sais",
cet homme là ne sait pas. -Il faut un esprit tranquille, parce qu'on
ne peut observer qu'à cette condition. Si vous bavardez, l'esprit agité,
l'esprit ne peut regarder et écouter d'une façon totale. Seul un
esprit très calme, silencieux est capable de voir la vie toute entière
comme une entité non fragmentée. Et c'est cela la méditation.
-Tout le monde se croît capable d'agir sur son comportement. Par l'effort,
par la volonté ! Dès qu'il y a action de la volonté, il existe
une forme de résistance; dominer, supprimer, rejeter, s'évader -
tout cela c'est la volonté en action. L'exercice de la volonté n'est
pas autre chose que la tyrannie d'un fragment sur un autre. -L'ordre et la
vertu n'existent que dans l'instant présent. On ne peut les cultiver. Ce
n'est pas une affaire d'évolution ou de temps. -La liberté,
la compassion, l'ordre, la vertu, le bien sont une seule et même chose.
-Le bien est une chose négative. La négation de la rancune, de la
violence, c'est le bien. -L'amour ne peut être décrit. On peut
seulement éliminer ce qui n'est pas amour. -Je
ne vis vraiment que lorsqu'il n'y a plus de peur en moi. -Si je me promène
et que j'observe un certain système, par exemple une méthode de
marche, je ne m'intéresserai plus qu'à cela, je ne verrai plus les
oiseaux, les arbres. -Je me trouve devoir faire face à ma vie et être
un bon citoyen. Je veux découvrir comment me libérer de ma souffrance,
découvrir s'il existe un Dieu. Je ne peux pas m'asseoir tout seul et creuser
la question, parce que je pourrais m'illusionner, mon esprit étant trop
plein de sottises et de préjugés. C'est dans mes relations avec
la nature et les êtres humains que je peux découvrir ce qu'est cette
peur, cette souffrance; dans mes relations agissantes. Voir comment je me comporte
avec vous, comment je parle aux gens. C'est dans le processus des relations humaines
que tout le problème se révèle à moi. -Je suis
ici, un être humain ordinaire. Je veux savoir. Par où commencer ?
Il me faut travailler au bureau, il y a la femme, les enfants, je les aime ou
les déteste, je suis un obsédé sexuel ou autre. Et me voici.
C'est cela la carte de ma vie, mon point de départ. -Lorsque vous voyez
le danger que comporte le nationalisme, vous en êtes totalement sorti.
-Nous sommes tellement concentrés sur nos propres soucis, nos espérances,
nos désirs, nos expériences, que nous nous renfermons dans la cage
de notre pensée. Et nous ne regardons pas plus loin. Regardez cette fleur
! Regardez tout ce qui vous entoure, et c'est en regardant toute chose que vous
découvrirez votre cage. -La sensitivité est d'un tout autre
ordre que la sentimentalité ou l'émotivité. -Notre vision
est fragmentée. Jamais nous n'avons regardé d'une façon complète,
avec la totalité de notre être, de notre coeur, de nos nerfs, de
nos yeux, de nos oreilles. Pour nous, le mot, le concept sont extraordinairement
importants, bien plus que l'action de voir et de faire. -Dans ce monde pourtant
vaste et incommensurable, voyez la petite maison que vous vous êtes construite
dans un petit recoin. On y vit, s'y querelle, se bat, on cherche à y introduire
des améliorations. Or, si nous regardons à partir de notre petit
recoin, nous sommes incapables de voir ce qui se passe dans le monde, le désespoir,
l'anxiété, la douloureuse solitude. Cela nous rend insensitif, dur.
Ce petit recoin, c'est notre esprit trivial et rétréci. Notre esprit
mesquin et fragmenté, incapable d'être sensible à la totalité.
Ce petit recoin, nous voulons le sécuriser, qu'il soit paisible, satisfaisant,
tranquille, agréable, et ainsi nous évitons toute souffrance, parce
que dans le fond de nous-mêmes, nous recherchons toujours le plaisir. Pourtant,
vous ne pouvez avoir le plaisir sans la souffrance, l'un ne vas pas sans l'autre.
Le problème fondamental, c'est de s'affranchir de notre petit recoin.
-Il y a désaccord et division quand vous avez des opinions sur ce que vous
voyez. -Notre vie est si monotone, morne, négligée, toujours
dans le champ de nos propres problèmes, de nos anxiétés.
Nous sommes sans intensité et sans urgence, nous n'avons pas d'énergie.
L'énergie est passion. Sans passion, vous ne pouvez découvrir aucune
vérité. -La vie, ce n'est pas des mots ou des concepts. C'est
le mouvement actif qui consiste à faire, à penser, à ressentir,
à craindre, à se sentir coupable, à être désespéré,
voilà ce qu'est la vie. Il nous faut être en contact intime avec
la vie. Or, il est impossible d'être en contact intense, passionné,
vivace avec elle si on a peur. -D'où provient le gaspillage d'énergie
? Du fait de suivre quelqu'un, d'imiter, de copier, d'obéir, d'accepter
des compromis, de comparer, de juger, de mesurer, d'avoir peur. -Dès
l'instant où vous mesurez, c'est-à-dire où vous comparez,
vous êtes en train de négocier avec ce qui est. -Nous pouvons
continuer à lire, discuter, entasser des mots les uns sur les autres, interminablement,
sans jamais rien changer à quoi que ce soit. Comme un homme qui laboure
sans arrêt, qui ne sème jamais et qui par conséquent ne récolte
jamais. Les mots, les idées, les théories sont devenus plus importants
que la vie qui, elle, consiste à faire et à agir. -Je regarde
cet arbre, c'est une joie profonde. Je me dis: "Il me faut conserver cette
impression". Quand le lendemain je revois de nouveau cet arbre, le souvenir
de la veille gâche ce que je vois. Je m'habitue à la beauté
de cet arbre et finalement je ne le vois plus. Je deviens insensible. Le plaisir
engendre l'indifférence et réduit l'esprit à des habitudes
qui entraînent une totale insensibilité. -Tous mes jugements
sont basés sur mes préférences et mes aversions. Et l'aversion
et la préférence sont à leur tour une habitude que j'ai cultivé
par la recherche du plaisir. -Quand vous voyez très clairement, il
n'y a ni plaisir ni déplaisir. Tout est là devant vous. Toute la
beauté de cette femme est là, mais quand la pensée intervient
pour dire: "Cette femme était belle !", alors se met en branle
toute l'imagerie de la vie sexuelle, les excitations, les frémissements.
-Voyez la beauté de la question, ne vous préoccupez pas de
la réponse. -L'élément de déformation, c'est la
peur, le besoin de plaisir, de satisfaction, de jouissance, non pas le plaisir
lui-même, mais le besoin de plaisir. -Quand vous rencontrez la peur
sur votre chemin, restez avec elle, ne la combattez pas. Plus vous la combattrez,
plus elle prendra de force. -Je suis prêt à aller aux recoins
les plus reculés de la terre pour découvrir la vérité.
Mais elle est là, au coin de la rue, tout près.
-Jouir, c'est une chose valable. Mais la pensée se dit: "J'en veux
de plus en plus, et ce plaisir-ci je veux le voir se répéter demain."
L'esprit est-il capable de voir ce coucher de soleil, de vivre complètement
avec lui à cet instant et d'en avoir fini avec lui, et de voir toute la
fraîcheur nouvelle du lendemain ? Ainsi l'esprit est toujours libre du connu.
-Il faut une grande dose d'énergie, de vitalité et d'intérêt
pour provoquer un changement radical en soi-même. Or, nous la dissipons,
par des bavardages inutiles, des opinions sur toute chose, des concepts et aussi
par l'éternel conflit qui règne en nous. Même les disciplines
que nous nous imposons sont une forme de résistance. -La résistance
c'est la volonté. Les "Il faut, il ne faut pas, il faudrait".
La volonté agit indépendamment du fait. La volonté c'est
l'affirmation du "moi", indépendamment de ce qui est. La volonté
est désir. La manifestation du désir est la volonté. S'il
y a volonté, il y a contradiction, résistance et effort, donc déperdition
d'énergie. La volonté appartient à l'ancienne culture que
est pétrie d'ambition et de poussées agressives du moi.
-Dans nos esprits bavards, encombrés de connaissances, de rumeurs, d'opinions,
il n'y a pour ainsi dire pas d'espace du tout. Isolé comme vous l'êtes
dans ce petit espace, accablé par les murs épais et menaçants
de vos résistances, de vos idées, comment pourriez-vous concevoir
un espace véritablement non mesurable ? La pensée est mesure. La
pensée est incapable de créer ce vaste espace où règne
un silence total et absolu. La pensée ne peut fonctionner réellement
qu'avec la plus haute intelligence, que s'il y a espace et silence, et avec cet
espace et ce silence, surviennent la beauté et l'amour. -Chaque fois
que l'on cherche sans savoir, on découvre quelque chose. Mais si vous recherchez
à partir des bases connues, vous ne découvrirez jamais rien.
-Quand je suis attentif et lucide, il ne se passe rien. Je suis vivant, plein
de vitalité; dans cet état, rien ne peut se passer parce qu'il n'y
a aucun choix qui permettrait à quelque chose de se passer. Mais c'est
quand je suis inattentif, non lucide, que les choses se mettent en train. Alors,
je dis n'importe quoi, suis nerveux, angoissé, gêné..
-Je ne peux absolument rien faire au bruit que fait ce train en passant, par conséquent
j'écoute, je n'y résiste pas. Il y a un bruit mais ce bruit n'agit
pas sur moi. Et, de la même façon, je me rends compte que je suis
névrosé ou autre. J'observe d'une façon totale. Je ne résiste
pas. Mais j'écoute totalement, avec tout mon coeur. -Ne pas être
blessé, cela veut dire n'avoir aucune image. Ne pas être blessé
implique que l'on soit sans résistance. Être sans résistance
implique ne pas avoir d'image. Ne pas être blessé signifie vitalité,
énergie, et cette énergie est dissipée dès l'instant
où j'ai des images. Cette énergie est dissipée quand je me
compare, quand je compare mon image à la vôtre. Cette énergie
se perd dans le conflit, dans l'effort que je fais pour devenir pareil à
l'image que j'ai moi-même projetée. -La racine de la peur c'est
le "devenir". Toute notre vie n'est pas autre chose que ce processus
de "devenir". Je deviens quelque chose. Je devrais être quelque
chose. -J'imagine que vous lisez beaucoup de livres. Personnellement, ce n'est
pas mon cas et je puis, par conséquent, me regarder moi-même, découvrir,
m'observer, non seulement selon un tel ou un tel, mais simplement observer.
|
Pensées
pour moi-même Marc-Aurèle | Mener
une vie de travail et de fatigue grâce à la sobriété
de son régime et à la règle de ses moeurs. Savoir se contenter
de peu. Faire soi-même sa besogne. Ne pas chercher à se déplacer
ni à s'agiter, mais se plaire à rester dans les mêmes lieux
et les mêmes occupations. Être disposé à l'indulgence
et à la reconciliation. La patience envers les ignorants. L'art de s'accommoder
à toutes espèces de gens. À la fois le moins passionné
et le plus tendre des hommes. La bonne humeur dans toute les circonstances. Nul
recherche de plaire. Inaccessible à la flatterie. Soins modérés
pour son corps, sans coquetterie ni négligence. Ne pas se tracasser. Aussi
capable de jouir que de se priver de ces biens dont la plupart des hommes ne peuvent
se passer. -À tout moment, songe avec gravité à
faire ce que tu as en main, avec une stricte et simple dignité, avec amour,
indépendance et justice, et à donner congé à toutes
les autres pensées. -Ne jamais chercher à se faire une idée
de ce qu'un autre dit, fait ou pense. Applique ton activité aux seules
choses qui te concernent. -Parle peu, et ne t'ingère point dans de
multiples affaires. -Choisis simplement et librement ce que tu vois de meilleur
et persiste en ce choix. Et le meilleur, c'est l'utile. -Suprême
liberté que l'homme qui a opté pour sa raison, son génie.
Il vivra sans rechercher ni fuir quoi que ce soit. Rien de servile en lui, rien
d'affecté, de trop attaché ou de trop détaché, de
dissimulé. -Souviens-toi que chacun ne vit que le moment présent,
et que ce moment ne dure qu'un instant; le reste, il a été vécu
ou est dans l'incertain. Petit est le temps que chacun vit, le coin de terre où
il vit. -Toujours se faire une définition et une description de l'objet
dont l'image se présente à l'esprit, afin de le voir distinctement,
tel qu'il est en sa propre essence, à nu. Voir les éléments
dont il est composé, son utilité, sa valeur, sa durée. De
quelles vertus ai-je besoin par rapport à lui ? De douceur, de courage,
de maîtrise de moi.. ? -On se recherche des retraites à la campagne,
sur les plages, dans les montagnes. Tout cela est de la plus vulgaire opinion,
puisque tu peux, à l'heure que tu veux, te retirer en toi-même. Nulle
part, en effet, l'homme ne trouve de plus calme retraite que dans son âme.
-L'émeraude perd-elle de sa valeur si elle n'est pas louangée?
-Quoi qu'on fasse ou qu'on dise, il me faut être émeraude et garder
ma couleur. -Embrasse peu d'affaires, si tu veux vivre en joie. La plupart
de nos paroles, de nos idées et de nos actions n'étant pas nécessaires,
les supprimer et s'assurer plus de loisir et de tranquillité. -Le petit
métier que tu as appris, aime-le et donne lui tout ton acquiescement. Le
reste de ta vie, passe-le en homme qui, de toute son âme, compte sur les
Dieux pour tout ce qui le concerne, et qui ne se fait ni le tyran ni l'esclave
d'aucun des hommes. -Hier, un peu de gloire; demain, momie ou cendre.
-Va toujours par le chemin le plus court, de la façon la plus naturelle.
Une telle ligne de conduite te délivrera de l'emphase, de l'exagération
et du style figuré et artificiel. -T'éveiller avec cette pensée:
c'est pour faire oeuvre d'homme que je m'éveille. -La
philosophie ne veut pas autre chose que ce que veut la nature. -La même
action qui est conforme à la nature, est aussi conforme à la raison.
-Telles que sont le plus souvent tes pensées, telle sera ton intelligence,
car l'âme se colore par l'effet des pensées. -Ce qui ne lèse
point la cité ne lèse pas non plus le citoyen. -Ce qui n'est
pas utile à l'essaim n'est pas utile à l'abeille non plus. -Qu'il
ne t'importe pas si tu as froid ou chaud en faisant ton devoir, si tu as besoin
de t'assoupir ou si tu as suffisamment dormi, si tu t'entends blâmer ou
louanger, si tu meurs, ou si tu fais quelque autre chose. C'est en effet, une
des actions de ta vie que le fait de mourir. Il suffit donc, pour cet acte, de
bien faire ce qu'on fait dans le moment présent. -Le meilleur moyen
de t'en défendre est de ne pas leur ressembler. -On peut se faire une
représentation de ce que sont les aliments, par exemple le cadavre d'un
poisson ou d'un porc. Ou d'un accouplement qui est le frottement d'un boyau et
de l'éjaculation qui est spasme. Ces représentations de ces choses
te font voir ce qu'elles sont fondamentalement. Toute les fois que des choses
te semble trop digne de confiance, mets-les à nu, rend-toi compte de leur
peu de valeur et dépouille les de cette fiction qui les rend vénérables.
-Est-il honteux que, dans le temps où ton corps ne se laisse point abattre,
ton âme, en ce même moment, se laisse abattre avant lui. -Essaie
de les persuader, mais agis, même malgré eux, quand la raison de
la justice l'impose. -Les choses auxquelles nous nous appliquons finissent
par arriver. -Celui qui aime la gloire met son propre bonheur dans les émotions
d'un autre; celui qui aime le plaisir, dans ses propres penchants; mais l'homme
intelligent, dans sa propre conduite. -Il m'est permis, sur ce sujet, de n'avoir
pas d'opinion et de ne pas troubler mon âme. -Que sont-ils, ceux à
qui l'on veut plaire ? Et pour quels profits et par quels procédés
? Comme le temps aura tôt fait de tout recouvrir, et que de choses déjà
n'a-t-il pas recouvertes ! -Efface l'imagination. Arrête cette agitation
de pantin. Circonscrit le moment actuel. Comprends ce qui t'arrive, à toi
ou à un autre. Distingue et analyse, en l'objet qui t'occupe, sa cause
et sa matière. Pense à ta dernière heure. -La perfection
morale consiste à passer chaque jour comme si c'était le dernier,
à éviter l'agitation, la torpeur, la dissimulation. -Il ne faut
pas s'irriter contre les choses, car elles ne s'en soucient pas. -Ne pas s'associer
à leurs lementations, ni à leurs agitations. -"La douleur
n'est ni intolérable ni éternelle, si tu te souviens de ses limites
et si tu n'y ajoutes rien par l'opinion que tu t'en fais." Épicure
-Il est parfaitement possible, en effet, d'être un homme divin et de n'être
remarqué par personne. -Le bonheur de vivre dépend de très
petites choses: être libre, modeste, sociable et docile à la voix
de Dieu. -Avant-tout, ne te trouble point; tout arrive, en effet, conformément
à la nature universelle, et sous peu de temps, tu ne seras plus rien, comme
ne sont plus rien Adrien et Auguste. Ensuite, fixant les yeux sur ce que tu as
à faire, considère-le bien; et, te souvenant qu'il faut être
homme de bien et de ce que réclame la nature de l'homme, accomplis-le sans
te détourner et de la façon qui t'apparaît la plus juste,
mais que ce soit seulement avec bonne humeur, modestie et sans faux-semblant.
-Chaque chose a été faite en vue d'une fonction, le cheval, la vigne.
Pourquoi t'en étonner ? Le soleil même dira qu'il a été
produit pour une tâche, comme les autres Dieux. Mais toi, pourquoi as-tu
été créé ? Pour le plaisir ! Vois si cette pensée
est admissible. -Efface les représentations imaginaires en te disant
continuellement à toi-même: "À présent, il est
en mon pouvoir qu'il n'y ait en cette âme aucune méchanceté,
aucun désir, aucun trouble. Mais, voyant toutes choses comme elles sont,
je tire parti de chacune selon sa valeur." -Recevoir sans fierté,
perdre avec désintéressement. -N'embrasse point en pensée
les grands et nombreux ennuis qui t'attendent dans le futur. Mais, à chacun
des ennuis présents, demande-toi: "Qu'y a-t-il en ce fait d'intolérable
et d'insupportable ?" Tu rougirais, en effet, de le confesser. Rappelle-toi
ensuite que ce n'est ni le futur, ni le passé qui te sont à charge,
mais toujours le présent. -Je ne mérite pas de m'affliger moi-même,
car je n'ai jamais volontairement affligé autrui. -Toujours conserver
sain mon principe directeur. Me préserver de toute aversion pour aucun
homme ou événement, mais regarder toute chose avec des yeux bienveillants,
les accepter et en tirer parti selon sa valeur. -Veuille à favorablement
accueillir pour toi-même le temps présent. -C'est une citadelle
qu'une intelligence libérée des passions. -Si tu t'affliges
pour une cause extérieure, ce n'est pas elle qui t'importune, c'est le
jugement que tu portes sur elle. Or, ce jugement, il dépend de toi de l'effacer
à l'instant. -On est souvent injuste par omission, et nos pas seulement
par action. -Effacer ce qui est imagination, réprimer l'impulsion;
éteindre le désir; rester maître de sa faculté directive.
-Aujourd'hui, je suis sorti de tout embarras, ou plutôt j'ai désavoué
tout embarras, car il n'était pas hors de moi, mais en moi, dans mes opinions.
-La faute d'un autre, il faut la laisser où elle est. -Assez de cette
vie misérable, de ces grogneries, de ces singeries ! Pourquoi te troubler
? Qu'est-ce qui te met hors de toi ? La forme ? Examine-là. La matière
? Examine-là. Hors de cela il n'y a plus rien. Mais, regardant vers les
Dieux, rends-toi désormais plus simple et meilleur. -"Puissé-je
dormir avec cette femme?" Toi, dis plutôt: "Puissé-je ne
pas désirer dormir avec cette femme!" "Puissé-je être
débarrassé de ce souci?" Dis: "Puissé-je n'avoir
pas besoin d'en être débarrassé!" "Puissé-je
ne pas perdre mon enfant?" Dis: "Puissé-je ne pas être
affligé de le perdre!" Retourne ainsi tes prières. -Seras-tu
un jour, ô mon âme, bonne, simple, une, nue et plus apparente que
le corps qui t'entoure? Seras-tu donc un jour à même de goûter
la disposition qui te porte à aimer et à chérir? Seras-tu
donc un jour satisfaite, sans besoin, sans désir, sans avoir à attendre
ton plaisir de ce qui est animé ou inanimé; sans avoir, pour le
faire durer davantage à attendre ton plaisir du corps, d'un lieu, d'une
contrée, d'un air plus favorable, et d'un meilleur accord entre les hommes?
Mais te contenteras-tu de ta condition présente, te réjouiras-tu
de tout ce qui présentement t'arrive, te persuaderas-tu que tout est bien
pour toi. -À l'être raisonnable seul il a été donné
de pouvoir se plier aux événements de plein gré, tandis que
s'y plier tout court est pour tous une nécessité. -Réfléchis
et demande-toi si la mort est si terrible, parce qu'elle te prive d'agir en ce
cas particulier. -Encore un peu de temps et tu auras fermé les yeux;
et celui qui t'aura porté en terre, un autre déjà le pleurera.
-Rends-toi compte enfin que tu as en toi-même quelque chose de plus puissant
et de plus divin que ce qui suscite les passions et que ce qui, pour tout dire,
t'agite comme une marionnette. Quel est en ce moment le mobile de ta pensée
? N'est-ce pas la crainte, le soupçon, la convoitise ou quelque autre passion
de cette sorte ? -Songe que tout n'est qu'opinion. Supprime ton opinion et
comme un vaisseau qui a doublé le cap, tu trouveras mer apaisée,
calme complet, golfe sans vagues.
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Savoir
qu'on ne sait rien, la vrai sagesse Platon |
Les sages qu'on vantait le plus me satisfirent le moins, et ceux dont on n'avait
aucune opinion, je les trouvai beaucoup plus près de la sagesse.
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La
pratique du zen Taisen
Deshimaru |
-La Voie, celle qui est sous nos pieds. Commencer par s'asseoir, concentré
sur la tenue du corps et la respiration. Sans affaires, sans pensées, sans
but ni esprit de profit. Vide, en posture d'éveil. La voie est d'une simplicité
confondante. -Le clair de lune sur le lac. Le vent se lève. -Après
que l'oiseau a chanté, la montagne est encore plus silencieuse. -Laisser
tomber le petit ego, s'harmoniser avec les autres, se brancher sur l'énergie
cosmique. -Il faut se créer soi-même, atteindre la plus haute
incarnation de la vie, ici et maintenant. Si nous avons un but, nous n'avançons
pas. Si nous n'en avons pas, nous réalisons que nous sommes rien. Alors
nous pouvons être calmes. -L'homme sage est comme mort lui-même.
Rien ne peut troubler son regard. -La grande sagesse est comme la stupidité.
La grande éloquence, c'est le bégaiement. Il est inutile de se mettre
en avant. -Comprendre est plus facile que pratiquer. -Ceux qui cherchent
le chemin, je vous en prie, ne perdez pas le moment présent. -Trop
aimée, la femme s'échappe. Mal aimée, elle s'échappe
aussi. C'est le problème de la boule de feu. Si on la touche, elle brûle,
si on s'en éloigne, il n'y a plus assez de chaleur. Point du milieu. De
toute chose, il ne faut ni courir ni vouloir s'échapper. -N'avoir aucune
idée de victoire et de défaite pendant la pratique, tel est le secret
des arts martiaux. -Il voulait pêcher un grand poisson. Mais aucun poisson
ne nageait dans cette eau trop pure. -La perte devient
gain, le gain devient perte. Le bonheur devient malheur, le malheur devient bonheur.
-L'homme religieux contemple les gens du haut de la montagne, puis il redescend
et se mêle à eux. -Je vous ai conduit au bord de la rivière,
à vous de goûter l'eau ! -Le sage rassemble, réunit, mélange
toute et chaque existence.
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Méditer
pour être tout à fait là Paule Lebrun
et Michel St-Germain | Méditer
c'est regarder ce qui arrive. Uniquement regarder. Jour après jour. Sans
intervenir. Regarder sa respiration qui change. Regarder ses pensées, ses
émotions, ses sensations, devenir le témoin de soi-même. Un
témoin silencieux, immobile, qui observe, ne juge pas, n'a ni émotion,
ni pensée, ni attente. Pour développer le témoin en
vous, parlez de vous à la 3ième personne, de ce que vous êtes
et ressentez.
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Esprit
zen, esprit neuf Shunryu Suzuki |
-L'important est d'exprimer votre vraie nature de la manière la plus simple
et la plus adéquate, et de l'apprécier dans le plus petit phénomène.
-Si votre pratique est bonne, peut-être en deviendrez-vous fier. Ce que
vous faites est bon, mais quelque chose y est rajouté. La fierté
est de trop. L'effort juste consiste à se défaire de ce qui est
en trop. -Oublions de jour en jour ce que nous avons fait; ceci est le véritable
non-attachement. Et faisons du nouveau. Ne s'attacher à rien de ce que
nous avons fait, seulement y réfléchir. -Quand votre pratique
commence à vous décourager, ceci dénonce une certaine avidité.
-Nous faisons simplement ce que nous avons à faire, comme dîner ou
aller se coucher. -Vous attacher à l'enseignement ou au maître
est une grande erreur. Le but de la pratique est de nous étudier nous-mêmes.
-Vous devriez juste polir la tuile, voilà votre pratique. Le but de la
pratique n'est pas de faire de la tuile un joyau. -Nous ne devrions pas essayer
d'épater les autres avec nous merveilleux trésors. Nous ne devrions
pas particulariser notre intérêt. Si vous voulez pleinement apprécier
quelque chose, vous devriez vous oublier. -Le ciel est toujours le ciel. Même
si viennent les nuages, le ciel n'en est pas gêné. -Vous exprimer
tel que vous êtes, sans aucune adaptation intentionelle, fantaisiste, c'est
le meilleur moyen. -Essayez de ne pas imposer votre idée à quelqu'un,
mais plutôt d'y réfléchir avec lui. -Ne pouvant accepter
la vérité de l'impermanence, nous souffrons. Si nous réalisons
la vérité éternelle de "tout change", nous trouvons
alors la sérénité. -Il n'y a pas de voie établie
pour nous. D'instant en instant, nous devons trouver notre propre voie. Une idée
de la perfection, ou une voie parfaite établie par quelqu'un d'autre, ce
n'est pas la vraie voie pour nous. -Pour avoir une véritable indépendance,
nous devons oublier tout ce que nous avons dans l'esprit et, d'instant en instant,
découvrir quelque chose de tout à fait nouveau, de différent.
-D'instant en instant, tout sort du rien. Ceci est la vraie joie de vivre.
- D'instant en instant, nous faisons toujours face. -Une fleur tombe même
si nous l'aimons: et une mauvaise herbe pousse, même si nous ne l'aimons
pas. -Pour qui pratique le zen, une mauvaise herbe est un trésor.
-Si nous prenons les choses trop au sérieux, nous perdrons notre chemin.
Si nous les traitons comme un jeu, nous perdrons notre chemin. Peu à peu,
par la patience et l'endurance, nous devons trouver nous-mêmes notre chemin,
trouver la manière de vivre avec nous-mêmes et avec les autres.
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Manuel
du Guerrier de la Lumière
Paulo Coelho |
-Il arrive au guerrier de la lumière d'être
lâche ou de ne pas agir correctement. Il souffre parfois pour
des causes inutiles, a des comportements mesquins et se juge incapable
de grandir. Il ne sait pas toujours avec certitude ce qu'il fait ici.
Souvent, il peut passer des nuits éveillés, à penser
que sa vie n'a pas de sens. C'est pour cela qu'il est un guerrier de
la lumière. Parce qu'il se trompe. Parce qu'il s'interroge. Parce
qu'il cherche une raison. Parce qu'il a passé par toutes ces
expériences et n'a pas perdu l'espoir de devenir meilleur.
-Un guerrier de la lumière
se décourage souvent. Il pense que rien ne parviendra à susciter
l'émotion qu'il espérait. Il ressent douleur et confusion. Mais
il est têtu, et il n'abandonne jamais. Alors, au moment où il s'y
attend le moins, une porte s'ouvre. -Il constate que le cheval, au moment
de franchir un obstacle, contracte tous ses muscles. Aussi, il ne confond jamais
tension et nervosité. -Coment savoir si ce chemin
est le bon? Il a vu bien des gens renoncer, ne pouvant répondre à
cette question. Lui, n'a pas de doutes. Il suit la règle de Jésus:
"À ses fruits tu reconnaîtras l'arbre". Il ne se trompe
jamais. -Le guerrier fait attention aux petites choses, parce qu'elles peuvent
causer beaucoup de mal. Une épine, aussi petite soit-elle, oblige le voyageur
à interrompre sa marche. Une cellule microscopique peur détruire
un être sain. La réminescence d'un instant de peur réveille
chaque matin la couardise. Une fraction de seconde d'inattention suffit pour que
l'ennemi assène un coup fatal... Le diable réside dans les détails.
-Il n'a pas toujours la foi, à certains moments, il ne croit plus en rien.
Mais il continue sans foi, il poursuit et la foi finit par revenir. -Il sait
que tout le monde a peur de tout le monde, peur qui se manifeste par l'agressivité
ou la soumission. Quand il se retrouve devant quelqu'un qui lui inspire la peur,
il se rappelle que l'autre aussi ressent l'insécurité. Il utilise
la peur comme un moteur, et non comme un frein. -C'est parce qu'il pense être
ce qu'il dit que le guerrier finit par devenir ce qu'il affirme être.
-Voici le premier enseignement de la Chevalerie: Tu effaceras ce que tu as écris
jusqu'à présent dans le cahier de ta vie: inquiétude,
manque d'assurance, mensonge. À la place tu écriras le mot courage.
En commençant le voyage avec ce mot et en le poursuivant avec la foi en
Dieu, tu arriveras là où tu dois arriver. -Le guerrier de la
lumière contemple les deux colonnes de part et d'autre de la porte qu'il
prétend ouvrir. L'une s'appelle Peur, l'autre s'appelle Désir. Il
regarde la colonne Peur, et là est écrit: "Tu vas entrer dans
un monde inconnu et dangereux, où tout ce que tu as appris jusqu'à
présent ne te servira à rien". Il regarde la colonne Désir,
et là est écrit: "Tu vas quitter un monde connu, où
sont conservées les choses que tu as toujours aimées et pour lesquelles
tu as tant lutté". Le guerrier sourit car il n'est rien qui lui fasse
peur, ni rien qui le retienne. Avec l'assurance de quelqu'un qui sait ce qu'il
veut, il ouvre la porte. |
La
préparation progressive à l'illumination abrupte Hubert
Benoît |
-Nous sommes dès aujourd'hui dans l'état de satori mais notre agitation
nous empêche de nous en rendre compte. -Dans toute perception, le monde
me connaît en même temps que je connais le monde, mais je ne veux
voir cette perception que comme une connaissance du monde par moi, c'est-à-dire
que comme une possibilité pour moi de conditionner le monde. Je ne vois
pas que le monde et moi nous nous créons en parfaite égalité.
-L'attention parfaite serait attention à tous les aspects de monde extérieur
dont les émanations me parviennent au même instant: l'attention imparfaite
au contraire ne me met en relation consciente qu'avec un seul aspect, plus ou
moins complexe mais unique, du monde extérieur. -L'homme qui, au moment
du satori, lâche prise et se laisse conditionner totalement, s'apperçoit
que l'opposition Moi Non-Moi n'a jamais existé
et que tout dans l'univers, y compris moi-même, a toujours été
parfaitement libre. -Il n'y a rien à supprimer en nous, mais tout à
accomplir.
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L'apprentissage
de la sérénité Louis Pauwels |
-Au lieu de trépigner pour ce qui pourrait être, reconciliez-vous
donc avec ce qui est. -Les preuves d'intelligence, être bien dans sa
peau, se sentir infiniment libre, n'importe les circonstances. Se réjouir
d'exister, n'importe l'avenir. -"Nous ne saurions nous plaindre de la
vie, pour la raison qu'elle ne retient personne." Sénèque
-On se demande toujours ce qu'on pourra bien tirer de l'existence. Je me suis
réveillé quand j'ai compris que l'important n'est pas de tirer quelque
chose de l'existence, mais de donner le plus possible à la vie. -La
liberté suprême, c'est le pouvoir d'être cause de soi. Non
pas des petits poulets qui se précipitent en avant, en arrière,
à gauche comme tombe le grain. -Lors des traversées d'enfers
provisoires, des hommes, dans l'ombre, s'entretiendront de l'essentiel. Leurs
voix murmureront, à la lisière des pourritures: "Que faire,
que dire, pour empêcher la nuit de tomber ?" Et, comme toujours, reparaîtra
l'aurore pour saluer les courageux. -Le bonheur est la disposition profane
à la joie. Une vie heureuse, par l'intelligence et la vertu, est une noblesse.
Mais la royauté est la joie, un acte spirituel de reconnaissance et de
dilatation, une félicité. -Le bruit ne fait pas de bien. Le
bien ne fait pas de bruit. -N'invoquez pas les esprits, soyez esprit vous-même.
-"Veiller est tout." -Est-ce que je pense, parle, agis? Est-ce que
j'aime, déteste, choisis, désire, décide? La triste réalité
est que "ça se passe" tout comme il pleut, vente ou neige. C'est
une vérité terrible. -Une foule de "je", agités
de mouvements divers. Mais pas de "JE" majuscule, responsable et décideur.
-Le "rappel à soi" a pour objet d'engendrer de l'être.
Ils se demandaient comment réussir dans l'existence. Il ne leur venait
pas à l'esprit que l'essentiel est de réussir à exister.
-"À la fin de chaque vérité, il faut ajouter qu'on se
souvient de la vérité opposé." (Pascal)
Je viens de célébrer la lumière qui brille à
l'extrémité de la possession de soi. Souvenons-nous qu'une égale
lumière brillle à l'extrémité de l'oublie de soi.
La contradiction est la vie même. Et sans doute les grandes âmes touchent-elles
aux deux extrémités. -Raymond Abellio et de la
création du monde: "C'est moi qui te vois, et qui me vois te
voir, et qui te voyant, te fais." -Égalité d'âme
dans les chagrins et les bonheurs, les misères et les fastes de ce monde.
-Je donnerai au monde, à la société, à la politique,
à l'histoire ce qu'il faut bien donner. Mais à distance et sans
passion. Il m'arrivera de prendre parti. Mais je douterai d'avoir raison. Je revendique
le droit de me tenir à distance. -Marc-Aurèle:
"Aujourd'hui, je suis sorti de tout embarras, car ce n'était pas extérieur
mais intérieur: et c'était mes opinions." -La plus haute
affaire est de se gouverner soi-même. -Le mal dans le monde peut-il
vous laisser un instant de repos! Comment ne pas se sentir entièrement
concerné? Il y a des goinfres de larmes. Ils appellent cela l'amour des
hommes. On ne peut pas aller pleurer à tous les enterrements. -La pensée
courte roule furieusement les yeux en tous sens et prétend tout régler.
La pensée large examine, doute beaucoup, et parfois ferme les yeux.. Contre
la pensée courte, le droit de se contredire et le droit de s'en aller.
- Mettant de l'ordre en nous, nous décourageons le désordre
dans les autres esprits. Un homme qui se maintient maintient de l'équilibre
dans le monde. -Naturellement, nous sommes solidaires les uns des autres.
Mais solidaires solitaires. Je ne refuse pas les causes communes. Je refuse la
pancarte: "Absent de lui-même pour cause commune". -L'homme
qui vit comme sur la montagne en a fini avec les envies de changement. Il n'a
plus qu'un désir: unification, approfondissement, sérénité.
-Le plus grand changement, c'est quand le toujours pareil, au lieu de nous accabler,
nous procure la félicité, nous dépayse et nous libère.
Nous croyons que la diversité nous changera et c'est mystérieusement
la monotonie qui nous change et fait briller la lumière de l'être.
-Henry Miller: "Les faiseurs de bien, les grands leaders
m'inquiètent beaucoup plus que les gens mauvais. Tant de ces types, qui
veulent refaire le monde à leur image, sont indifférents à
la condition de leurs proches voisins! Chacun de nous, s'il désirait vraiment
aider, pourrait consacrer tout simplement sa vie à prendre soin de ses
proches." -Grands blessés de l'amour, pansons nos plaies et touchons
notre pension de plaisirs légers et d'affections sereines. -Beaudelaire:
"Passion, je te connais et je te hais, va-t-en !" -S'adjoindre
quelqu'un dans l'existence en voulant son bien, élire un être et
y prêter une bienveillante attention, alors qu'on ne s'attache plus à
rien. Voilà l'amour. -Il y a quelque chose de sacré dans le
mariage. C'est la résolution d'un homme et d'une femme à s'épauler
tendrement jusqu'au tombeau. La ferme résolution de vieillir ensemble.
Et finalement tenir cette promesse, voilà qui peut être la plus belle
forme d'amour. -Des bonheurs animaux que nous nous serons refusés,
par embarras du coeur, crainte de vivre, nous serons comptés à l'heure
de notre mort comme lâchetés. Un regard reconnaissant sur l'humanité:
ces milliards d'êtres parmi lesquels tant de succulence ! La joie païenne
qui nous vient à cette pensée. Et toute joie profonde est une vertu.
Et celui qui est rempli par cette joie est un aimant. Il attire les corps dans
leur simplicité et leur pureté animales. -Qu'est-ce donc que
l'abus du sexe? C'est le sexe que pénètre les sentiments, les pensées,
l'action. C'est le sexe comme corrupteur des énergies qui ne sont pas les
siennes. La vertu n'est pas dans la privation du sexe, mais dans le sexe remis
à sa place. L'érotisation de la société actuelle ne
réhabilite pas l'Éros dans l'homme, au contraire, elle livre l'énergie
sexuelle au pillage et réduit nos autres énergies à l'esclavage
du sexe. Et nous sommes étonnés, quand le sexe est remis à
sa place, il est plus paisible qu'on ne le croyait et ses bonheurs sont plus hauts
qu'on ne savait. -Je ne crois qu'aux hommes qui éprouvent la profonde
nécessité, durant quelques jours, de n'être pas sous presse,
de se tenir à l'écart de l'actualité. -Les malheurs qui
ne nous tuent pas nous grandissent. -On vous juge trop vite! Ne vous inquiétez
pas. Les mois se trompent, pas les années. -Toutes les jouissances
(même les spirituelles) nous donnent à choisir: en être esclave
ou maître. -Arracher de soi, non l'amour, mais le besoin d'être
aimé. -Un grand péché: l'indolence et la mélancolie.
-L'intelligence, c'est ce qui se passe quand rien n'empêche l'intelligence
de fonctionner. -L'indifférence n'est pas l'insensibilité. "L'indifférence
fait des sages et l'insensibilité des monstres" Diderot.
-Je n'aurai pas été admirable, mais j'aurai admiré. -Que
votre condition sociale ne soit pas toute votre condition. -L'âme au
repos: un rien la touche, rien ne l'atteint. -Ce qui est éphémère
veut du mouvement et des passions. Ce qui est éternel veut du repos et
de la distance. -Si rien n'est sacrifié, rien n'est obtenu. -Beaucoup
d'études avancées m'ont permis d'acquérir quelques vérités
anciennes. -Le faible regrette ce qui n'a pas été, aspire à
ce qui n'est pas. Le fort se fonde sur ce qui est. -L'homme de qualité
exige tout de soi. C'est un souverain. L'homme sans qualité exige tout
des autres. C'est un despote. -Mon fils, dit le père, je n'ai rien
à te laisser, sauf du caractère. Et voici mon conseil: lève-toi
de bonne heure et n'oublie jamais d'oser. -Les faibles ont des problèmes,
les forts ont des solutions. -Dans un monde sans qualité, l'homme serein
passe pour un égoïste, l'homme libre pour un cynique, l'homme qui
se respecte pour un arrogant. -Soyez l'homme du 8ième jour, ceux qui,
en se créant, poursuivent la Création.
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(Épictète est né vers l'an 50 après Jésus
Christ, donc livre très ancien) -Il y a des choses
qui dépendent de nous: nos jugements, nos tendances, nos désirs
et nos aversions. Ce qui ne dépend pas de nous, c'est notre corps, la richesse,
la célébrité et le pouvoir. -À toute idée
pénible, prends bien soin de dire: "Tu es idée et tu n'es pas
du tout ce que tu représentes." Puis examine-là et juge-là
selon les règles dont tu disposes. Vois si cette idée se rapporte
aux choses qui dépendent de nous, ou à celles qui n'en dépendent
pas. Et, si elle se rapporte à celles qui ne dépendent point de
nous, sois prêt à dire: "Cela ne me concerne pas."
-Quant aux choses qui dépendent de nous et qu'il est bon de désirer,
borne-toi seulement à tendre vers ces choses, mais légèrement,
avec réserve et modération. -À propos de tout objet d'agrément,
d'utilité ou d'affection, souviens-toi de te demander ce qu'il est, à
commencer par les plus insignifiantes. Si tu aimes une marmite, dis-toi: "C'est
une marmite que j'aime." Car, si elle vient à se casser, tu n'en seras
pas troublé. Si tu embrasses ton enfant ou ta femme, dis-toi que c'est
un être humain que tu embrasses; car, s'il meurt, tu n'en seras pas troublé.
-Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les jugements qu'ils
portent sur ces choses. Lorsque nous sommes troublés, chagrinés,
ne nous en prenons jamais à un autre, mais à nous-mêmes, à
nos jugements. Accuser les autres de ses malheurs est le fait d'un ignorant; s'en
prendre à soi-même est d'un homme qui commence à s'instruire;
n'en accuser ni un autre ni soi-même est d'un homme parfaitement instruit.
-Ne t'enorgueillis d'aucun d'aucun avantage qui te soit étranger. Lorsque
tu dis: "J'ai un beau cheval", sache que tu t'enorgueillis d'un avantage
qui est à ton cheval. Qu'est-ce donc qui est à toi? L'usage des
idées. Lorsque donc tu fais usage des idées conformément
à la nature, enorgueillis-toi. -À chaque accident qui te survient,
te demander quelle force tu possèdes pour en tirer usage. Une belle femme,
tu trouveras une force contre sa séduction, soit la tempérance.
Une fatigue, tu trouveras l'endurance. Contre une injure, tu trouveras la patience.
Et si tu prends cette habitude, les idées ne t'emporteront pas. -Ne
dis jamais de quoi que ce soit: "Je l'ai perdu." Mais: "Je l'ai
rendu". Ton enfant est mort, il est rendu. Ta femme est morte, elle est rendue.
Mon bien m'a été ravi. Eh bien! Il est aussi rendu. Que t'importe
par qui celui qui te l'avait donné te l'ait réclamé! Tant
qu'il te le laisse, jouis-en comme d'un bien étranger, comme les passants
d'une hôtellerie. -Que celui qui veut être libre, n'ait ni attrait
ni répulsion pour rien de ce qui dépend des autres; sinon, il sera
fatalement malheureux. -Tu dois te comporter comme dans un festin. Le plat
qui circule arrive-t-il à toi? Tend la main et prends modérément.
Passe-t-il loin de toi? Ne le recherche pas. Tarde-t-il à venir? Ne jette
pas sur lui ton désir, mais patiente jusqu'à ce qu'il arrive à
toi. Sois ainsi pour ta femme, tes enfants, la richesse, et tu seras un jour digne
d'être le convive des Dieux. -Lorsque tu vois un homme qui gémit,
en deuil, ou qui a perdu ce qu'il possédait, sache que ce qui l'afflige,
ce n'est point ce qui lui arrive, car un autre n'en est pas affligé; mais
c'est le jugement qu'il porte sur cet événement. N'hésite
pas à lui témoigner de la sympathie, même à gémir
avec lui. Mais prends garde de ne point aussi gémir du fond de l'âme.
-Tu es comme un acteur dans le rôle que l'auteur dramatique a voulu te donner:
court s'il est court, long s'il est long. S'il veut que tu joues un rôle
de mendiant, joue-le encore convenablement. Il dépend de toi, en effet,
de bien jouer le personnage qui t'est donné; mais le choisir appartient
à un autre. -Quoi que ce soit qui arrive, il dépend de moi d'en
tirer avantage. -Que la mort soit sous tes yeux chaque jour. Jamais alors
tu ne diras rien de vil et tu ne désireras rien outre mesure. -Lorsque
l'esclave d'un voisin casse une coupe, on dit: "C'est dans les choses qui
arrivent!" Sache donc, lorsque ta coupe sera cassée, qu'il faut que
tu sois tel que tu étais quand fut cassée celle d'un autre. Transporte
aussi cette règle à des faits plus importants. On perd sa femme
ou son fils, se souvenir de ce qu'on éprouvait à l'annonce du même
événement survenu chez les autres. -Si quelqu'un livrait ton
corps au premier venu, tu en serais indigné. Et toi, quand tu livres ton
âme au premier rencontré pour qu'il la trouble et la bouleverse,
tu n'as pas honte pour cela ? -Considère d'abord ce que tu te proposes
de faire, et vois ensuite, en étudiant ta nature, si tu en es capable.
Regarde tes bras, tes cuisses, etc. L'un est né pour une chose, l'autre
pour une autre. -Nul besoin de te léser, si tu ne le veux point, car
tu ne seras lésé que si tu juges qu'on te lèse. Mon frère
me fait tort. Ne te préoccupe pas de ce qu'il fait, mais de ce que tu dois
faire pour que ta volonté soit dans un état conforme à la
nature. -Pour ce qui regarde le corps, ne prends que selon la stricte utilité,
qu'il s'agisse de nourriture, de boisson, de vêtement, d'habitation. Tout
ce qui a trait à l'ostentation et au luxe, efface-le. -Quand une idée
de plaisir se présente à ton esprit, garde-toi de ne point te laisser
emporter par elle. Mais diffère d'agir et obtiens de toi quelque délai.
Compare ensuite les deux moments: celui où tu jouiras du plaisir, et celui
où, ayant joui, tu te repentiras et tu te blâmeras. Oppose à
ces pensées la joie que tu éprouveras à t'abstenir et les
félicitations que tu t'adresseras. -Un tel raisonnement n'est pas cohérent:
"Je suis plus riche ou plus éloquent que toi, donc je te suis supérieur".
Mais celui-ci est cohérent: "Je suis plus riche ou plus éloquent
que toi, donc ma richesse ou mon éloquence est supérieure à
la tienne." Car tu n'est toi-même ni richesse ni éloquence.
-Quelqu'un boit beaucoup de vin, ne dis pas: "C'est mal" mais dis: "Il
boit beaucoup de vin." Avant d'avoir, en effet, connu sa raison d'agir, d'où
peux-tu savoir s'il agit mal ? -L'homme vulgaire n'attend jamais de lui-même
profit ou dommage, mais des choses extérieures. Conduite et caractère
du philosophe: il n'attend tout profit et tout dommage que de lui-même.
-Signe de celui qui progresse: il ne blâme personne, ne loue personne, ne
se plaint de personne, n'accuse personne, ne dit rien de lui-même comme
de quelqu'un d'importance ou qui sait quelque chose. -Combien de temps encore
différeras-tu de te juger digne de ce qu'il y a de meilleur, et de respecter
tout ce que décide la raison? Si tu ajoutes délais aux délais,
renvoies d'un jour à l'autre le soin d'être attentif à toi-même,
tu continueras à vivre et à mourir comme un homme vulgaire.
-Juge-toi digne, dès maintenant, de vivre en homme fait et mûr pour
progresser. Que tout ce qui te paraît le meilleur soit pour toi une loi
intransgressible. S'il se présente quelque chose de pénible, d'agréable,
de glorieux ou d'obscur, souviens-toi que l'heure de la lutte est venu, que tu
es aujourd'hui comme aux Jeux Olympiques, que tu ne peux plus différer
et qu'il ne tient qu'à un seul jour et qu'à une seule chose, que
tes progrès soient compromis ou confirmé.
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