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Textes d'auteurs (2010)
Vivre ses émotions (1)
3e Millénaire, Printemps 2010, No 95

NB: De courts extraits d'articles de la revue, parfois légèrement adaptés.
Que contrôlez-vous ?
Francis Lucille
- L'émotion est un mouvement dans le corps, une réaction du corps à une impulsion.
- Les émotions négatives viennent.. de l'identification au corps et au psychisme, la croyance en un moi séparé. L'émotion négative procède d'une pensée issue de l'ignorance... Par exemple: « comment a-t-il pu me faire ça, à moi ? Comment l'univers ou Dieu a-t-il pu me réserver une telle destinée ? »
- L'émotion positive est différente. Elle vient d'une expérience pré-mentale. Prenons le rire. Si l'on observe avec attention, on constate qu'il ne vient pas d'une pensée, mais d'une compréhension. Puis cette compréhension percute le corps et le mental.
- Les émotions positives peuvent revêtir des formes différentes... Il peut y avoir un sentiment d'expansion corporelle, un sentiment de relaxation. La circulation sangaine qui se faisait à l'intérieur du corps se portera à la périphérie. Les énergies du corps n'ont plus à se retirer à l'intérieur pour protéger les organes vitaux, elles sont autorisées à communiquer avec le monde.
- Le sens du « je » fait partie de l'ignorance... C'est un sentiment vague, qui me donne l'impression d'être là dans mon corps : je suis mon corps, je suis là en tant que mon corps. Et si nous nous posions la question « que suis-je ? », et que nous écoutions la réponse au niveau corporel, c'est ce sentiment vague d'un « je » localisé que nous rencontrons et que, en général, nous tenons pour acquis... En réalité, ce sentiment
« je », si bien toléré dans nos cultures, est le fauteur de trouble car il perpétue au niveau corporel l'ignorance. Il le fait de la même façon que nos systèmes de pensée, nos croyances d'être une entité séparée... Ainsi, depuis le sentiment vague d'un « je » séparé se crée la pensée « je ». Et celle-ci, apparemment innoffensive, va être à l'origine de la frustration... et à son tour apparaît la réaction corporelle que nous connaissons sous forme de colère...
- Les limites du
« je » limité sont illusoires car le « je » limité n'est autre chose que le « je » véritable auquel les limites sont superposées. Le « je » limité étant une illusion, ne peut rien faire. Mais il faut bien voir que ce qui est illusoire dans le « je » limité est son aspect limité ; ce n'est pas le « je » lui-même. Par exemple, en ce moment, nous parlons. Je ne parle pas à une illusion. Il y a bien quelque chose de réel qui entend. Il ne faut donc pas croire que la réalisation du Soi, c'est la réalisation du « je » limité. Au contraire, la réalisation du Soi est l'élimination des limitations... Un « je » limité ne peut rien faire. Mais le « je » réel peut faire, comprendre, et surtout voir les limitations. La libération résulte de la prise de conscience des limitations. Ce n'est pas qu'il n'y ait rien à faire, ou que l'on ne puisse rien faire comme cela est souvent dit. Le Soi, le « je », a conservé le pouvoir de se libérer de l'illusion qu'il a auto-créée et, en faisant cela il exerce sa première liberté. L'ayant exercée, il se meut dans un domaine de liberté.
- Lorsque nous observons la pensée, nous constatons que la pensée est un processus dynamique. L'évidence nous vient alors que ce qui observe le mouvement est lui-même en repos, distinc du mouvement. C'est en quelque sorte un point de référence, un référentiel, distinct de l'objet en mouvement, qui est la pensée. Et ce référentiel est invisible car s'il était visible, il serait un autre objet en mouvement. C'est le référentiel qui se voit lui-même, car nous savons que nous sommes conscients. Il existe un mode de connaissance par lequel la conscience se connaît... Une fois vu cela, on réalise que la sensation corporelle n'est pas différente d'une pensée.
- Nous nous établissons en tant que conscience et non plus en tant qu'objet. Une distance s'établit entre la conscience-témoin et l'objet.
- Je ne suis pas la pensée, je suis le penseur de la pensée, je suis l'espace au sein duquel la pensée se déploie.
- Au niveau de la pensée, il faut se trouver absolument libre de tout système de croyances quel qu'il soit... Il faut avoir ici une pensée scientifique, qui est celle d'examiner sans a priori.
- Une fois que l'effort pour retourner vers le Soi a rempli son rôle et nous a ramené à la maison, on se rend compte qu'il n'y a pas vraiment d'effort à faire. Donc, il ne s'agit pas de rester dans l'effort, mais plutôt de rester dans le sans-effort. Rester dans le sans-effort veut dire que l'on comprend que l'ignorance elle-même est un effort constant. Car toute croyance au niveau psychique et tout sentiment
« je » au niveau somatique sont une pensée et un geste inutile. Ce sont des bagages que l'on porte, des superpositions. Au niveau somatique, c'est une contraction. Au niveau psychique, c'est une pensée qui est un dynamisme. Donc c'est un effort superposé à notre nature réelle. Notre nature réelle est le sans-effort.
- En écoutant une émotion négative, le déroulement va s'arrêter progressivement. C'est comme un train qui roule, il possède une inertie et il faut un certain temps pour que celle-ci soit absorbée, que le train s'arrête. L'écoute va nous ramener, nous permettre de remonter le courant vers l'origine de cela. À l'origine de l'émotion négative, se trouve la pensée de frustration et à l'origine de la pensée de frustration, il y avait le « je » séparé... Et à l'origine du « je » séparé, il y a peut-être aussi ce sentiment diffus du moi au niveau de corps... L'établissement dans la tranquillité se fait naturellement une fois que l'on a compris que notre nature réelle est infinie. La paix émane de cette compréhension, et s'établit progressivement dans tous les domaines de notre existence. Nous pouvons coopérer à ce processus, et cette coopération est bienvenue car ce qui coopère n'est rien d'autre que le Soi. Tout ce que nous faisons dans le sens de la vérité, de la beauté et de l'amour vient de la vérité, de la beauté et de l'amour. Il n'y a donc rien à s'interdire, au contraire. Car notre recherche est expérimentate, c'est une science. Il est des expériences que l'on peut faire par la pensée et d'autres qui doivent passer par le corps. Il est donc parfois préférable de satisfaire un désir en se disant c'est une expérience que je vais faire, pour recevoir la confirmation que cette direction n'est pas la bonne, plutôt que de se l'interdire mais ensuite avoir toujours une sorte de regret, on ne pas savoir... Ce n'est pas une voie de sacrifice, mais une voie de compréhension et d'expérimentation. Ce n'est pas une voie où l'on s'interdit des choses, c'est une voie où l'on procède avec les yeux grands ouverts.
- La souffrance est un garde-fou, elle préserve le corps. Elle nous invite à ne pas insister dans la direction dans laquelle nous sommes. Elle nous invite à revoir les bases de cette souffrance. Et quelle est cette base ? C'est le « je » séparé.
- En fait le désir est fait de deux choses : l'amour, l'amour du Soi, de notre nature véritable, auquel s'ajoute une tension vers l'objet désiré. Lorsque l'on comprend qu'aucun objet à la périphérie ne saurait nous apporter ce que nous recherchons, nous lâchons les objets. À ce moment là... le retour vers le centre s'effectue ; nous n'avons pas à l'effectuer, il se fait naturellement. Avec ce retour, la tension du désir diminue, et il redevient ce qu'il était à l'origine, c'est-à-dire l'amour. Le désir s'absorbe dans l'amour. L'amour, c'est le désir sans tension.
- Quand on voie que l'on ne contrôle rien, on laisse les choses se déployer... c'est la voie directe du retour à la tranquillité.
- La peur du vide, c'est celle de perdre le contrôle... Cette peur d'abandonner le contrôle vient du fait que vous croyez avoir le contrôle ! ...vous pensez contrôler vos décisions, vos pensées et vos actions... Nous serions parfaitement heureux si nous pouvions contrôler nos pensées car nous choisirions que des pensées positives... Mais voilà, elles apparaissent comme la pluie, ou la neige, le font... Cela veut dire aussi que nous ne contrôlons pas non plus nos décisions, que viennent sous forme de pensées... pas non plus nos actions ! Que contrôlons nous finalement ? Voyez-vous ? L'apparition de la pensée n'est pas un événement personnel, c'est une convergence cosmique qui se manifeste à cet endroit. C'est l'univers qui fait tout bouger. Rien de personnel en cela... Si vraiment nous voyons dans la vie de tous les jours cette impossibilité à contrôler nos pensées et nos décisions, il va devenir clair qu'il n'y a rien à perdre en s'abandonnant au vide, parce que nous n'avons rien entre les mains.
  Il peut arriver que, dans ces moments de peur du vide, on ait l'impression d'une mort imminente. Mais le coeur bat encore... ça respire donc ça circule... Tous les paramètres biologiques sont dans l'ordre... donc je peux y aller. La peur se retrouve uniquement au niveau psychique. On peut alors se donner à l'expérience. S'abandonner au vide est une expérience intéressante. Il n'y a aucun danger... il n'y a rien à perdre... et c'est gratuit... Alors, bon voyage !
Cesser de ruminer
Viator
- Le principe est d'accueillir toutes les émotions, quelles qu'elles soient et dès qu'elles se présentent à moi.
- La rumination, ce n'est pas "moi" qui l'apaise, ou la combat, ou la transforme, je la laisse accomplir son oeuvre... je la laisse faire, je la regarde faire, et j'accueille ce que je vois faire...
- Les pensées négatives sont un peu comme une crise d'urticaire : il faut laisser sortir tous les boutons, jusqu'à ce que la crise disparaisse. Car si on empêche leur manifestation, les symptômes ressortiront ailleurs, autrement, et la situation risque alors de s'aggraver.
- En réalité, il n'y a pas de positif ni de négatif, autrement dit il n'y a pas deux modes d'être. Pas de dualité - il y a juste ce qui est, et qui est parfait..
Il n'y a pas de méditations positives et de ruminations négatives, mais des manifestations multiples et protéiformes de la pensée une.
- La maladie n'est pas un mal en soi, elle est le mode d'expression du corps le plus approprié à un moment donnée, dans une situation donnée... Dans tous les cas, ne jamais restreindre, ni empêcher ; laisser se déployer dans toutes ses dimensions, laisser s'exprimer en totalité.
- Ne pas retrancher, mais compléter, relier, réunifier. L'erreur n'est qu'une vérité incomplète. Le mal n'est qu'un bien non complètement réalisé. Ne pas détruire l'erreur ou l'illusion, mais lui ajouter la connaissance de son caractère faux ou illusoire... Ne pas détruire le mal, mais le laisser jaillir à la lumière, dont la clarté dévoile alors ce qu'il est vraiment : rien qu'un aspect, qu'un moment du bien. La même souffrance peut ainsi, pour la même personne, être un mal atroce et insupportable, ou une célébration : tout dépend du sens qu'elle lui donne, de la perspective dans laquelle elle la place.
  Tout se résume en un mot : la réunification des contraires. Il en existe aussi un autre, plus synthétique encore, mais qui a le même sens, la même force, la même proximité avec le divin : l'Amour.
- Dans les Évangiles, le Maître de maison recommande de ne pas arracher l'ivraie mais de la laisser croître avec le bon grain, jusqu'au moment de la moisson, où le Ciel lui-même fera le tri. Autrement dit, je n'ai rien à retrancher de ce qui arrive, aussi bien en moi que hors de moi.
- La rumination me coupe du présent, elle tisse une sorte de voile qui me rend aveugle à tout ce qui est là... et être coupé de la grâce du moment présent est souffrance. Et je peux désirer sortir de cette souffrance. Me faudra-t-il pour cela "retrancher" ces ruminations, les ôter de l'ensemble de ce qui est - ce serait alors une démarche duelle ? Non justement. Le problème des ruminations, comme d'ailleurs de toutes les choses qui présentent ce type d'inconvénients (la colère, par exemple), ce n'est pas qu'il y en ait trop, mais au contraire qu'il n'y en ait pas assez ! Plus précisément, le problème est que je ne les accepte pas, à cause d'une sorte de culpabilité, ou de peur de les voir en face, le problème est que je ne les laisse pas complètement être et vivre en moi... Dire "oui" à ces ruminations, telles qu'elles apparaissent dans le moment présent... La crainte des conséquences d'un tel "laisser faire" sont purement imaginaires... laisser se déployer ces ruminations au grand jour leur permet de se dissiper, comme glace qui fond au soleil...
  Quand la rumination vient, j'accepte et je bénis cette épiphanie, cette visite en moi du "dieu de la rumination". Sur la scène de mon petit théâtre, il dira ce qu'il a à dire, et sera ce qu'il a à être, c'est son affaire, et puis il partira.
- En soi, le tabac ou l'alcool ne sont pas des problèmes... Il y aura juste des conséquences quasi inévitables... Mais là non plus, au regard de l'absolu, ce n'est pas un problème... De toute façon, la mort ou le déshonneur ne sont pas plus des problèmes. Il n'y a pas de problème, et si je vois un problème, c'est que je l'ai créé.
- S'il ne s'agissait de ne vivre que dans le moment présent, ou dans l'être pur, et jamais dans le devoir être, les animaux seraient nos maîtres ! Mais nous sommes des êtres pensants, et la pensée, par essence, nous propulse dans ce qui n'est pas - autrement dit, elle est créatrice. Je peux notamment faire des projets, qui me renvoient vers le futur...
  La dualité est une bénédiction, qui apparaît par nous, et qui nous est donnée pour nous permettre d'avancer... Les animaux sont immobiles...
  Comment dois-je gérer cette dualité ? Toujours la même réponse : la vivre pleinement. C'est ainsi qu'elle finira par disparaître. Cette dualité me décale légèrement et me permet d'avancer. Avancer dans la compréhension que rien n'a besoin d'avancer.
- Ce qui compte au fond, c'est la prise de conscience que le combat est plus important que la victoire, et qu'il n'a de sens et de valeur qu'en tant qu'il mène au non combat, à l'acceptation de ce qui est. Je suis habité à la fois par la pulsion de fumer, et par celle d'arrêter de fumer : je laisse ce combat agir en moi, en cessant de m'y identifier. C'est alors que la perpétuation du combat, ou son éventuelle issue, quelle qu'elle soit, perdent toute espèce d'importance : ce ne sont que quelques frémissements du grand océan de l'être, dont chaque vague, tour à tour, scintille dans la lumière.
  Je ne suis ni l'une, ni l'autre vague de l'océan. Ma vraie nature est plutôt l'eau dont il est formé. Fumer encore, tenter d'arrêter, ne plus fumer : peu importe la vague qui, ici ou là, apparaît. Gurdjieff, Saint-Bonnet, n'étaient-ils pas de grands fumeurs ? ...
Être en paix avec ses émotions
Joelle Maurel

- Lorsque nous écoutons notre ressenti émotionnel et que nous laissons couler l'énergie qui s'exprime à travers nous, nous faisons l'expérience de la compassion vis-à-vis de nous-mêmes, des autres et du monde et découvrons, dans l'acceptation de ce qui est, la source de notre force de vie... Malheureusement, nous apprenons à réprimer nos émotions et à ne plus écouter notre ressenti. Les émotions non exprimées provoquent un blocage énergétique dans le corps risquant d'avoir un impact important sur notre santé... Elles peuvent également exploser à force d'être contenues et s'exprimer sous forme de sentiments extrêmes (haine, rage, dépression, panique, anxiété...).
- Lorsque nous réprimons une partie de nous-mêmes elle est reléguée dans l'inconscient ; or tout ce qui est refoulé revient et se manifeste sous une forme ou une autre, créant des symptômes physiques, psychiques, ou des problèmes relationnels qui tentent d'exprimer les colères, les peurs, les désespoirs, l'amour et la joie ravalés.
- Comprendre l'importance d'une interaction entre raison et émotions pour se réunifier au niveau de l'être et cheminer vers une harmonie intérieure. Il ne s'agit plus de nier ses émotions, mais d'apprendre à les accepter, à écouter ce qu'elles nous enseignent et à lever les blocages énergétiques afin de retrouver notre élan vital et notre équilibre.
- Il s'agit d'apprendre à reconnaître nos ressentis lorsqu'ils surviennent, d'accepter de ne plus nous couper de nos sentiments, même s'ils sont gênants, mais de les accueillir, les regarder, et de les accompagner comme une mère accompagne son enfant dans son chagrin en l'autorisant à l'exprimer.
  Il s'agit de comprendre ce qui est survenu dans le passé : les traumatismes, les interdits et les croyances qui se sont inscrits au plus profond de nous-mêmes et de nous en libérer... Il nous faut visiter notre passé pour faire circuler la vie dans notre présent et transformer notre avenir.
- Juste avoir l'honnêteté de voir que ma pensée, ma demande, mon attente ne sont pas justes et qu'elles créent de la souffrance... Pourrais-je accepter les choses telles qu'elles sont, les voir telles qu'elles sont ? Voir simplement la chance que j'ai de pouvoir exister, d'avoir un compagnon à mes côtés ainsi qu'un enfant ? Juste voir que le soleil brille et que la vie est là, vibrante, accueillante et belle pour moi.
  Juste voir comment nous nous rendons malheureux nous-mêmes avec nos schémas de pensées, nos exigences, nos désirs, nos croyances et lâcher cela. Comprendre que je peux aussi, à chaque instant de ma vie créer des pensées plus positives qui transforment mes émotions et mes ressentis. Et cela peut se faire dans l'instant, dans la conscience de l'instant présent.
  Alors une certaine intelligence émotionnelle se dévoile, nos émotions ne sont plus nos ennemies mais la manifestation de la vie elle-même qui nous touche et nous invite à reconnecter notre authenticité première et notre immense joie d'être vivant , présent à la vie dans ce qu'elle a de meilleur.
- Il s'agit de ne plus nous identifier à nos émotions mais juste être présents à ce qui est... Nous laissons cette charge d'énergie couler en nous en sachant que nous ne sommes pas cette colère et en nous interrogeant sur notre besoin du moment qui est, sans aucun doute, de retrouver la paix intérieure. Il s'agit de s'ouvrir complètement à notre colère ou à notre chagrin ou à ce que nous ressentons dans l'instant, d'accepter complètement d'être touchés par l'émotion qui s'exprime et de la traverser sans jugement, sans désir de vouloir changer les choses, juste accepter ce que nous vivons, dans cet instant-là... Alors la cuirasse émotionnelle que nous nous étions construite commence à se briser, notre coeur saigne mais il s'ouvre à ce que nous sommes véritablemment dans la compassion et l'amour... alors nous expérimentons qu'au coeur même de l'émotion, il n'y a rien d'autre que l'énergie pure de la vie.

Et si nous déposions les armes
Hélène Naudy

- Tant que nous ne verrons pas que nous sommes identifiés à des idées, identifiés voulant dire que nous prenons ces idées pour réelles, véridiques, pour des constats, nos yeux, notre conscience seront englués, pris d'ignorance.
- Et si nous déposions les armes dans notre rapport à ces émotions jugées mauvaises ou négatives ? Et si nous allions à leur rencontre plutôt que de les combattre ou de les prendre pour nos ennemis ? Vous poser les questions : comment les considérons-nous... les jugeons-nous ? Quelles relations avons-nous avec nos émotions, là dans notre quotidien ? Les accompagnons-nous ou sommes-nous pris par elles, collés, identifiés ? Car c'est de la considération que nous leur portons que tour le reste résulte.
- Que signifie s'identifier ? En ce qui concerne les points de vue, cela signifie que l'on croît dur comme fer que le point de vue que l'on a n'est pas un point de vue mais une évidence, un constat. Par exemple : « la colère est une émotion négative dont on doit se défaire ». Les intégristes sont convaincus que leurs idées religieuses sont naturelles et évidentes à tel point que pour eux, ce ne sont pas des points de vue mais la vérité et même la seule. Nous sommes convaincus que nous devons approfondir la confiance en soi, notre pouvoir personnel, ceci afin d'atteindre une stabilité émotionnelle voire même afin d'être soi-même. Et vous, quelles sont vos idées concernant les attitudes, les comportements, les motivations de ceux qui vous entourent et de vous-même ?
  En ce qui concerne l'émotion, nous croyons que nous sommes l'émotion qui s'exprime. Nous disons d'ailleurs : je suis en colère, je suis triste, je suis dépressif, je suis joyeux, j'ai peur, je suis émerveillé. Nous allons considérer un individu pris de colère pour compulsif et susceptible. Nous allons louer celui toujours heureux et bienveillant. Nous allons qualifier nos connaissances, nos proches de stressés, d'émotifs, de dépressifs, d'agressifs, d'égoïstes, de boute-en-train... et à cela nous rajouterons des appréciations défavorables ou favorables. Nous allons penser qu'un éveillé n'exprime plus aucune émotion hormis la joie et qu'en lui ne vit ni tristesse, ni dépression, ni colère, ni affection... Et vous quels sont les jugements que vous avez sur les émotions, sur chaque émotion ?
  Maintenant en ce qui concerne l'image, cela signifie que nous allons inconsciemment nous fabriquer une personnalité jusqu'à être convaincu que nous sommes cette personnalité et nous tiendrons à cette image car nous penserons qu'elle nous donne de la valeur. Les images sont assez nombreuses : être révolté, être efficace, être riche, être savant, être combatif, être paisible bien sûr... car dans le milieu de la connaissance de soi et de la spiritualité, cette dernière image est assez répandue... Être paisible, maître de ses émotions... Parce que nous exprimons nos émotions, nous avons une image de nous fragile, nous nous considérons inconsistant, peu fiable. Nous sommes un être solitaire qui se débrouille seul en toutes circonstances. Ça peut faire des dégâts une colère non maîtrisée. Je peux faire du mal aux autres, je peux les faire souffrir... Et vous à quelles images vous identifiez-vous ?
- Être identifiés à nos émotions et laisser s'exprimer nos émotions tout en les accompagnant, tout en les ressentant sont bien deux attitudes différentes que nous pouvons observer, constater en nous-même.
  Dans la première, nous sommes en quelque sorte assujetti, esclave et inconscient de l'émotion qui s'exprime en nous-même, dans la seconde, nous sommes témoin bienveillant, nous reconnaissons et accompagnons l'émotion qui s'exprime, nous apprenons à voir dans quel événement passé (enfance, petite-enfance, adolescence) elle s'inscrit.
  Dans la première, nous aurons le désir de nous libérer de nos émotions, de guérir, nous aspirerons à la tranquillité (surtout s'il s'agit de la colère, de la tristesse, de la dépression, de la haine), dans la seconde, nous sommes installé dans le ressenti et qui dit ressenti dit écoute, abandon et discernement.
  La difficulté est de nous rendre compte à quel point nous sommes la plupart du temps inconscient (de l'inconscience) de ce qui se manifeste en nous et donc assujetti à notre inconscient. Pourquoi est-ce une difficulté ? Parce qu'il s'agit justement d'avoir conscience de notre inconscient, inconscient qui renferme des souvenirs que nous voulons justement oublier, que nous refusons de reconnaître parce qu'en lien avec une souffrance voire une détresse passée mais aussi parce qu'ayant été jugés par nos parents, le maître d'école, le voisin..., toutes personnes qui, à nos yeux d'enfant représentaient l'autorité et des référents, donc des modèles. Les termes : « ça va passer »,
« va marcher, ça te fera du bien », « avec l'âge, tu verras, tu sera plus paisible », « calme-toi voyons ! », témoignent de notre ignorance, dans le sens ici où nous sommes pris par l'idée que nous devrions être tranquille, tout au moins, différent de ce que nous manifestons, là, alors que, par exemple, la rancune arrive au galop.
  L'idée que nous devrions ne pas être identifié, l'idée qu'être non-identifié est plus évoluée qu'être identifié font aussi partie d'une forme d'ignorance, étant un point de vue provenant d'un jugement, lui-même résultant d'une identification, dans ce dernier cas, une identification à un mécanisme de comparaison, celui d'être plus ou moins évolué.
  Alors la difficulté sera de se rendre compte combien, lorsque nous nous observons et nous regardons, nous nous jugeons. Qui sont ces nous ? C'est le témoin en nous, mais un témoin jugeant.
- Regardons attentivement ce qui se passe en nous lorsqu'un état de colère se manifeste. Une fois la situation passée, alors que nous repensons à notre attitude, que faisons-nous la plupart du temps nous qui nous regardons (donc, nous témoin de nous-même), nous nous jugeons, nous parlant à nous-même : « Tu aurais dû prendre la chose avec plus de diplomatie », « Est-ce vraiment sérieux ? », « Je vais aller méditer pour faire le silence en moi et me vider de toute cette colère »... Nous ne sommes pas en conscience avec nous-même, nous ne regardons pas ce qui s'est manifesté, nous camouflons cet état de colère. Ce camouflage peut avoir plusieurs visages : nous nous dévalorisons, nous nous moquons de nous, nous nous justifions, nous nions... mais dans tous les cas, nous nous regardons en nous prenant de haut. Nous surimposons à l'émotion un autre mécanisme : nous jugeons, nous nous jugeons nous qui nous sommes mis en colère. Nous mettons un voile opaque par-dessus notre émotion, le voile étant un jugement qui, comme tous les jugement, a pour fonction de recouvrir l'émotion afin de ne pas être en contact avec elle, afin de ne pas la ressentir. « Moi, la colère, je l'élimine et prône la non-violence. »
- Oui, nous ne supportons pas nos émotions dites négatives. Nous en avons des idées et ces idées, nous n'en doutons pas une seconde. Ces idées ne sont pas des idées mais des certitudes, des vérités, des constats pour notre mental. Elles font partie du social, du culturel, du religieux, du spirituel, du familial. Nous vivons dans un monde où l'expression des émotions est considérée comme une faiblesse, comme un handicap. Étant identifié au social, au culturel, au religieux, au spirituel, au familial, en définitive ÉTANT IDENTIFIÉ AUX AUTRES, nous aurons donc, inévitablement, de fait, cela ne peut être autrement, des idées sur nos émotions. Ainsi, les jegements que nous paquons sur nos émotions, la présence de ces jugements sotn la conséquence de l'identification au milieu dans lequel nous avons grandi : nous prenons pour vrais des points de vue générés par la société, la famille, la religion, par les Autres.... L'IDENTIFICATION CRÉE L'IGNORANCE. Tous ces jugements sont signe que nous sommes assujetti, dépendant inconsciemment de points de vue.
  Enfin, pourquoi les considérons-nous comme négatives ?... ce sont nos jugements qui sont à l'origine de cette appréciation. Lorsque nous ressentons une émotion, il n'y a que vibrations. Et si ces vibrations nous semblent négatives c'est qu'avant tout elles nous incommodent, nous dérangent, dérangent notre confort, notre bonheur superficiel, notre sommeil enténéblé d'ignorance.
- Pères, mères, oncles en ont profités, lâchement, que j'étais relativement vierge de tout, pour me faire avaler, ingurgiter leurs morales, leurs doctrines, enfin celles qui les arrangeaient bien sûr.
  Parce qu'après, figure-toi, j'en ai découvert plein d'autres, des théories, des dogmes, des doctrines, des lois et celles-ci étaient, tiens-toi bien, divines ! ... Le summum non ?... Mais les divines venaient aussi des autres, de ceux qui sont plus évolués, plus inspirés, plus haut, plus loin... elles ne font que renforcer ou peaufiner celles de la matrice primordiale. Des autres qui te refilent encore plein de nouveaux concepts sur le chemin à parcourir où il faut faire table rase des émotions ou du moins de leurs expressions... Et tu cherches tout ce qui va dans le sens de la perfection, de la pureté, de la sainteté, tout ce qui va enfin pouvoir te libérer de ta condition humaine avec ce qui va avec... Transcendé, je serai. Alors je découvrirai un endroit merveilleux où les autres ne seront plus un problème parce que je serai au-dessus d'eux.
   Ah ! L'espoir ! ... sortir de ma condition humaine, atteindre le nirvana, sorte de « Disneyland ». monde merveilleux où les pensées n'ont plus cours et où je pourrai être enfin ce que je suis c'est-à-dire formidable, brillant, plein de lumière. Sans rien qui puisse venir ternir ma vision idyllique. L'égal des dieux.
  En attendant, je ne baise plus car il faut garder son énergie sexuelle pour le chemin... Je médite, tout m'agresse quand je sors dans la rue. Le bruit, les autres, tous les autres. Aucune colère ne sera exprimée ni d'autres formes de faiblesses, bien sûr.
  Pourtant, je commence à douter. Oh ! Léger. Ce qui m'a dirigé, soutenu pendant toutes ces années, je ne peux le larguer comme ça, pas vrai ? Pourtant je commence à être fatigué de tous ces autres qui me disent que c'est là, que je suis sur le chemin, le vrai de vrai avec encore de l'abstinence et de la rigueur.  
  Une fatigue me prend. Une lassitude.
  Et moi qu'est-ce que j'en pense ?

- Alors, cela est assez simple, tant que nous sommes identifiés à des idées, identifiés voulant dire que nous prenons ces idées pour réelles, véridiques, pour des constats, NOS YEUX, NOTRE CONSCIENCE SERONT ENGLUÉS, PRIS D'IGNORANCE. Nous ne verrons pas le réel, nous ne serons pas en contact avec le réel, mais en contact avec ces idées. Et nous aurons beau méditer, faire du taiji, quan ou du yoga, ou je ne sais quelles autres techniques énergétiques, méditations, acupuncture, chamanisme, psychologie comportementale... aucune d'entre elles nous aidera à nous rendre compte que nous sommes identifié, que nous sommes esclave (esclave parce qu'inconscient) des pensées ou points de vue limitants que nous avons fait nôtre.

L'émotion initiale
David Ciussi

- L'émotion intitiale jaillit, console, apaise et passe de vie en vie dans un paradis en chantier...
- Éprouvez-vous une immense solitude avec le sentiment d'une souffrance à vivre qui vous colle comme une poisse trop épaisse ! Eh bien rassurez-vous, vous êtes un être humain normal et bien terrestre... car ces sensations, ces émotions et ces sentiments sont les fruits du geste créateur qui passe de vie en vie. Vous êtes au paradis en chantier...
- Se connaître, c'est accepter de ne pas réagir par réflexe, face aux provocations de la vie, en apprenant l'humilité pédagogique dans un processus de transformation. C'est être au milieu de nos émotions en les aimant, car elles sont des instincts conscientisés qui nous protègent et nous rendent vivants.

L'émotion dans la tradition indienne
Éric Baret

- Brûler l'émotion de toute la force de son amour.
- Abhinavagupta décrit les émotions, de la colère à l'émerveillement, comme autant de voies pour appréhender le divin... elles doivent leur vie à l'énergie divine... La vie n'est qu'émotion : la démarche est la voie de l'émotion... Toute perception non refusée, non associée à une restriction, non psychologique, non intellectuelle, non appropriée par le besoin de sécurité, pointe vers sa dissolution : présence tranquille.
- L'émotion est psychologiquement neutre et tactilement infinie. Chez celui qui ne lie pas l'émotion à sa cause apparente, quand la joie, la peur, la tristesse ou la rancoeur sont accueillies dans une corporalité à l'écoute de la vie, cette émotion, dans sa dilatation extrême, va se consumer pour se résorber dans une présence non objective. Dans un accueil réceptif, laisser se déployer l'immense palette sensorielle est alchimie. Bien plus qu'une détente psychologique, elle est la révélation de la joie même.
- Le conflit est la porte. L'émotion qui m'habite n'a pas besoin d'être justifiée, prouvée, formulée : elle a besoin d'être sentie. Pour qu'elle puisse se dévoiler, se libérer de sa cause apparente et s'exprimer dans toute sa résonnance, le corps doit devenir toute écoute. Sans justifier, expliquer ni commenter, cette intimité va recevoir l'effervescence de l'émotion sans le moindre dynamisme de vouloir arrêter la peine, la tristesse ou la peur. Libre de concepts, le ressenti ne va plus être vécu selon la vie psychologique, mais comme l'expérience tactile. La richesse extrême de ce dévoilement sera simultanément ressentie comme absolue neutralité, froideur sans affectivité et en même temps chaleur d'un feu d'artifice sensoriel sans limite. Plus on est libre de l'imaginaire, plus la capacité d'acceuil sans restriction est présente.
  La moindre appropriation réductrice - « je suis triste »,
« je suis en colère » -, figera l'émotion dans son ronronnement le plus répétitif : ne viendra que ce qui est acceptable dans la limite de notre vie misérable. Plus la capacité de vivre une émotion sans psychologie se développe, plus l'émerveillement de la vie sous toutes ses formes se fait jour. La beauté, l'admiration, l'étonnement deviennent cet arrière-fond permanent dans lequel se déploie l'impensable jeu de la vie. Dans cette disponibilité, inacceptable pour la personne enfermée dans sa peur de disparition, l'intensité de la perception brûle toute possibilité de conceptualisation. La perception pure, sans pensée, d'instant en instant, va devenir le coeur et l'axe de la vie.
  L'expérience de joie dissout le sens de la séparation... Mort de toute affectivité, romantisme ou savoir, ce fond profond disponible en toutes circonstances va se révéler comme le coeur de la tradition.
  Ici, point n'est besoin de pratiques, d'évolutions spirituelles ou autres méditations, concentrations ou stratégies. La non-violence et l'écoute sans jugement des perceptions, émotions et tendances sont une constate fondamentale... La dissolution de l'objet perçu, du sujet percevant et de la perception est lâcher-prise de l'intentionnalité.
  « Les émotions se calment à travers l'indifférence spontanée envers les objets qui apparaissent alors sans goût. Au contraire, aussi longtemps qu'elles sont réprimées avec force, les réactions créent d'autres réactions. » Abhinavagupta
- L'émotion, cette contemplation intérieure, énergie sans limite ou fleur magique, ne se laisse en fait pas décrire par des mots.
- Le plaisir et la souffrance se transmuent en un courant de joie. L'expérience esthétique, libre des limitations de l'égo est l'écho de l'extase inhérente à la conscience.

Nous ne sommes rien, infiniment rien, et c'est une très bonne nouvelle.
Pierre Yves
- L'expression duelle, notamment dans le champ spirituel : bonne action / péché, Dieu / Diable, Religieux / profane... fausse gravement les possibilités d'épanouissement en engendrant la culpabilité et tout le fourbi qui va avec, c'est un véritable poison. Nous sommes comme le poisson dans une eau polluée, la dernière chose dont on prend conscience : c'est l'eau...
  Cette vision duelle de la vie n'est qu'une croyance comme une autre, ici socialement correcte, mais ce n'est surtout pas une vérité intangible qu'il conviendrait d'ériger en loi.
  Même une catastrophe est porteuse d'un cadeau qui ne se révèle pas forcément sur le moment mais souvent bien longtemps après.
- À un moment donné une évidence apparaît : rien n'est bien, rien n'est mal et on constate, ne nous en déplaise, qu'une médaille a toujours deux faces.
  La vie n'est pas une cloison étanche avec d'un côté, le bien, d'un autre le mal, rien n'est séparé.
- La tendance de la pensée est de vouloir tout savoir et pour cela de nommer et en nommant elle enferme.
  Des croyances, grilles de lectures, nous en somme perclus dans tous les domaines y compris dans celui du 'travail sur soi' ou là comme ailleurs le ressenti va être calibré en pseudo explications rationnelles. Le ressenti est une chose et l'intellect en est une autre. Ce n'est pas le même tuyau...
  Dès que l'on verbalise ou que l'on écrit, qu'on le veille ou non, même avec d'infinies précautions, on va "geler" les choses.
  Mais c'est pourtant ainsi, et c'est égal, sans doute que pour nous comprendre au-delà des mots on a besoin de cet emballage que sont les mots. Un peu comme pour comprendre que nous ne sommes pas ce que nous croyons être : un individu... On nettoie les vitres pour mieux voir le ciel bleu et l'on oublie les vitres... On "gratte" cet individu que nous croyions être pour nous appercevoir que cet individu n'existe pas. Nous ne sommes pas à un paradoxe près...
  Le paradaxe est le langage de la vie. Tout comme dans les rêves, les choses ne sont pas forcément ce qu'elles paraissent être.
- Un rêve n'a pas un déroulement prévisible et volontaire de notre part. Il se passe en nous et évolue avec sa propre cohérence. De même la vie est ce qu'elle est, un point c'est tout, elle n'a ni à vous plaire, ni à se conformer à notre volonté, juste à se dérouler.
  Est-ce que les personnages d'un rêve savent où mène ce rêve, même le rêveur ne le sait pas alors...
  Parfois nous pouvons aussi tout en étant en train de rêver devenir conscient que l'on est en train de rêver... Alors là, ça défie encore plus l'entendement...
- Si l'individu s'estompe toute illusion volontariste, « Je construis mon destin » s'estompe également. Qui, dès lors, est censé mener la barque si ce n'est pas la vie elle-même ?
  Dans ce cas le "destin" consiste à s'en remettre à la Vie,
à Dieu, à l'énergie cosmique (peu importent les mots...), c'est loin d'être passif ou statique et en tout cas certainement pas plus que dans le conditionnment précédent.
  Tu es 'moteur', dynamique, actif tout autant que dans la version où tu étais censé être l'individu. Simplement, lorsque tu agis tu n'as plus la prétention de croire que c'est "toi" qui est aux commandes. Tu laisses la vie suivre son cours "à travers toi", mais tu n'es pas un légume pour autant, bien au contraire. Paradoxalement, l'efficiacité est accrue car comme il n'y a plus d'enjeux ego-centré, cela libère de l'énergie.
  Une confiance en la vie est là, mais je renâcle quand même face aux coups du sort. Avant on croit qu'on y peut quelque chose puis avec la compréhension, on se contente de s'en remettre à la vie. Confiance est le maître mot, mais ce n'est pas pour autant facile ni évident.
  Une sorte de légèreté s'établit. Je traduis cela par retrouver son âme d'enfant : ce côté ludique, joueur, spontané, accueillant l'imprévu, acceptant les situations et les personnes telles qu'elles se présentent. L'ouverture à l'accueil du présent, comme savent le faire les petits enfants ou les animaux. On ressent cela, cet arrière plan qui lie tout, qui relie tout : la nature, les animaux et cet étrange animal qu'est l'humain.
  Nous, animaux sociaux, il est bien sûr inévitable que nous soyons "enculturés", autrement on resterait un petit animal, et l'humanité ne pourrait exister, mais selon le terrain où on atterrit, on y laisse inévitablement quelques plumes.
  En gros tu te mets, malgré ton "toi" foncièrement raisonnable, et qui garde sa faculté de discernement, a fonctionner comme les enfants. Tu n'es ni gaga, ni trop candide pour autant, mais simple, bien plus simple. Regarde le beau message que nous délivre le sourire d'un petit : tout est là. Comme l'arbre est potentiellement dans la graine, toute la tranquille joie d'exister vibre dans le sourire d'un enfant. Les enfants sentent spontanément que la vie est un présent. Pour eux, l'accueil de la vie est la moindre des choses, quoi de plus naturel ? Qu'ont-ils de si différent de nous ? Eh bien justement : ils sentent, alors que nous nous savons ou plutôt nous croyons savoir...

- Personne ne peut jamais être illuminé... ça brille de partout, manque plus que les guirlandes... Il n'existe rien de tel. La simplicité de notre âme d'enfant ne brille d'aucun feu.
  L'ego a envie d'acquérir pour sa jouissance personnelle ce "truc" qu'il pense extraordinaire. Va vouloir ça, comme d'autres courent après les biens matériels, les bijoux... faut surtout pas croire que c'est plus noble...
  La représentation que se fait l'ego de l'illumination, l'éveil... où peu importe, le mot est un piège que se referme sur lui-même et crée la confusion.   L'ego attend une sorte de feu d'artifice, que ce soit flatteur, somptueux, il veut que ça pète, quand il aura ça, ce ne sera plus comme avant, il va irradier je ne sais quoi...  
  L'ego va vers avec force "outils", "rituels", rencontres avec des "maîtres éveillés" and so one...
  Tout cela est justement ce qui éloigne de cet Extra-ordinaire banalité ! C'est comme la silence, "dès qu'on le nomme il n'existe plus..."
- S'il y avait des chemins meilleurs que d'autres, cela voudrait dire qu'il y en aurait de moins bons, et ipso facto nous voilà dans la dualité. Bien, pas bien... Certains "on-dit" véhiculent qu'il est bon de méditer, et dès lors qu'on médite il convient de méditer plutôt comme ci, ou alors comme ça... On évoque aussi le fait incontournable qu'il faille un gourou, un maître ou celui de réciter un mantra, de s'adonner à la prière, etc. Si ça te parle, si ça t'attire, c'est que c'est bien pour toi en ce moment, sinon ça ne serait pas, alors fais-le pour toi. Tout est bien dès lors que tu ne l'ériges pas en dogme incontournable. Souvent on devient prosélyte pour se rassurer.
  Pour certains, le chemin de la spiritualité peut même passer par la case prison, je pense à Nelson Mendola par exemple, et je ne le vois pas enseigner à qui demanderait son conseil : « Mon chemin vers la sérénité, c'est vingt ans de prison minimum... »
- Les gens ne sont pas forcément intéressé s'il n'y a rien à faire de spécial, rien à apprendre de particulier. Juste être, apprécier le fait d'exister et prendre conscience de son ressenti, c'est pas très exaltant, n'est-ce-pas ?
  Les gens sont conditionnés à croire que tout est compliqué, qu'il faut parvenir à être enfin un jour "Nickel-Chrome", épuré de nos soi-disant défauts ou péchés selon le cas. Le fait de savoir qu'on est déjà impeccable en l'état, c'est trop simple, ça fait pas sérieux.
  Qui ne connaît, autour de lui, des "shootés" du "mieux être" toujours à l'affut de la "nouveauté". Des ambitieux de l'épanouissement  ; "plus épanoui que moi tu meurs...", courant après le dernier stage en vogue, le dernier sage à la mode. Arborant l'air entendu des gens détachés des contingences de ce "bas monde". Jamais vraiment satisfaits car un "produit" en chasse un autre. Pas plus dans ce domaine que dans les autres il ne se sentent "à jour".
  C'est dans ce public que les sectes de tous poils trouvent leurs recrues et font fructifier leur fond de commerce : « Payez, soumettez-vous, et nous nous occuperons de votre salut ! ... »

  Aucune quête du bonheur... n'est assimilable à une marchandise, et ne nécessite qu'un tiers nous pompe inconsidérément nos finances, ni ne nous "engouroutise"... Bien au contraire, c'est un travail de responsabilisation individuelle.. et non une subbordination passive et servile à quelqu'un qui serait sensé être "plus" ou "mieux" que nous... C'est simplement : "payer de sa personne" dont il s'agit... C'est-à-dire faire l'effort de revoir nos "certitudes", nos idées toutes faites et accepter de se mettre un tant soit peu en question...
- C'est la vie qui te propose ce dont tu as besoin. Tu crois qu'il te faut une méthode, et le hasard de la vie va t'attirer vers tel ou tel enseignement, telle ou telle rencontre. Pour toi, ce sera le bon chemin, chaque chemin est le bon.
  Ce qu'on peut faire, si on nous sollicite, c'est juste témoigner de notre expérience, ce qui peut éventuellement "parler" à l'autre.
  Les expériences où l'on connecte, où on "réalise" sont multiples mais on ne fait pas forcément le lien : l'amour, le sourire d'un enfant, le spectacle de la nature, un bon repas, le partage avec des amis, l'art, la musique, plein de moments sont magiques et nous mettent en présence de notre "vraie nature".
  Pour certains, c'est une sorte de flash, pour d'autres, cela se fait pas à pas tranquillement, pour d'autres enfin cela ne se réalise jamais.
- La suite de cette histoire sera ce qu'elle a lieu d'être... cela ne m'appartient pas... "Que sera sera...". Tu connais la chanson ?
- Faites confiance à la vie... La vie nous dépasse tellement, ne cherchez pas à la mettre en équation mathématique. Retrouvez votre âme d'enfant tout en gardant votre « conscience » de "grand". Dans cette ouverture, cette spontanéité, cette présence à l'instant, cette joie de vivre : la vie est belle.
  Contrairement à ce que nous sommes habitués à penser, nous n'avons pas grand choix, soit nous faisons confiance à la Vie, soit nous restons bien crispé en croyant que nous maîtrisons la situation.
- "Chaque jour est un Bon jour", c'est simple comme bonjour cet adage et je crois bien que tout y est résumé... Bon Jour donc et Bonne route !!!
 
Autres pensées ou extraits
Le vol de l'aigle
Krisnmurti
- L'homme peut-il changer ?
Le problème est de savoir si l'esprit, le cerveau et le coeur sont capables de vivre comme pour la première fois, dans la fraîcheur et l'innocence, s
ans avoir subi de contamination, sachant ce que cela signifie que de vivre heureux, dans l'extase et dans un profond amour...
Pour cela il nous faut découvrir s'il est possible de voir, non seulement visuellement, intellectuellement ou émotionnellement... S'il est possible d'observer de très près sans qu'il y ait aucune déformation ? Qu'est-ce que voir ? Il n'est pas évident de s'appercevoir que nous regardons à travers des images et des concepts... Se rendre compte que lorsque nous observons, l'observateur, c'est-à-dire nous qui regardons pour nous connaître, se figure être autre chose que la chose observée... L'observateur est toujours en train de lutter, il est dans un état de conflit... La façon dualiste de nous observer est devenue pour nous une habitude, un conditionnement. Avec un minimum d'honnêteté, il est pourtant possible de voir que c'est une réaction de la mémoire, de l'expérience, du savoir ; du cerveau siège de la mémoire. Nous arrivons là à un seuil, soit la découverte que l'observateur est la chose observée.
Par exemple, quand la pensée se rend compte qu'elle ne peut absolument rien pour la peur parce que c'est elle qui l'a créée, alors il y a silence : il y a la négation complète de tout mouvement qui puisse engendrer la peur. Cette vision pénétrante est l'action juste, complète et libératrice. C'est lorsque nous regardons avec cette énergie si totale et complète que la vision ne fait qu'un avec l'action, mettant ainsi fin au problème.