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Textes d'auteurs (2010)

 

Guérir l'âme et le corps
3e Millénaire, printemps 2011, No 99

NB: De courts extraits d'articles de la revue, parfois légèrement adaptés.

Retrouver la Vie de la vie
Bernard Woestelandt

- Saint Augustin nous parle avec ardeur de sa Rencontre : « Et maintenant, voici que je reviens tout brûlant et haletant vers ta source. Que nul ne m'en écarte ! Que j'y boive et en vive ! En toi, je reprends vie. Parle-moi, instruis-moi. »
- "C'est la foi qui déplace les montagnes. C'est la foi qui guérit."
- Nous ne sommes hommes que par la raison, disait Saint-François de Sales et la guérison passe par elle, mais uniquement dans sa collaboration avec la foi. C'est probablement ce qu'on appelle « l'intelligence du coeur »..

Guérir : la mort du moi, l'arrêt du rêve
Betty

- Le corps est de nature paisible et fonctionne par lui-même... sans toi, le rêveur. Il ne sait rien de ton histoire inventée. Il ne sait rien de ton mental, de tes désirs de contrôler et de planifier. Tu imposes tes croyances au corps pour qu'il te serve. Prier, méditer, courir, faire du yoga... manger trois fois par jour.. tu fais tout cela dans un seul but : obliger ton corps à satisfaire ton désir de permanence. Pourtant le corps est impermanent de par sa nature... Tu prends le corps en otage et expérimentes sur lui, comme sur une grenouille de laboratoire, juste pour te prouver que tu existe et que le corps est à toi.
  Pourtant le corps est innocent ; il est impersonnel. C'est une algue fragile et sans défense. Que reste-il sans les automatismes nourris par le mental ? Un corps qui laisse à la vie la capacité de s'exprimer à travers un individu unique, comme la fleur qui se laisse caresser par le vent, l'espace d'un moment.
- C'est simplement le mental, avec son rêve d'exister, qui nous fait ressentir personnellement la souffrance physique et psychologique. Car le corps, sans le mental, pourrait très bien fonctionner. Il serait exactement ce qu'il est : une forme dans la matière.
- Le rêveur veut que la Vie s'exprime à sa façon, pour arriver à ses fins. Vouloir guérir le corps à tout prix est un but égotique qui amène le rêveur à négocier avec le temps pour performer encore plus dans son rêve d'individualité. Alors, comme l'individu croit au corps, il a aussi l'obsession du corps, de sa guérison et de sa prolongation. Avec ce désir, naît le désir de continuité à travers un autre corps ; la roue de la réincarnation est maintenue.
  L'individu veut que le corps soit son serviteur, pour améliorer son petit je et être perçu dans le monde.
  Guérir, c'est arrêter de vouloir contrôler le corps. C'est donc la libération de la croyance qu'il doit survivre éternellement... La naissance et la mort sont le mouvement naturel des grandes marées de cette algue qu'est le corps. Le cycle est parfait. La Vie est plus intelligente que le rêveur, et si elle a de la place pour l'inspirer, sans la dictature du mental, le corps s'exprimera pleinement à travers la santé ou la maladie, à travers l'immobilité ou l'agitation.
  La Vie, de seconde en seconde, te montrera le rythme de ton corps et ce dont il a besoin. Quand le corps reprend sa fonction naturelle hors du rêve, il vit sans toi. Libérer le corps de toi, c'est la vraie guérison. On fait vivre à son corps un buffet de sens, pensant acquérir la liberté, dans le but de trouver une zone de confort, un bien-être permanent. On cherche à raffiner les sens, à satisfaire l'ego, à calmer les émotions et à dompter le mental.
  J'ai passé des vies et des vies à essayer de calmer ce mental, cet ego ; mais en vain. Cela ne s'est jamais calmé. C'était juste le reflet de qui je pensais être ! Le mental ne se calmera pas dans le rêve. Je croyais aux trois piliers du rêve : les sens, le mental, les émotions. Mon cerveau était en mode d'accumulation et avait emmagasiné des milliers de vies d'expériences !
  Les émotions creusent des sillons dans lesquels la pensée s'installe et crée un nouveau plan, un nouveau scénario, constamment et souvent.. inconsciemment. Après avoir vu que j'étais prisonnière d'un système de pensée individuel, j'ai constaté l'ampleur de mes dépendances aux conditionnements social, parental et universel, qui maintenaient fermées les portes de ma propre prison. Voir, c'est regarder avec vigilance ce mécanisme.
  Mon rêve était réflété devant moi. À la surface, il y avait des tempêtes, de grandes tempêtes : de la pluie, de la grêle, de la neige, de la poussière, du sable fin, des blizzards. Il y avait l'agitation perpétuelle qui durait, perdurait et aboutissait au vide. Une évidence s'est imposée : je n'y arriverais pas ! Je n'étais pas outillée pour ça. J'avais pourtant essayé de toutes mes forces. J'ai finalement abandonné : les armes sont tombées ! Cela veut dire de simplement regarder le lac agité, et voir ce que c'est. Qu'est-ce que ce monde qui danse devant moi ? Se regarder, regarder son monde, ses relations avec les autres, les animaux, la société, les objets, c'est voir ses dépendances à ces mondes imaginaires.
  Vivre dans un corps, s'y voir confiné, c'est donc avoir la peur de perdre la Vie en perdant le corps. Le rêveur cherche tout le temps dans son aquarium comment changer quelque chose qui le soulagerait, comment guérir, comment améliorer ; mais on ne se soulage pas du rêve, on le regarde se dérouler en voyant que les attaches auxquelles on croit sont sensitives, émotives et mentales. Nous ne sommes que le reflet de qui nous pensons être. Nous nous trompons en nous identifiant à ce corps, à cette algue qui apparaît et disparaît dans cet espace appelé monde.
  La Vie a le droit de s'exprimer dans la matière, quand Elle le veut et comme Elle le veut. Elle n'a pas besoin de l'avis d'un rêveur, qui a une perception fragmentée de son petit monde. La Vie n'est pas régie par les lois du rêve. Elle est le Mouvement Absolu.
  Laisser le corps être, voilà la guérison. La Vie peut s'exprimer dans le corps sans toi, sans ton ego.

Premier pas vers la guérison globale
Darpan
- La superstructure que nous avons créé et imposée à la terre, avec ses complications, ses injustices et ses manques d'amour, n'est que le reflet et le prolongement du monde qui vit en nous.
  L'intelligence qui nous distingue des animaux s'est attachée à dominer et à contrôler la nature, à développer les sciences et les technologies mais, en dépit de toutes les connaissances acquises, elle ne parvient pas à nous délivrer de nos complications intérieures ni à nous libérer du malheur. Fragmentée, encapsulée dans le mental, chevillée à des intérêts égoïstes et orientée presque exclusivement vers l'extérieur, cette intelligence supérieure semble oeuvrer contre nous-mêmes à tel point qu'on se met à envier la simplicité et la sagesse instinctive de nos amies les bêtes !
- Il est impossible d'accéder au bonheur tant que nous en faisons un objectif à atteindre. Le seul pouvoir qui repose entre nos mains est celui de nous défaire du malheur qui vit en nous.
  Ce malheur est l'ignorance de la condition humaine, l'accumulation des peines et des blessures accumulées en nous depuis la naissance et que l'on préfère ignorer tant il est douloureux de les reconnaître et d'y faire face. La course effrénée dans laquelle le monde est engagé n'est pas la seule conséquence de la mondialisation. Elle traduit avant tout une fuite devant nous-mêmes, une fuite de la boîte de Pendore que chaque être humain porte en lui. Nous courons après la sérénité, l'harmonie, l'amour, le succès ou l'éveil à une conscience plus large à partir d'accumulations douloureuses, en espérant atteindre un bonheur qui nous glisse entre les doigts et nous laisse désenchantés.
  Cette fuite devant soi-même, que l'on se plaît à farder d'honorables prétextes ou à promouvoir sous le couvert du progrès et du développement, nous coûte énormément. Elle nous fait « brasser de l'air » en vain, engendre de nombreuse abdications, et pousse à la consommation excessive de médicaments, de drogues, de thérapies et de divertissements. Si nos motivations semblent légitimes, elles puisent néanmoins leur dynamique dans la peur viscérale d'être ramenés à ce que nous avons remisé en nous-mêmes et que nous préférons garder « sous le tapis ».
  Notre quotidien est fait de hauts et de bas, de mouvements d'humeurs et d'états d'âme, d'une alternance de plaisirs et de peines, de bonheurs et de malheurs et.. nous passons généralement d'un opposé à un autre comme le pendule d'une horloge. Si cette façon de vivre nous paraît normale, elle n'a rien à voir avec ce dont nous sommes capables ! Elle n'honore pas le potentiel de joie, d'amour et de santé authentique qui vit en nous ; elle ne fait que réfléter la grisaille de notre condition humaine.
- La démarche de s'affranchir de ce qui nous encombre et de renouer avec notre essence ne s'inscrit pas dans le devenir, car cette Vie à laquelle nous aspirons tant vibre déjà en nous derrière nos attachements au corps, aux pensées et aux émotions. Elle ne relève pas d'un « développement personnel » mais davantage d'un « dépouillement personnel ». Nous devons nous défaire du malheur qui vit en nous, intelligemment et adéquatement, en rassemblant notre courage, notre détermination et tout l'amour dont nous sommes capables. Car c'est bien par amour pour la vie et pour ce que nous avons de plus authentique qu'il est possible, malgré notre déni, notre négativité et nos résistances, de surmonter les obstacles.
  Pour mieux cerner les mécanismes qui nous retiennent prisonniers dans les souffrances inutiles, commençons par jeter un regard honnête sur notre histoire personnelle... Les peines que nous n'avons pas été en mesure d'accepter et de surmonter, particulièrement lorsque nous étions encore des enfants dépendants, se sont accumulées les unes aux autres et logées dans notre subconscient.. Néanmoins, elles continuent de fermenter dans le corps et dans la psyché, affectant notre moral, notre vie de couple et notre santé. Elles nous font payer un lourd tribut.. Nous ne parvenons plus à percevoir le bien-être dans tout notre corps et à chaque instant, à ressentir l'amour comme la sensation de nous-mêmes et à être libres des dépendances qui nous poussent à fuir ces failles que nous redoutons tant. Nous sommes constamment manipulés par ce magma psychique ou « masse émotionnelle » qui fait de nous de petits tourbillons assez douloureux et agités, passant d'un désir à un autre, d'une occupation à une autre, puisant dans ces oscillations le sentiment d'être en vie. Cet encombrant bagage influence notre perception et nos choix, affecte notre humeur et notre équilibre, engendre des conflits et nous laisse peu de répit pour apprécier l'être libre de problèmes et de complications que nous sommes réellement.
  Nous redoublons d'habileté pour échapper à ce passé encombrant, par exemple en nous coupant de notre corps et de notre ressenti ou en nous accrochant à nos rêves, à nos désirs et à nos espoirs. En réalité, nous ne faisons que nous anesthésier et nous éloigner de la vie et de l'amour pour nous rabattre sur l'excitation émotionnelle et intellectuelle. L'ignorance de notre vraie nature nous pousse dans la quête d'un bonheur imaginaire, qu'il soit d'ordre matériel, émotionnel ou spirituel, et nous incite à « devenir quelqu'un » dans le seul but de contrecarrer les blessures du coeur et d'estime que nous portons en nous.
  Cette fuite devant nous-mêmes nous fait même croire que nous viendrons à bout de nos difficultés lorsque nous aurons trouvé l'amour, le partenaire idéal ou un meilleur mode de vie... pour nous rendre compte, une fois que nous y parvenons, que tout nous quitte ou meurt et que nous ne pouvons nous accrocher à rien. Aucun accomplissement extérieur ne saurait nous apporter le contentement auquel nous aspirons, mais nos expériences de vie sont néanmoins susceptibles de nous disposer plus favorablement à faire volte-face et à nous confronter à l'épaisseur qui nous sépare de la présence libre, joyeuse et aimante que nous sommes.
  Reconnaître et assumer ce qui vit en nous est le premier pas permettant de prendre la responsabilité de ce qui se passe dans le monde et de ce que nous infligeons à la planète...
- L'action première consiste à guérir nos blessures d'enfants et à nettoyer nos terres intimes. Lorsque celles-ci sont envahies d'émotions douloureuses, contaminées par les souffrances du passé ou desséchées au point de ne plus rien laisser fleurir, nous n'avons aucune chance, malgré nos sécurités et notre confort, de trouver un contentement profond, la liberté et l'amour. Le monde de complications, de violences et de souffrances que nous avons créé à l'extérieur en est le terrible reflet...
  À l'image des pesticides et des poisons que nous avons déversés dans la terre, notre corps et notre psyché ont également été victimes d'une "décharge sauvage" et inconsciente. Purger notre organisme des émotions douloureuses et des nombreux schémas mentaux qui leur sont associés relève d'un acte écologique fondamental...
  Le premier pas vers cette guérison globale nécessite de comprendre nos mécanismes intérieurs, et particulièrement ceux de l'ego. Dans le langage courant, l'ego designe la propension, l'habitude ou le défaut de se préoccuper uniquement de soi. En réalité, l'ego est le mécanisme de protection de l'organisme, l'instinct de survie. Sa fonction est d'en assurer l'intégrité, mais nous l'avons détourné de son but premier en l'utilisant pour protéger nos peines et la personne que nous pensons être. L'ego est ainsi devenu notre meilleur allié pour nous préserver de ce qui est douloureux, puissant, inconnu et effrayant ; mais il se révèle également être notre pire ennemi lorsqu'il s'agit de faire face au contenu malheureux logé dans le subconscient.
  À travers d"ingénieuses stratégies d'esquive et de lutte, nous avons surmonté les difficultés et les épreuves en gommant de notre vie les peurs et les douleurs que nous ne pouvions supporter. Cette façon d'agir s'est peu à peu transformée en une seconde nature et nous empêche aujourd'hui de nous ouvrir pleinement à l'amour et à ceux que nous aimons sans craindre d'être à nouveau blessés, trahis ou abandonnés. Elle nous enferme dans des attitudes de méfiance, nous pousse au calcul.
Elle nous rend malins, manipulateurs et rusés mais, en fin de compte, relativement peu intelligents en ce qui concerne notre capacité à nous défaire de notre maheur et à faire l'expérience d'une véritable intimité.
- Nous nous blindons derrière la cuirasse de l'ego et des souffrances qu'il protège.
- Nous choisissons de nous fermer, à différents degrés, pour ne pas retomber dans les mêmes écueils et pour nous éviter d'avoir mal sans nous rendre compte qu'en agissant ainsi, nous perpétuons notre souffrance et nous préparons les difficultés d'une future relation amoureuse, un problème de santé, une dépression et parfois même un suicide.
- Quel que soit la nature des éléments que nous avons mis de côté, le premier pas à poser nous invite à nous détendre, à nous ouvrir à nous-mêmes, et tout particulièrement à notre ressenti, en observant nos façons d'esquiver et de combattre ce qui se passe en nous. Une telle acceptation équivaut à contrer la tendance de l'ego dans son effort permanent à fuir l'inconfort et à rechercher le plaisir. Ne pas céder à cette impulsion n'a rien d'un acte masochiste ni d'une complaisance dans la douleur, c'est au contraire un mouvement responsable et courageux pour accéder à ce que nous avons jeté aux oubliettes. C'est une approche logique et intelligente pour ne plus retomber constamment dans nos vieilles ornières et pour ne plus avoir à nous fuir ou à lutter contre nous-mêmes.
  Cette façon de s'exposer à soi-même est un défi d'envergure et requiert la plus grande sincérité. Elle concerne tout autant l'habitude d'argumenter avec notre partenaire lorsqu'il met le doigt sur un point sensible, que notre manière de fuir nos inconforts en nous jetant sur un livre, en allumant la télévision, ou en nous perdant dans le travail et nos nombreuses occupations. Nous devons procéder à un arrêt complet de nos stratégies habituelles et cesser d'utiliser notre savoir et notre intelligence pour repousser les sensations douloureuses et effrayantes, cesser de retenir notre énergie en détournant notre attention du corps, en bloquant notre respiration, en contractant notre musculature et en nous réfugiant dans le mental.
- Lorsqu'une couche de peine ou d'autres sensations remontent à la surface, le mental interfère constamment en voulant analyser, poser des conditions, cerner le problème et tirer des conclusions hâtives qui ne font qu'interrompre "l'accouchement" en cours. En veillant à ne pas céder à cette habitude et en acceptant de sentir pleinement tous les éléments de notre vie intérieure, nous leur permettons de sortir de la boîte de Pendore et d'être exposés à la lumière de notre conscience, là où ils peuvent être dissous.
  Cette relation à soi exige une adhésion sans faille et une coopération consciente. Tout se passe dans le corps, dans la vie sans forme, fluide et énergique dans laquelle nous entrons lorsque nous fermons les yeux. Ce lieu est le berceau de notre être et de notre Mystère, et ce n'est qu'en cessant de vouloir contrôler en filtrant ses contenus indésirables qu'il nous devient possible de traverser l'enfer que nous avons créé.
  Accueillir, traverser et dissoudre une couche de peine est un art dont voici les clés : Le premier point consiste à ne pas nous faire de mal et à ne pas en faire aux autres, particulièrement lorsque nous exprimons notre douleur... Il faut lâcher prise, cesser de nous débattre et de nous obstiner. C'est un moment de vérité qui ne laisse aucune place à la pitié ni au laisser-aller. Nous devons être bienveillant avec nous-mêmes tout en étant fermes dans notre intention de faire face à nos démons, sachant que si nous n'allons pas à eux, ils viendront à nous là où nous les attendons le moins.
  En combattant la peine ou en nous complaisant en elle, nous lui donnons l'énergie dont elle a besoin pour survivre. Après chaque épisode cathartique, elle retourne simplement dans la masse émotionnelle, forte de l'attention que nous lui avons accordée, prête à rejaillir à la prochaine occasion comme un virus incubé en silence. La meilleure façon de traverser une couche de peine est de trouver un juste équilibre, en nous efforçant de ne pas réprimer l'émotion mais en veillant également à ne pas nous perdre en elle. Le déni de notre peine est tout aussi redoutable que le fait de nous cramponner à notre chagrin et à notre douleur.
  Même si chaque millimètre de notre être veut courir dans la direction opposée, il faut demeurer là, car il n'y a pas d'autre moyen de se mouvoir au-dedans de nous. Pour nous reconcilier avec nous-mêmes, nous devons apprendre à maintenir notre coeur ouvert dans cet inconfort temporaire et à rester conscient dans l'oeil du cyclone... La peine est là, et ça fait mal. Cette douleur est celle que nous avons mise de côté si longtemps parce que nous n'étions autrefois pas en mesure de l'assumer. Il faut à présent l'accueillir comme un enfant blessé, nous autoriser à la sentir pleinement sans nous y attacher. En nous apitoyant sur nous-mêmes, nous ne faisons qu'entretenir notre attachement à cette douleur. Bien qu'elle soit intime, il est temps de nous en départir, d'en faire le deuil et de la laisser s'en aller.
  Chaque couche ainsi traversée libére la mémoire des événements figés dans le temps, diminue un peu la masse émotionnelle et permet à notre corps énergétique de se reconstruire après les dégâts que cette douleur a engendrés... ce processus s'effectue par vagues successives...
- Accoucher de nos peines les plus profondes permet non seulement de guérir notre corps physique et énergétique, mais également de casser les vieux schémas qui vampirisent notre énergie. N'oublions pas que les événements traumatisants de notre enfance sont à l'origine de décisions majeures dont l'impact résonne à travers nos choix de vie, notre manière de fonctionner et d'entrer en relation avec autrui. Celles que nous avons prises autrefois, sur le coup de la douleur, peuvent à présent être mises en lumière et contrecarrées tout en laissant fleurir l'être vivant et aimant qui dort en chacun de nous.
  Il serait erroné de penser que ce que nous retenons et réprimons ne concerne que des éléments négatifs ou douloureux. À travers notre éducation et nos conditionnements, nous nous sommes également coupés de la puissance de notre vraie nature, seule à même de dissoudre la masse émotionnelle et d'exposer le faux en nous. Nous enrayons constamment l'expansion de l'être en nous recroquevillant sur la personne que nous pensons être, en nous essayant littéralement sur notre énergie, nous confinant ainsi dans une antichambre de notre royaume. Ce n'est que si nous nous ouvrons intérieurement, au bon comme au moins bon, au vrai comme au faux, au joyeux comme au douloureux, que la pleine dimension de notre plénitude pourra progressivement se dévoiler.
  Nous libérer du malheur est notre responsabilité première envers nous-mêmes. L'enjeu est primordial et dépasse largement le souci porté à notre mode de vie, à notre alimentation ou à notre santé. Nous disposer à cette tâche nous entraîne dans une noble aventure, une Aventure intérieure incontournable, seule capable de nous délivrer du passé et de nous rendre à cette Présence majestueuse dont nous ne sommes jamais séparés. Si ce voyage se révèle parfois ardu, intense et remuant, il y a au fond de notre coeur un être vivant qui nous crie son évidence et nous encourage sans cesse à persévérer, au coeur de nos pires comme de nos meilleurs moments.
Oui, la souffrance a une fin
Nicole Montinéri
- Nous abordons la vie en fonction de ce qui nous plaît et nous déplaît. Cette attitude est à l'origine de toutes les formes de souffrances psychiques, car elle génère un conflit entre celui qui vit l'expérience et ce qui survient. Le désir de fuir l'événement ou de vivre autre chose que ce qui est, crée une division entre celui qui expérimente et la réalité des choses. Il y a alors volonté de dépasser cette contradiction, en l'évitant ou en tentant d'agir sur l'événement. Pour comprendre la souffrance, nous devons découvrir ce conflit, cette dualité entre celui qui rejette, contrôle, ou même accepte, et l'événement tel qu'il est. Dans cette division, le temps intervient et la souffrance commence à courir le long de cette distance créée par la pensée.
  Le contact avec la réalité de l'événement est rompu, car c'est à partir de la mémoire que la pensée surgit. Tout est alors regardé à partir de cette mémoire, c'est-à-dire d'un savoir et d'expériences du passé, et ce sont eux qui dictent leur loi à la réalité du moment présent. Il n'y a plus de contact direct avec ce qui est. Toute notre existence devient une suite de conflits entre ce qui est et ce qui devrait être, de qu'il faudrait faire ou ne pas faire pour satisfaire nos désirs de bonheur.
  Cette agitation mentale nous empêche de regarder l'événement tel qu'il se présente, la situation tel qu'elle est, mais aussi la souffrance telle qu'elle a pris forme en nous, et qui n'est souvent devenue qu'une idée que nous nous en faisons.
  Nous nous voyons comme un paquet d'expériences accumulées qui s'oppose à tout ce qui pourrait le perturber. Cette empreinte mémorisée fait que nous nous pensons en termes de temps, d'évolution, de devenir. Donc, la frustration et la peur sont là. La souffrance est étroitement liée
à la peur. La peur nous emprisonne dans une structure mentale sécurisante qui n'est pas digne de ce que l'être humain est appelé à vivre. Chacun de nos actes est entaché d'anxiété, accompagné d'émotions perturbantes créées par une pensée qui s'affole devant l'inconnu. Notre esprit résiste, bataille contre l'incertitude, se raccroche obstinément au connu, se met en fuite de crainte de perdre ce qu'il connaît, par peur de souffrir et... nous mène tout droit à la souffrance !
  Nos vies sont sous l'emprise de nos esprits submergés de bavardages, imprégnés de théories et de croyances qui édifient et consolident nos détresses. Nous nous infligeons à nous-mêmes de la souffrance en laissant le mental nous diriger. Nous ne voyons plus que ce que notre esprit nous autorise à voir, à travers le voile tissé du flot ininterrompu des pensées... Notre mental vient sans cesse se surimposer au simple fait de voir et de sentir... Il est incapable d'affronter l'incertitude et fuit le présent à chaque instant renouvelé, dans une perpétuelle et illusoire poursuite d'un devenir stable. Il n'y a jamais de contact profond avec la vie, qui est ainsi traversée sans que nous soyons véritablement conscient de sa beauté. Elle est sans arrêt fragmentée, divisée par notre esprit en bien/mal, bonheur/malheur, moi/autre. Toute notre douleur - et celle de l'humanité entière - est contenue dans cette fausse perception de la vie.
  La cause principale de nos douleurs psychiques est la résistance mentale que nous créons face aux changements proposés par la vie. Notre souffrance se nourrit de nos réactions de fuite et d'opposition, de nos angoisses et de nos espoirs, conséquences de tous nos conditionnements. Elle repose sur la croyance que quelque chose nous manque et qu'il faut l'obtenir, ou que quelque chose de mauvais s'impose à nous et qu'il faut s'en débarrasser... Tant que nous ne parvenons pas à laisser notre esprit en paix, à observer simplement ce qui nous est proposé, sans implication mentale entraînant jugement, résistance, fuite ou culpabilité, nos souffrances nous apparaissent réelles.
  C'est par le sentiment d'un moi solide, mais aussi vulnérable, donc craintif, qu'apparaît la souffrance. Tant qu'il y a ce moi rempli de peurs, qui se prend pour l'acteur de la vie, il y a division et conflit.
- La première chose à voir est que notre petit moi veut durer, à l'abri de toute insécurité, de tout changement, alors que vivre c'est mourir à chaque instant à toute chose... La mort à chaque chose vécue est la nature même de la vie, qui ne peut être qu'en se renouvelant. Nous ne savons pas intégrer ce mouvement continu, nous tenir prêt à mourir à notre plaisir, à notre chagrin, à l'expérience proposée, à notre histoire personnelle, à notre moi. Vivre, c'est accepter la perte de nos proches, de nos biens, de notre travail, de notre réputation.... la perte de tout, qui sera à la fin inévitable. Nous devons consentir à vivre avec la mort à chaque seconde afin que notre esprit ne soit pas entraîné à donner une continuité aux choses, inéluctablement emportées par le courant d'énergie.
- Tant que nous vivrons avec une représentation personnelle de la vie à travers des pensées, des émotions et des actes, nous connaîtrons la souffrance. Or, il n'y a rien de personnel que ce moi puisse faire, si ce n'est s'insérer dans le flux de la vie, accueillir le mouvement, consentir au changement. Tout est vécu alors à partir d'un espace qui se révèle en nous, paisible et libre... Notre essence est cette énergie de la vie, cette réalité pure, immuable, infinie, vide et lumineuse à sa source.
- Osons vivre, soyons passionnés, ressentons chaque chose intensément, la beauté comme la misère, embrassons chaque occasion que la vie nous donne de comprendre et d'aimer. Ainsi la vie prend son véritable sens, qui n'est pas celui d'un progrès, d'un avantage ou d'un gain quelconque.
  Notre esprit trop rempli déborde d'idées, juge, condamne selon d'innombrables fluctuations mentales qui sont autant d'identifications réflexes. Mais si nous arrivons à nous placer dans une position d'extrême attention à ces automatismes de la pensée, si nous les observons, sans nous engager, sans chercher à nous en débarrasser, les regardant simplement, notre mental s'apaise peu à peu, de lui-même. Il calme son fonctionnement parasite et ne nous emporte plus dans ces réactions amplifiées de peur, d'agressivité ou d'abattement que nous connaissons habituellement... Les pensées n'ont plus d'emprise sur notre conduite et se révèlent pour ce qu'elles sont en réalité : des impressions qui apparaissent dans le vide de la conscience... cesser de les entretenir et de les considérer comme réelles, solides, permanentes.
  Vivons avec attention. L'attention n'est autre que la prise de conscience de l'apparition puis de la résorption de chaque chose, à l'instant où cela se produit.
- La réalité ultime est un espace silencieux, vide. Elle est ce qui, en nous, accueille comme une coupe largement ouverte, ce qui, affranchi du corps/mental, a la capacité de voir, d'intégrer et de guérir. En ce lieux de paix, les peines et les angoisses se dissipent d'elles-mêmes, sous l'effet de notre ouverture, de notre vision intégrale, de notre conscience totale de ce qui est. Il n'y a plus la moindre distance créée par la pensée, mais contact direct avec les faits tels qu'ils sont proposés par la vie. S'ouvre alors un espace immense de liberté où il n'y a plus le moindre conflit possible entre ce qui est et ce qui devrait être, et donc plus de souffrance possible.
- Aucun événement qui survient n'est en lui-même souffrance, pas même la grave maladie ou le handicap. Toutes les circonstances de la vie sont l'occasion d'une silencieuse découverte de la paix inhérente à chaque expression de la réalité. C'est notre regard alourdi par nos pensées et nos émotions qui est porteur de souffrance. Nous sommes incapables de poser sur le événements une attention profonde et aimante. Nous aimerions tellement que la réalité soit autre ! Par exemple, dès que notre corps devient faible ou douloureux, notre esprit génère aussitôt une angoisse due à notre identification au corps et à la peur de ne plus pouvoir contrôler notre vie comme nous l'entendons. Nous regrettons l'état de santé antérieur, nous imaginons le pire et nous nous infligeons une fuite ou une bataille désespérée devant ce qui est.
  Vouloir guérir à tout prix est signe que nous refusons le changement, l'impermanence au sein de tout phénomène. Pourquoi le corps, qui n'est rien d'autre qu'une forme apparente et limitée de notre être véritable, ne connaîtrait-il que l'état de santé ? Même dégradé, il est un moyen par lequel la vie s'expérimente, avec une finesse de perception qui va bien au-delà de cette forme. Il s'agit de l'accepter changeant, d'admettre sa dégradation, de l'aimer aussi et, bien sûr de le soigner. À notre mort, l'abandon de ce corps vient nous rappeler que seule la conscience demeure de toute éternité.
- La lutte, l'attente obstinée de la guérison provoquent tensions et angoisses. Allégeons-nous, apaisons ce qui en nous recherche un but, ne nous attachons pas à notre douleur, nous ne sommes pas elle. Il existe une dimension qui n'est jamais dégradée... la maladie nous offre l'occasion d'avoir une générosité d'abandon de soi, sans condition, sans exigence... il n'y a rien à guérir.
- La maladie développe notre capacité de patience, de douceur, de sagesse, de compassion envers tous ceux qui souffrent... La maladie est toujours porteuse d'un message qui nous indique une voie de transformation, de réajustement à ce que nous sommes ou de libération de notre identification au corps.
- Il faut parfois de nombreux coups pour que nous acceptions d'être dérangés et de nous interroger sur l'origine et la nature de notre souffrance. Ce que nous appelons épreuve nous est proposé pour nous sortir de notre torpeur, nous bousculer dans nos certitudes, nous arrêter dans nos conquêtes extérieures et nous placer sur la voie qui mène à soi. Les événements sont parfaitement accordés à ce que nous devons vivre, à notre intériorité, mais par notre incompréhension, nous préférons fuir et nous isoler, nous replier sur nous-mêmes ou nous révolter.
- Oui, la souffrance à une fin... elle se trouve dans sa rencontre, dans son contact direct, sans l'intermédiaire d'un moi séparé qui la rejette ou l'accepte. Si je peux comprendre ce qu'elle est véritablement, c'est-à-dire l'intégrer totalement, la regarder sans division, sans la verbaliser, sans émettre de jugements dessus, l'esprit complètement vide à son sujet, elle se dissout.
- La vie nous manifeste sans cesse son amour, même à travers le pire des malheurs. Mais nous, nous avons pris l'habitude de sélectionner ce qu'elle nous offre, nous lamentant si elle ne satisfait pas nos désirs égotiques... Il s'agit d'arriver à nous abandonner à son énergie de compassion, avec une confiance absolue en tout ce qu'elle nous présente. Il n'est pas d'autre intelligence.
L'approche Quantique par l'Autoquestionnement
Prabhâ Calderon
- Nous sommes UN, solidairement UN, une seule conscience océanique... Cependant nous croyons être "l'observateur" de "nous-mêmes". Par cette vision duelle, de l'observateur qui se croît distinct du sujet qu'il observe, notre "moi conceptuel" invente "une réalité fragmentée" que nous prenons pour la nôtre.
- Assujettis aux concepts du temps, de la naissance et de la mort, ce "moi" lutte tout seul pour sa survie en utilisant toutes les opportunités qui se présentent... Par cette activité récurrente de survie, dans une illusion de séparation, la Conscience Non-Duelle que nous ne pouvons pas ne pas être, est niée.
  En nous confondant avec le « fantôme conceptuel » nous ressentons une peur constante entretenue par nos conceptions inébranlables. Cette peur prend le pouvoir sur nous.
  L'oubli de notre véritable nature ineffable, nous pousse automatiquement à chercher dans le regard des autres les signes rassurants de notre importance, les signes tangibles de notre existence, ou bien les preuves que nous sommes bien ce que nous croyons être. Nous croyons être l'observateur qui s'observe lui-même être regardé ou être menacé par le regard des autres, par la vie... ; cela devient "notre réalité duelle".
  Hypnotisés par les images duelles et par les concepts entretenus par ce "fantôme" ainsi que par celui des autres, nous nous condamnons, malgré notre intelligence, à répéter inconsciemment, une histoire imaginaire fixée dans le temps...
- Observer le moi sans rien condamner et sans volonté de changement.
  Énoncer clairement ce qui se passe nous donne la capacité de discerner le faux du réel.
  En écoutant nos réponses, nous pouvons constater que nous ne sommes ni notre histoire, ni nos croyances de bases, ni les fausses images de soi, ni les mécanismes de compensation, nous demeurons dans la clarté de l'Être.
  Cette clarté change en soi notre histoire, nous libère spontanément de nos émotions réactives et en conséquence : nos actions émanent de cette lucidité...
Spiritualité et médecine de l'Âyurveda
Sylvie Verbois
- L'Âyurveda propose un chemin de santé où nous sommes responsables de notre bien-être.
- Elle insiste particulièrement sur l'harmonisation de l'être avec son milieu ambiant et l'univers, préconise le renforcement des défenses naturelles... et souligne l'importance de la prévention... prêter attention à l'énergie du souffle car c'est avec lui que toute vie commence : il doit être protégé afin de protéger la Vie... Être et demeurer en harmonie avec l'ordre universel et avec Soi (conscience) ; viser la perfection dans la gestion des richesses, entreprendre une activité ; le confort matériel est utile, et le travail un moyen de subsistance nécessaire à l'existence ; veiller à la juste perception sensorielle, rester attentif aux sens et les contrôler si nécessaire ; conserver une vie adéquate en fonction des situations rencontrées ; se libérer de la dualité...
- Bien se nourrir, être attentionné à ce que l'on absorbe, pense et ressent favorise la plénitude et suscite la cohésion entre les différents composants de l'être. « Ce que l'on considère comme salutaire ou sain se résume à ce qui ne nuit pas au corps et se trouve en accord avec nos besoins, selon le tempérament de chacun. » ...savoir attendre les réels besoins du corps sans les réprimer, s'entretenir avec attention, prendre plaisir à la vie et déguster ce qu'elle offre, mener une existence saine en accord avec sa nature... « Celui que mange sainement et contrôle sa vie vivra 100 ans... »
- Préserver l'immunité et renforcer journellement les défenses naturelles du corps est l'un de ses impératifs premiers. Pour ce faire, les aliments, notamment les épices, contribuent largement à la protection et au soutien du système immunitaire... Les excès en tous genres : exercice physique, jeûne, réactions émotionnelles trop vives, trop manger, etc. sont considérés comme néfastes et abîmant les défenses naturelles... être vigilant sur les qualités nutritives des aliments et l'état d'esprit avec lequel ils sont absorbés par le corps.
La bénédiction de la souffrance
Richard Moss
- Le but de ma vie n'est pas d'avoir un corps, mais d'être habité par une conscience rayonnante. Je ne peux manifester un niveau de conscience plus profond que si je vais plus loin dans mon expérience, plus profondément en moi-même. Cela signifie que je dois être capable de regarder mes pensées, mes sentiments, mais sans y être identifié.
  Donc parler de la guérison de l'âme, c'est parler de la possibilité d'être de plus en plus présent et capable d'être conscient. Être pleinement présent, c'est être pleinement conscient. Être enraciné dans le corps et présent, c'est être conscient et éveillé... Je m'éveille chaque fois que je vois apparaître en moi un fonctionnement-type, et que je prends du recul vis-à-vis de ce mécanisme. C'est le don et la force de la conscience.
  En terme d'évolution, nous sommes aujourd'hui au stade de l'ego... C'est une façon de créer une auto-identification avec les histoires que nous nous racontons et les idées que nous avons sur nous-mêmes... aux images et aux histoires du passé et à celles que nous transposons et projetons dans l'avenir..
- Mandela de l'Être: il y a cet instant, qui est maintenant, auquel vous pouvez être pleinement présent. Ou plus encore lors d'une profonde méditation, ou lorsque vous faites du surf, écrivez de la poésie et que l'inspiration jaillit, ou lorsqu'au lieu de danser vous avez la sensation d'être dansé, etc. C'est dans ce maintenant-là que nous avons l'expérience la plus profonde du sens de la vie, que nous sommes connectés et en harmonie avec elle. Dans ce maintenant nous apparaissent le sens de notre vie, son but, et pourquoi nous nous offrons à elle. C'est la source de notre passion pour la vie au sens le plus profond.
- Nous avons à évoluer vers l'éveil, vers un retournement de l'attention vers soi qui soit véritable... Ce serait la guérison.
- L'état d'être dans le présent est paradoxal à décrire. Du point de vue corporel, c'est être profondément détendu et alerte à la foisk avec chaque sens en éveil, chaque perception précise... Du point de vue mental, les états les plus profonds sont ceux dans lesquels le mental est très concentré et en même temps incroyablement rempli d'espace. J'utilise l'image du soleil : il éclaire la terre et en même temps, il brille partout dans l'espace. Ces états de concentration et d'ouverture spatiale simultanés, de pleine vigilance dans un détente totale, sont en fait ceux de Bouddha... Dans cet état, nous sommes un avec le monde. Nous ne sommes pas observateur ; nous en faisons partie. Expérimenter cela est la chose la plus importante qui soit... Votre énegie rayonne littéralement et grâce à ce rayonnement de la présence, vous influez sur la conscience des gens autour de vous.
- Le plus important est d'apprendre à démêler les schémas comportementaux à l'origine de mes souffrances et de celles des autres, étape par étape. Nous avons à faire cela dans un travail conscient... Il faut de temps mais c'est hors du temps... La pratique de revenir au « maintenant », de se désengager de l'identification avec les histoires sur vous-mêmes qui vous rendent singulier, celles qui diminuent les autres ou les rendent trop importants, celles de l'avenir qui vous effraie ou vous rend faussement optimiste, celles du passé qui vous noie dans une douce réminescence ou dans la culpabilité et la honte, prend du temps... Il faut être témoin, observer, pratiquer. Il n'y a pas de raccourci.
- J'enseigne une pratique qui consiste en seulement cinq respirations longues, me je demande de le faire 20-30 fois par jour. Juste cinq respirations qui prennent 20 secondes, ce qui donne en tout 400 secondes, donc moins de sept minutes. Mais l'important est de le faire encore et encore, et ainsi vous revenez à l'instant présent, très focalisé et très spacieux à la fois. Vous revenez à votre corps... Au bout d'un mois, l'aptitude à rester dans le présent s'est tellement renforcée que vous n'êtes plus piégé par les histoires et les tensions aussi fortement qu'auparavant. À la fin de l'année, vous êtes plus fort encore : cela signifie que vous avez gagné plus de maîtrise.
- Cela fait très longtemps que je m'exerce à accueillir les sentiments difficiles et à me désidentifier des vieilles histoires de mon ego, et j'ai de plus en plus de liberté vis-à-vis de tout cela. Ne ne pense pas qu'il y ait une fin. ...nous rêvons d'une solution magique comme une pillule ou un week-end intensif. Ce n'est pas ce qui se passe. Si nous sommes vraiment sérieux dans notre but qui est de dépasser le stade de l'ego, de nous éveiller, si nous voulons vraiment passer de notre état de peur à notre esprit naturel, qui est un état de paix, de clarté et même d'amour qui va s'approfondissant, nous avons vraiment à travailler.
  Le défi est de se réveiller et de discerner dans ce que vous faites ce qui crée la tension, puis de ne pas se contracter. En le voyant, vous dites : « merci, merci. Je vois cela et je vais me détendre, ne pas me punir si je me raconte encore une histoire qui me rend singulier, négatif, ou blesse d'autres personnes. Je vois cette histoire. » Cette sorte de générosité, de douceur, de persévérance, de pardon envers soi-même, pratiqués encore et encore, constitue une voie de guérison, mais la guérison ne vient pas du jour au lendemain.
- Il s'agit de prendre conscience que l'observateur en vous est critique. Lorsque vous voyez une partie de vous qui vous juge et vous critique, c'est le moment d'être doux, indulgent envers vous-même et détendu... Je vois le comportement, je vois la pensée, et je me pardonne...
Finalement je deviens si conscient de mon critique intérieur qu'il cesse de me juger aussi fortement qu'avant. La capacité à s'observer, à regarder de plus en plus profondément dans les moments de grande confusion ou de douleur.. est quelque chose à travailler. Cette pratique guérit de l'intérieur et apporte au monde plus d'amour, plus de tolérance, plus d'entraide... Nous avons juste à faire de notre mieux.
- Lorsqu'il s'agit du chemin de l'âme, vous créez ce chemin à chaque pas, à chaque pensée, à chaque réaction à une pensée, à chaque façon d'écouter. Vous le créez et vous êtes donc littéralement la création de ce que vous créez vous-même... Il faut écouter en profondeur... Pour ma part, je travaille beaucoup avec les rêves, parce qu'à travers eux notre psyché nous parle... J'insiste aussi sur l'expérience : vous devez expérimenter... C'est grâce à l'expérience que vous pouvez connaître le prochain pas à faire.
  Mais en définitive, le chemin est un « chemin sans chemin ». Nous développons une haute tolérance pour l'incertitude, l'ambiguïté et le fait de « ne pas savoir ». Il faut aussi apprendre à être dans son corps et à écouter. C'est par la sensation que l'on sait comment évaluer quelque chose. On « le sent bien » (ou « on le sent mal »). On trouve un endroit en nous, où l'on sait que ce que l'on écoute est vrai pour nous. Souvent, ce sentiment va à l"encontre de notre conditionnement social et de nos dynamiques familiales. Et c'est un dur labeur que de commencer à se faire confiance sur un tel chemin. Comment pouvez-vous vous guérir si vous ne vous faites pas confiance ? Et qui vous a jamais appris à vous faire confiance ? Depuis le début, on nous dit: « Attention, ne va pas là, ne fais pas ça ! Apprends ce que les autres ont déjà créé. N'apprends pas qui tu es vraiment. » Comme je disais, nous parlons de la création d'être humains qui sont la création de leur propre acte de création d'eux-même ! Vous construisez votre vie pas à pas, une pensée à la fois, une façon d'ouvrir un espace à une émotion à la fois au lieu d'en avoir peur... Le plus important est d'apprendre à observer vos pensées, à revenir à l'instant présent, à relàcher l'identification aux pensées. C'est de toujours repartir du moment présent, être aussi éveillé que possible et avoir confiance en ce qui vous inspire, en ce qui parle à votre coeur. Car d'où ce chemin viendra-t-il ? De l'intérieur, par votre enthousiasme et votre inspiration. Il se présentera parce que vous avez beaucoup souffert et que vous voulez changer, ou que vous êtes inspiré par quelque chose ou par quelqu'un. Vous avez à écouter. Beaucoup de gens commencent à cause de la souffrance. La plupart d'entre nous. C'est la bénédiction de la souffrance.
Guérir de la blessure primale
Gangaji
- Si vous désirez la liberté, vous devez être prêt à faire face à ce que vous avez fui en la cherchant. En général, les gens fuient une douleur diffuse, souvent une douleur ancienne provenant de besoins non satisfaits dans l'enfance. Elle peut revêtir à la fois des aspects physiques et psychologiques. Elle peut être associé à une histoire, ou n'être qu'un champ énergétique, comme une impression négative ou de l'appréhension.
  Chaque vie contient de multiples blessures, même celle des plus privilégiés d'entre nous. À moins que vous n'arriviez à vous dissocier de la vie, tout l'éventail des blessures humaines est présent en vous, sous une forme ou l'autre. Certains réussissent à recouvrir leur psychisme ou leurs blessures émotionnelles et physiques de pansements, tout en poursuivant simplement leur vie quotidienne. Mais je doute que quelqu'un réussisse à annihiler ses blessures totalement. Cet échec est en soi une bonne chose, car il signifie que la blessure demande de l'attention, à l'instar du gravier dans une chaussure qui gêne tant qu'on ne s'en est pas occupé.
  Bien entendu, nous cherchons à nous débarrasser de cette douleur centrale de différentes manières, à la fois mentales et matérielles. La plupart des activités mentales servent en premier lieu à fuir cette blessure primale en tout ce qui la concerne. Il arrive aussi que nous nous tournions vers la vie spirituelle dans l'espoir qu'un enseignement ou une illumination particulière nous soulagent de notre blessure. Nous cherchons à faire ce que l'enseignement ou l'enseignant nous dit, et nous le répétons inlassablement, en espérant que la souffrance sera éliminée.
  Étonnamment, un vrai enseignant et un véritable enseignement vous conduisent sans pitié et avec la plus grande compassion directement au coeur de la blessure.
  La blessure la plus profonde et la plus essentielle n'a pas de nom. Vous pouvez l'appeler « condition humaine » ou « existence conditionnée », ou le « fait de souffrir ». L'instinct de fuite est puissant, mais c'est pourtant lui qui vous ramène finalement au point de départ, à la rencontre de votre blessure. Vous mûrissez au travers de vos diverses tentatives de fuite, pour finalement constater que la même blessure est toujours là, qui vous attend.
- La psychothérapie n'atteint pas le fondement de la souffrance. Elle peut vous aider à découvrir que, malgré toutes nos connaissances psychologiques ou mentales, le fondement de la souffrance perdure ; et dans ce sens, c'est déjà une aide énorme... Le traitement s'adresse à la blessure émotionnelle, physique ou mentale : il ne s'occupe pas et ne permet pas de découvrir ce qui est par essence entier, pur, libre et en paix. La vérité est déjà là, indépendamment de l'état de votre corps, de vos émotions, de votre esprit ou de vos conditions de vie.
  Je vous invite à cesser de chercher à vous libérer de la souffrance pour un instant. Je ne vous demande pas de devenir insensible à la souffrance, ou de glisser dans le désespoir. Je vous invite à cesser de chercher quelque chose dans l'intention de vous délivrer de vous-même. Stopper son mental... Stopper n'a rien de rassurant. Il est de loin plus rassurant de réfléchir, de chercher à comprendre, d'aller vers ce qui est garanti et d'éviter ce qui est incertain.
- La vérité est d'une extrême simplicité. Les complications proviennent de toutes les stratégies de fuite qui ont été gravées dans nos esprits de différentes façons... Vous pouvez reconnaître l'instinc de fuite, stopper, vous retourner et affronter ce que vous cherchiez à fuir... Il se peut que vous ayez à faire face aux idées que vous vous faites, ou que vous ne vous faites pas à votre sujet.
Dès que l'instinct de fuite a été identifié, vous avez le choix : dire non à la fuite et oui à la confrontation de la cause apparente de la souffrance. Le pouvoir de choisir est le pouvoir suprême du mental, mais le choix auquel vous êtes confronté ici est d'un autre ordre que tous les choix effectués jusqu'à présent. Dès que vous choisissez de vous soumettre et de ne plus chercher à fuir, le trésor de votre être se révèle à lui-même, avec intensité et légèreté ; vous découvrez qui vous êtes vraiment. Vous pouvez alors vous réjouir de voir guérir les blessures qui peuvent l'être et pleurer celles qui restent. Entre célébration et deuil, vous êtes invité à rester tranquille dans la vérité toujours présente.

  Cependant, tant que vous ne les avez pas examinés, des débats subtils gardent une emprise sur le choix de vous soumettre : les raisons pour lesquelles vous ne pouvez arrêter, ou celles pour lesquelles vous ne devriez pas arrêter tout de suite, ou la manière dont vous arrêterez plus tard. L'examen sérieux reprend dès que vous vous demandez ce que vous voulez vraiment. Si vous voulez simplement vous débarrasser de vos blessures, alors vous continuerez vos recherches jusqu'à ce que vous trouviez quelque chose que guérisse une blessure donnée, qui vous soulage momentanément. Mais si vous cherchez réellement la vérité à ce sujet, alors vous aurez toute l'aide nécessaire pour faire face à ce que vous avez fui depuis toujours, à ce que votre structure cellulaire vous enjoint de fuir, à ce que toute l'humanité cherche à fuir.
  Une force incommensurable et phénoménale utilise chaque forme et événement de votre vie pour mous montrer l'aide dont vous avez besoin. Le soutien nécessaire est déjà présent ! Si vous voulez être aidé, vous devez choisir de recevoir l'aide de manière totale et complète.
  Je vous suggère de plonger profondément au coeur de votre être. Je sais que l'expérience de la blessure peut vous faire croire que ce qui est au coeur de votre être est vraiment épouventable. J'ai eu le privilège extraordinaire de rencontrer beaucoup de personnes avec de profondes blessures, allant de la psychose aux névroses habituelles auxquelles la plupart d'entre nous devons faire face. Mais je n'ai jamais rencontré quelqu'un, prêt à dire la vérité et à affronter sa propre souffrance, que ne trouve la beauté et la paix de son être essentiel.
  Pourquoi ne pas vous arrêter et examiner ce qui vous pousse à fuir ? Non que ce soit la bonne chose à faire, la chose sacrée, correcte ou éveillée ; cela n'a rien à voir. C'est peut-être simplement quelque chose que vous n'avez encore jamais vraiment vécu. Vous y trouverez une fraîcheur, une innocence, vous découvrirez le potentiel et la puissance de simplement être - sans aller vers le plaisir, sans repousser la douleur, sans créer une autre vie, et sans éviter la mort. En cet instant, soyez simplement. En étant simplement, vous découvrez une révélation intérieure qui a le pouvoir de résonner de plus en plus profondément à travers le corps et le mental, jusqu'à ce que le mental ne se soucie plus de justifier sa recherche de plaisir et sa fuite devant la douleur.
  Il existe un trésor, la vérité de votre être, qui vous dit « Viens, entre. » Comme il a été longtemps caché, vous l'imaginez sombre, laid et interdit, et on vous a fortement recommandé de ne pas le regarder directement. Toute votre socialisation est centrés là-dessus. Mais heureusement, grâce au pouvoir de choisir, vous pouvez laisser tomber cette socialisation et répondre à votre immense désir de savoir qui vous êtes. Nous avons la chance incroyable de pouvoir nous soutenir les uns les autres dans cette découverte divine, éternelle et au-delà de l'imagination. Cette possibilité est sacrée...
  Je vous invite à consacrer quelques minutes à regarder honnêtement en vous et à examiner ce à quoi vous vous éloigner, quelle blessure vous espérez guérir afin d'être libre. Laissez votre observation vous en révéler exactement le fonctionnement ainsi que les stratégies de fuite.
  Laissez les réponses venir avec sincérité, honnêteté, et de manière naturelle. Posez-vous la question : « Qu'est-ce que je cherche à fuir ? »
  Il ne s'agit pas de changer ou de mettre de l'ordre dans ce que vous découvrez. Contentez-vous de reconnaître les shémas de fuite. Expérimentez simultanément la dynamique de l'instinct de fuite et la possibilité de ne pas suivre cette impulsion, de l'accepter sans histoire, sans stratégie, et sans résultat espéré. Soyez simplement là, sans rien faire. Pour que le mental puisse se soumettre à la certitude qu'il n'y a pas de fuite possible. Puis dites la vérité, à cet instant précis : reste-t-il un espoir de fuite ? une recherche de fuite ? une manière de nier qu'il est impossible de fuir à cet instant précis ? Si oui, laissez tout cela s'en aller. Abandonnez tout effort de fuite, et reconnaissez ce qui vous porte vraiment. Soumettez-vous et reposez dans la paix de votre être.
(Gangaji donne des entretiens partout en Europe... avec ce sentiment qu'elle ne peut jouer le rôle d'enseignante, sachant que ce rôle n'est pas réel. Le véritable enseignant est vivant en chacun de nous et il se révèle finalement dans chaque chose, que cette apparence soit à l'intérieur ou à l'extérieur.)
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Autres pensées ou extraits
Autres textes de Richard Moss :
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Conscience et Relations : Propos recueillis par D. Bacon
  Comment les relations que nous entretenons avec nos proches peuvent-elles faire émerger notre conscience ?   Considérons la relation comme un « espace » créée entre deux personnes selon le « point de départ » de chacun. Ce « point de départ » est la nature de notre psychologie personnelle et ce que nous apportons à la relation à partir de cette psychologie. On peut avoir comme point de départ un sentiment de sécurité ou d’insécurité intérieure, diverses peurs, la dépendance ou la suffisance, la confiance ou la méfiance... Une relation n’est pas une chose statique. Elle se construit et devient saine ou malsaine, instant après instant. Lorsqu’une relation semble être figée dans une énergie conflictuelle, c’est parce que les deux personnes sont coincées dans des schémas qu’elles ne cessent de reproduire. Notre conscience est portée sur la douleur et sur des attentes si souvent insatisfaites ; on considère que c’est la relation, et non pas nous-mêmes, qui est le « problème ». Une relation est plus que les individus qui la constituent. Elle a sa propre qualité unique qui peut nous permettre de nous sentir plus vivants ou plus désespérés que si nous étions seuls. Mais ce n’est pas par chance ou par malchance que les choses se passent ainsi. L’énergie de la relation dépend du point de départ en nous-mêmes et chez l’autre. En règle générale, nous ne nous connaissons pas aussi bien que nous l’imaginons. Nous avons rarement conscience de notre propre psychologie. Nous amenons donc beaucoup d’inconscience dans nos relations - croyances, protections, réactivité, projections - venant de notre passé, et en particulier, de notre enfance.
   C’est ici où la relation peut nous aider à devenir plus conscients. L’atmosphère de la relation nous renvoie en miroir notre inconscience particulière, à savoir à quel point nous sommes déconnectés de notre soi véritable au niveau de notre pensée ou de notre comportement à un moment donné. C’est cette distance intérieure entre notre psychologie et notre essence qui fait que nous voyons l’autre comme étant quelqu’un en qui nous ne pouvons pas avoir confiance, qui nous met en colère, ou qui nous blesse. Mais en réalité, si nous sommes malheureux ou insatisfaits, l’autre n’en est jamais la véritable cause. C’est nous qui avons peur de revendiquer et de vivre à partir de notre soi véritable, et d’en accepter les conséquences. Si nous communiquons avec honnêteté et nous exprimons nos vrais sentiments, cette authenticité et cette confiance vont guérir la relation et nous amener vers une plus grande plénitude, ou bien nous allons prendre clairement conscience que nous devons la lâcher et en faire le deuil. Mais avant de nous précipiter à mettre fin à une relation, nous devons être honnêtes avec nous-mêmes : ce n’est jamais l’autre qui peut nous rendre misérables ni nous sauver. Si nous nous sentons dépendants, en colère ou jaloux, ou si nous imaginons que l’autre est notre âme-sœur, c’est à cause de la distance entre nous-mêmes et notre propre soi authentique. Nous avons envie de croire que l’autre est « la bonne personne » pour nous, ou encore que c’est à cause de l’autre qu’il y a tant de douleur - mais ce n’est jamais le cas. Une relation qui nous élève et nous met dans un état de clarté, un sentiment de gratitude et de créativité renouvelée signifie que nous prenons le risque de dépasser notre psychologie d’enfance, et que notre point de départ est devenu quelque chose de plus authentique et de plus essentiel. Parallèlement, une relation qui nous appauvrit, dans laquelle nous nous sentons jaloux, en colère, inconsidéré et plein de jugements, et dans laquelle il y a beaucoup de conflits qui ne débouchent pas sur une compréhension approfondie et une meilleure connexion, est une relation dans laquelle le point de départ des deux personnes est faux, et elles ne le savent pas. Une fois que nous avons compris que ce n’est pas par hasard que la relation est malheureuse, et que nous sommes prêts à accepter que ce n’est jamais complètement la faute de l’autre, nous pouvons commencer à la faire évoluer. Pour ce faire, il faut, bien entendu, travailler sur nous-mêmes et sur la relation, et spécifiquement sur notre manière d’écouter et de communiquer. Il faut prendre conscience du faux soi - la manière dont, enfant, nous avons refoulé certains sentiments menaçants, créant ainsi une persona plus ou moins positive pour déguiser notre insécurité et la cacher non seulement aux yeux des autres, mais surtout, aux nôtres. Le faux soi n’est pas réellement capable de vivre une vraie intimité. Il se manifeste inéluctablement à un certain stade de notre vie ; c’est lui qui crée les schémas destructeurs dans les relations. C’est notre faux soi qui nous fait croire que nous pouvons sauver l’autre ou que nous sommes indispensables, et c’est lui qui nous fait attendre la perfection, chez nous-mêmes ou chez l’autre. Il peut nous amener à créer une image héroïque de nous-mêmes qui nous pousse à être rebelles ou non-conformistes, ou bien stoïques sans avoir accès à nos vrais sentiments. Parfois il nous pousse à vivre dans un monde personnel fantasmé, ce qui nous amène à nous retirer ou à être distants et détachés. Lorsque nous vivons à partir de quelque chose en nous-mêmes qui n’est pas réel, nos relations ne peuvent pas vraiment réussir, et elles deviennent des relations malheureuses, tendues ou anesthésiées. Lorsque nous devenons suffisamment matures pour nous rendre compte que « l’homme ou la femme parfait » qui va nous sauver n’existe pas, nous pouvons commencer alors à travailler sur nous-mêmes et faire évoluer des relations qui peuvent vraiment devenir merveilleuses. Faire consciemment évoluer nos relations est une des choses les plus créatives que nous puissions faire dans notre vie.

  La présence d’un instructeur est-elle essentielle à la compréhension de nos mécanismes relationnels ?
   Je ne pourrais pas dire que la présence d’un instructeur soit essentielle dans le sens absolu du terme. Il existe peut-être des personnes qui ont suffisamment travaillé sur elle-mêmes afin de comprendre théoriquement leurs mécanismes relationnels pour arriver à créer une relation saine sans guide ou tierce personne pour les aider.
Mais si votre relation est déjà en difficulté et vous souhaitez vivre autre chose qu’une vie malheureuse, être en colère ou anesthésié, et si vous vous aimez suffisamment l’un l’autre pour vouloir découvrir si votre relation peut évoluer et changer, alors la présence d’un guide ou thérapeute compétent, mature et expérimenté devient presque essentielle. Nous ne pouvons pas vraiment nous connaître nous-mêmes sans comprendre nos mécanismes relationnels, et nous ne pouvons pas vraiment comprendre nos mécanismes relationnels sans nous connaître nous-mêmes. Avoir un guide est très important car il est très difficile de nous mettre à l’extérieur de notre propre psychologie et voir nos propres mécanismes relationnels lorsque nous sommes enlisés dedans. Nous protégeons notre ego, notre orgueil. Nous obéissons à notre faux soi sans pouvoir facilement le voir par nous-mêmes. Lorsque nous sommes dans une relation en difficulté, nous ne faisons pas confiance à notre partenaire pour nous faire miroir et nous dire ce que nous devons changer. C’est alors que la présence d’une tierce personne devient quasi-essentielle. Il faut quelqu’un de l’extérieur, pas seulement un bon ami, mais quelqu’un de mature et d’expérimenté qui peut aider le couple à créer un environnement sécurisant et éclairant qui leur permet de regarder comment ils fonctionnent et quel est le point de départ (inconscient) de chacun.

  Par opposition à la relation, la solitude est-elle souhaitée pour asseoir notre Etre spirituel ?
   Nous avons tous besoin d’avoir un sentiment de solitude en nous-mêmes. Il ne s’agit pas de l’isolement, de la séparation ou du fait d’être à part, mais d’un endroit où nous contactons une partie essentielle de notre être. Sans cet endroit, nous n’avons pas de repère substantiel pour nous permettre de nous connaître nous-mêmes, et nous risquons alors de nous chercher toujours chez l’autre. L’individu qui connaît véritablement la solitude, qui est entré profondément en lui-même, connaît son propre point de départ. Il est plus apte à entrer profondément en relation avec les autres sans perdre la connexion avec lui-même. Je pense que la solitude n’est pas la même chose qu’une vie solitaire. Il existe un petit pourcentage de personnes pour qui le fait de vivre seules est leur manière d’approfondir leur connexion intérieure avec la Source. Il y a, bien entendu, beaucoup de personnes qui vivent seules, mais c’est souvent à partir d’un mécanisme de protection de soi et de l’incapacité à vivre la douleur et le défi d’évoluer dans une relation engagée. En revanche, je crois que du point de vue de l’évolution, la plupart d’entre nous sommes appelés à vivre la voie de la relation. Dans ce cas, c’est la relation qui devient le moyen par lequel nous devenons plus conscients, plus ouverts et disponibles à l’autre, tout en nous ancrant de plus en plus dans notre propre capacité à être seuls. Si nous n’avons pas la capacité à être seuls, nous ne pouvons pas vraiment être avec les autres, et l’inverse est également vrai. Ce paradoxe fait partie de la nature même de la conscience. Du point de vue pratique, choisir intentionnellement des périodes de solitude peut être très riche pour cultiver une écoute profonde et pour apprendre à rester avec nos propres sentiments afin d’arriver à une clarté intérieure. Nous pouvons apprendre à goûter la saveur de notre propre solitude afin d’apprécier davantage le goût de nos connexions avec les autres.

  Pour ouvrir les portes de notre trésor intérieur, des clefs sont nécessaires. Pouvez-vous en livrer quelques unes ?
  A mon sens, la clef la plus importante, telle que je l’exprime dans mon travail est : « Qui nous sommes vraiment - notre soi véritable - commence Maintenant. »
Nous ne sommes pas seulement le produit de notre passé. Nous ne vivons pas non plus pour un futur imaginé où nos rêves seraient comblés ou dans lequel nous éviterions telle ou telle souffrance. Nous ne sommes pas les idées que nous avons sur nous-mêmes - tous nos jugements, nos « il faut » et nos « tu devrais » - les idées qui nous traversent constamment l’esprit lorsque nous vivons à partir d’un faux soi. Qui nous sommes vraiment, maintenant, dans « le maintenant de nous-mêmes », n’est pas déterminé par ce que font les autres, ni par ce qu’ils pensent de nous, ni par nos croyances concernant qui les autres devraient être ou ne devraient pas être - des pensées qui ne font que nous faire ressentir de la colère et la douleur. Nous devons apprendre à nous tenir debout par nous-mêmes, à nous « revendiquer » nous-mêmes - notre soi véritable. Ce soi véritable n’est pas une chose concrète ; c’est notre capacité à être conscients. Central à toute spiritualité est le fait de réaliser ce véritable cœur de nous-mêmes au lieu de vivre à partir des idées que nous avons sur nous-mêmes. Une autre clef est de pouvoir mettre de côté notre propre « monde du moi », c’est-à-dire la manière dont nous voyons les choses, dont nous rationalisons, défendons et jugeons à partir de notre point de vue personnel, notre intérêt personnel. Quand nous laissons notre « monde du moi », nous pouvons nous tourner vers l’autre avec notre conscience profonde afin de faire l’expérience de l’autre tel qu’il se sent en lui-même. Nous pouvons apprendre à avoir la volonté de vraiment voir l’autre tel qu’il est : ce qu’il ressent, ce qu’il dit vraiment, et qui il est indépendamment des besoins et des peurs de notre « monde du moi ». Une troisième clef : « Le cadeau le plus important que nous puissions offrir à nous-mêmes ou à l’autre est la qualité de notre attention. » Nous pouvons apprendre à être vraiment présents, à vraiment écouter profondément, sans jugement, sans réactivité, sans défense. Voici l’essence de la compassion, que ce soit pour nous-mêmes ou pour autrui. Enfin, nous devons apprendre à traduire tout ce que je viens de dire en une capacité à dialoguer efficacement avec l’autre. Nous empoisonnons sans cesse nos relations par notre manière de penser car nous ne savons pas vraiment comment écouter et parler à partir de quelque chose de vrai en nous. Nous devons apprendre à créer un environnement sécurisant pour pouvoir vraiment entendre et être entendu, surtout lorsque nos points de vue sur le sujet de discussion sont très différents et nous risquons de nous sentir menacés par les propos de l’autre. Ainsi, des capacités d’écoute et de communication doivent évoluer avec notre propre croissance spirituelle. Ces capacités peuvent nous amener à entrer dans une vie spirituelle plus profonde.

   La transformation individuelle est-elle utile pour la collectivité ?
   La transformation individuelle est essentielle pour la collectivité. L’esprit de la collectivité est essentiellement celui du troupeau
- des schémas de pensées, de réaction et de défense, des schémas d’acculturation qui définissent ce qui a de la valeur et ce qui n’en a pas, des schémas de moralité catégorique. Ces schémas sont reproduits génération après génération. Si nous n’arrivons pas à dépasser ces schémas, à nous libérer réellement de la peur et trouver une vraie moralité à l’intérieur de nous-mêmes, nous resterons le produit de cet esprit du troupeau et ne deviendrons pas vraiment des êtres conscients. La collectivité ne va jamais nous demander de faire le travail nécessaire afin de devenir un être conscient. Aucune institution, aucun système d’éducation publique, aucune église ni parti politique - ni même, en général, notre propre famille - ne veut vraiment que nous nous connaissions nous-mêmes, que nous pensions par nous-mêmes. L’avenir de l’humanité, quel qu’il soit, commence par chacun de nous individuellement. Cet avenir commence à cet instant même, maintenant, dans notre capacité à être présents. Le seul moment où quelque chose de réel puisse exister est maintenant. Nous devons apprendre à cesser de rêvasser.
Richard Moss (Par Marie de Hennezel):
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« Le plus grand cadeau que nous puissions nous offrir les uns aux autres c'est la profondeur de notre présence et la finesse de notre attention ».
- "Psychologue, appelée au chevet de personnes angoissées, révoltées, ou tout simplement infiniment tristes d'avoir à mourir, j'avais appris que je ne pouvais rien pour soulager cette souffrance de l'âme. Rien, sinon rester là « au seuil du mystère ». Dans ma peine et mon impuissance. Consciente que c'était peut-être de la qualité de la présence, de l'attention et de la confiance que je pouvais offrir en de tels moments, que dépendait une éventuelle transformation de cet état de souffrance, une traversée, une libération. Mais rester présent, laisser être, faire confiance au réel sous toutes ses formes, n'est pas chose facile. Nous le savons bien pour nous-même. Nous connaissons ces exigences de l'ego, ces impatiences qui font naître en nous tant de contractions, de refus. Nous savons combien il est difficile d'accueillir ce qui est. A fortiori, quand tout va mal pour l'autre, et que nous sommes là pour l'aider. J'avais découvert que l'acceptation de sa propre impuissance face a la souffrance d'autrui ouvre un espace de rencontre situé bien au-delà des mots. A condition d'être présent.« Just care» « prêtez seulement attention »... honorer l'instant présent... Il ne se posait pas en "maître", mais humblement comme faisant partie d'un «être ensemble »au service de la vie. Nous sommes tous des débutants..."
  Cet homme n'avait d'autre objectif que de m'aider a aller vers moi-même, au sens où Dieu nous y invite, quand il dit a Abraham: « Va vers toi-même ! » Va vers ton « Je suis ». Va vers la Réalité qui est déjà présente en toi, et dont tu traduiras la perception à ta façon. Je suis convaincue que notre destin spirituel ne se joue nulle part ailleurs qu'en nous-même. Tout au plus pouvons-nous rencontrer des précurseurs, qui, en éclaireurs, nous font partager leur expérience.« Aucun homme ne peut rien vous révéler sinon ce qui repose déjà a demi endormi dans l'aube de votre connaissance »,dit le poète Khalil Gibran.
  Richard fut pour moi un éclaireur. Et qu'a-t-il éclairé en moi, qui s'y trouvait déjà ? La capacité de s'abandonner avec confiance, qui n'est rien d'autre que la Foi. Car ce qui m'a le plus touchée chez Richard, c'est sa Foi. Une Foi communicative en la Vie. Et comment nous la communiquait-il ? Jamais par des discours. Simplement en nous invitant à entrer dans l'expérience. Entrer dans nos peurs, dans notre manque de confiance, jusqu'aux limites de nous-même, jusqu'à ce point où l'on ne peut plus faire autrement que de lâcher la contraction de l'ego, pour s'abandonner a ce qui est. C'est ainsi qu'il nous aidait: en nous communiquant sa propre confiance dans la capacité que nous avions de découvrir la foi par nous-même. Les paroles qu'on lira dans ce livre sont une constante invitation a la confiance. Ce ne sont pas de «bonnes paroles», mais des paroles inspirées. Des paroles qui viennent de plus loin que celui qui les prononce. On sent qu'elles le traversent, tel un vent d'inspiration semant des graines dans nos coeurs ouverts. Certaines de ces paroles m'ont habitée et m'habitent encore. Ainsi celle-ci qui revient comme un mantra quand ma propre confiance dans le déroulement des choses flanche : « Nous sommes dans les mains de quelque chose qui ne nous laissera jamais tomber ».
  Quand nous étions aux prises avec nos peurs, il nous invitait a l'humour, a rire de nos peurs, a chanter notre désespoir. L'été dernier, au cours d'une grande randonnée dans l'immensité des montagnes californiennes, prise par le vertige sur une pente assez raide, il m'a tendue la main et tout en avançant avec moi, il s'est mis a chanter «j'ai peur !, je vais tomber !, je vais mourir ! ». Je n'ai pu m'empêcher de rire, et ma peur est tombée. « Tout ce dont nous pouvons rire n'a plus aucune emprise sur notre âme »
  J'ai médité longtemps sur cette idée chère a Richard, que nous ne sommes pas là pour chercher le bonheur, mais pour vivre. Pour étreindre la vie, toute la vie. Une vie faite de contraires car «la psyché aime les contrastes ». Cela aussi nous aide a rester présents, impuissants que nous sommes devant la souffrance et la mort. Sinon comment ne pas être tenté de fuir ou de détruire? Souvenons-nous de cette jeune femme juive, au seuil du mystère de sa propre destruction si proche, Etty Hillesum disant: « La vie est belle et pleine de sens dans son absurdité, pour peu que l'on sache y ménager une place pour tout et la porter tout entière en soi dans son unité».
  Accepter le réel sous toutes ses formes, avoir une confiance profonde et absolue dans la vastitude que nous sommes, rester présent et attentif a ce qui est, tout cela se vit d'abord dans le corps que nous sommes. Les contacts que Richard a eus avec l'Orient, et notamment l'Inde, ainsi qu'avec la culture amérindienne, l'ont ouvert a cette attention au corps, lieu d'incarnation de la conscience.
   C'est a une conversion qu'il nous invite, soit à changer notre perception du corps. Depuis des millénaires, en Occident, nous vivons avec cette notion que l'homme doit utiliser, maîtriser le corps, comme un objet que l'on possède. Il nous faut découvrir ce que c'est que « d'être un corps », que d'habiter un corps, et par la-même apprendre a aimer notre corps, a respecter ce niveau d'organisation qu'est notre corps, a aimer nos cellules, a sentir ce que nous pensons, et a penser ce que nous sentons... approcher le corps de l'autre comme un mystère vivant, avec respect, avec tendresse, véritable célébration du divin présent en chacun de nous.
   A quoi Richard nous invite-t-il ? S'il parle de l'Éveil, il ne s'agit pas d'une expérience exceptionnelle ou extraordinaire. Il s'agit d'accepter la vie que nous avons dans ce qu'elle a de quotidien et d'ordinaire, de « tout simplement humain ». Il s'agit d'entrer en intimité avec soi-même, avec l'autre, avec ce mystère ou cette « infinitude » qu'il nomme aussi « Dieu ». Pour cela un seul chemin, aussi simple qu'exigeant, celui de devenir « disciple de la Vie », de la servir avec présente, confiance et attention.

Marie de Hennezel

- « La maladie est en toi, et tu ne vois rien.
Le remède ne peut venir que de toi, et tu n'en sais rien.
Tu crois que tu n'es rien de plus qu'un corps minuscule,
Alors qu'en toi se trouve le Macrocosme avec une majuscule. » Traité du soufisme, La Caravane, 2007

- Ce que tu crois, ce que tu croyais, ce que tu croiras...
ce que tu ne crois plus vraiment.... ce que tu croiras dorénavant...
jusqu'où et jusqu'à quand peut-on croire ?

- L'empressement. Besoin de se rassurer, de se justifier.
Vouloir savoir où l'on va. Vouloir commander aux événements.
Besoin de croire à une explication, avant l'heure, au mauvais moment.
Ne pas savoir attendre la tombée du jour ou le lever du soleil... Empressement !
Dans mes petits gestes maladroits aux conséquences décuplées...
Dans l'assouvissement à mes émotions...
Dans l'adhésion mentale aux conceptions qui se formulent mécaniquement en moi sans être vraiment remises en question.
Voir l'empressement constant à l'oeuvre en soi.
On le nomme souvent "stress", sans aller voir ce que recèle ce mot.

- « Il ne fait pas de doute qu'un être vivant ne peut pas jouir de la santé s'il est malade dans ce qu'il y a de plus élevé en lui (l'Esprit). » Apollonius de Tyane
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