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Textes d'auteurs (2008)
L'homme : une machine ?
3e Millénaire, Automne 2008, No 89

NB: De courts extraits d'articles de la revue, parfois légèrement adaptés.
La seule liberté : l'instant présent
Marina Borrusa
- Vous pouvez expérimenter une dimension dans laquelle vous ne seriez pas déterminé, dans laquelle vous auriez le choix. Pour cela, il suffit de ne plus être identifié avec la voix qui parle dans la tête, avec le courant de vos pensées.
- Le corps est la porte vers le présent. C'est le corps intérieur qui nous permet de pénétrer dans notre vrai nature. Lorsque vous dirigez votre attention dans votre corps, vous êtes dans le moment présent. Et là, vous vous rencontrez vous-même.
- .. vous pouvez au début suivre votre respiration.. Et être très attentif. Comme si vous faisiez quelque chose de très important. Il s'agit d'une attention qui ne fait que regarder. Seulement regarder, en ne voulant rien. Vous pouvez noter dans votre corps une chaleur, quelque chose qui vous dit que votre corps est vivant. Un picotement, une légère vibration...
- Vous pouvez aussi noter une activité mentale.. Mais ne la suivez pas. Ne l'achetez pas. Laissez les choses se faire.. vous n'essayez pas d'arrêter votre activité mentale. Vous orientez simplement votre attention vers quelque chose d'autre. Vous la déplacez du mental vers le corps.
- Dire oui, lâcher prise. Vous notez qu'il y a plus de concentration que d'attention. Très bien. Pouvez-vous accepter cela ? Pouvez-vous admettre que c'est la façon dont ça se passe, maintenant ? .. Dire oui, lâcher prise, est la sagesse de reconnaître que les choses, en ce moment, sont ce qu'elles sont. Et vous laissez alors les choses être ce qu'elles sont, vous n'enterférez pas. .. Pouvez-vous continuer à faire ce que vous faites, et dire oui à cela ? Le sens de l'aventure, une personne qui entreprend un voyage en elle-même.. Dire simplement oui, puis restez et regardez ce qui est.
- Dire non, c'est comme nager à contre-courant, dans la direction opposée au courant de la rivière. Contre le courant de la vie. Et il en résulte beaucoup de tensions. Dire non, c'est vivre contre la vie.
- Quand tout en vous dit non, la clef est d'autoriser le non. Ayez l'expérience du non, de son énergie. Sentez le corps, physiquement. Quand vous dites non, il y a une tension en vous. Entrez dedans grâce au corps. Regardez-là. N'essayez pas de changer quoi que ce soit.
- Restez-là où vous êtes. Enracinez vos pieds dans ce qu'il y a. Quelle que soit la situation, restez avec vous-même, restez jusqu'à ce que ce soit totalement fini.
- Si quelque chose en vous din non, très bien. Expérimentez le non. En d'autres termes : c'est ce qui est. Et c'est parfait. C'est le moment pour vous d'avoir cette expérience. De la vivre. Si vous dites non au non, si vous vous combattez vous-même, vous n'avez pas l'expérience de ce qui est. .. Simplement, regardez, et restez tranquille. Alors, vous serez dans le Présent, avec ce que le Présent vous offre. En disant oui et en expérimentant ce qui est, vous revenez au moment présent, à la Conscience. Vous êtes vivant..
- Quand quelque chose arrive, ne faites pas un pas de côté, ne vous éloignez pas, ne faites rien contre. Demeurez là où vous êtes. Restez avec ce qui vous arrive. Restez et regardez. Joue contre joue avec vous-même. Mais vous ne pouvez pas faire cela avec la tête, vous avez à le faire au travers du corps.
- Dire oui, ce n'est pas devenir une victime, un perdant, et ce n'est pas s'arrêter d'agir.. Cela ne signifie pas non plus que vous devez aimer ce qui vous arrive.. Et la façon dont vous agirez sera très différente de celle qui aurait existé si vous dites non.
- « Chaque fois que vous acceptez ce qui est, quelque chose de plus profond émerge au-delà de cette acceptation. Vous pouvez être coincé dans le dilemme le plus terrible, extérieur ou intérieur, dans des situations ou des sentiments de véritable souffrance, dès le moment où vous acceptez ce qui est, vous alles au-delà, vous transcendez tout cela. Les sentiments, les émotions, la souffrance peuvent encore être là, mais vous vous trouvez soudainement en un lieu plus profond, où ces choses ne sont pas vraiment importantes.
   Quand le vent souffle, vous pouvez voir des vagues petites, ou grandes, à la surface de l'eau, mais tout est tranquille au fond. Dire oui, c'est aller au fond de vous-même, là où tout est calme, tranquille. Vous pouvez entendre les vagues, les émotions, le tumulte à la surface, mais ils ne vous posent plus de problème, vous êtes en paix. Et chaque action que vous ferez amènera cette paix au monde. Vous êtes alors libre, rien ne peut vous entraîner. »
Personnalité et Essence
José Reyes
- Nous devons vraiment avoir le contact avec notre corps, de toutes les façons possibles. Le corps possède sa mémoire propre, sa propre façon d'être en relation avec les autres, il a sa vie propre.
- Nous vivons comme de pauvres gens, alors que nous avons le potentiel d'être de vrais humains, mais nous avons peur de l'inconnu.
- Ce n'est pas les conditions extérieures que nous devons changer, mais notre façon de percevoir la réalité, la vie.
- Les émotions, les traumas de notre enfance, les noeuds, n'existent que dans notre soi inférieur.. Ce n'est que là qu'ils peuvent se manifester. Si nous passons dans un état de conscience plus élevé, ils ne peuvent agir car l'attention n'est pas disponible pour eux. L'attention est comme l'eau qui peut permettre à ces comportements conditionnés de grandir et d'avoir des racines très profondes dans notre psyché. Si vous ôtez l'eau, qui est votre attention, et la versez ailleurs, ces traumas vont commencer à mourir, à perdre leur pouvoir.
- Votre attention se porte vers le corps, et vous allez de plus en plus profondément dans la relaxation corporelle. Et, en laissant la détente se faire corporellement, musculairement, vos émotions aussi commencent à se détendre.
- L'énergie de l'attention est liée à l'énergie de la sensitivité. Une sensibilité libre offre la possibilité d'une plus grande qualité d'attention... Nous avons besoin de développer une attention libre, et celle-ci doit être dirigée. Je dirige mon attention vers mon corps.. ma respiration. Je conserve mon attention sur la respiration, et cette respiration a une qualité de présence différente. Dès que mon attention est libre des associations de pensées, des processus mentaux qui se font tout seuls, la qualité de ma présence se modifie. Je deviens plus moi-même. Je suis plus conscient de moi-même. .. Si je ne fais rien, pas de travail d'observation, pas de méditation, pas de mouvements, alors rien n'est possible.
- Vous devez être attentif à l'endroit où se trouve votre attention, car celle-ci voyage au cours de la journée.. nous pouvons la diriger intentionnellement. Ma main gauche suffit : je dirige mon attention vers ma main gauche, et même en vous parlant, on en analysant telle ou telle chose, une partie de mon attention est posée sur la main gauche. Cela me place dans un état différent. Si cela s'en va, ce qui arrive à coup sûr, je continue à parler mais en fait je dors. Je ne suis plus là. Mon attention est piégée dans le processus qui se déroule, quel qu'il soit. Mais quand je dirige mon attention, je ne suis plus piégé. L'observateur est là, car j'ajoute la sensation, et la libre attention. Donc, chaque fois que votre attention est libre, vous expérimentez un état différent de celui où votre attention est piégée. Vous commencez de cette façon à apprendre.. d'être capable de voir votre vie d'une perspective plus ouverte. Vous voyez les moments où, au lieu d'être identifié au moment, vous conscience est plus étendue, plus large. Vous voyez que votre vie commence à prendre du sens. Dans la façon dont votre attention est piégée dans la mécanicité, la vie n'a aucun sens. Vous n'êtes qu'une machine réactive.
- La première étape est de réaliser que l'attention est piégée. Où suis-je ? Vous étiez dans les pensées, ou dans l'émotion. Le moment où vous vous demandez : où suis-je, commence le changement. Maintenant j'oriente mon attention vers la main gauche. Oui, c'est avec la tête. Mais maintenant je suis en contact avec la sensation. La pensée et la sensation travaillent ensemble.. Je ne suis pas en train de penser à ce qui se passe, simplement je garde mon attention sur la main. Puis l'émotion arrive, elle commence à participer au processus. Je commence à me rappeler de moi-même. Ce rappel de soi a de nombreuses couches, c'est comme un oignon. Vous commencez par la couche la plus superficielle de là où je suis, puis vous dites maintenant je vais dans la main, ou dans la respiration, dans les yeux... Vous regardez ce que vous voyez, et vous avez une perspective, vous êtes conscient de voir les choses, dans une coloration différente, vous êtes conscient de leur profondeur. De même avec l'écoute, le goût. Toutes vos facultés viennent dans le moment présent. Vous avez alors le goût de ce rappel de soi, qui peut être très profond, et vous amener jusqu'à Dieu.
L'intimité du vivant
Yolande
- Pendant 40 ans, comme tout le monde, je me suis prise pour mes pensées, pour mon corps ; je me prenais pour une personne. Et puis il y a eu ce basculement. En un instant, spontanément, ce silence dans ma tête. Plus de pensées ; le silence, une stupeur, un étonnement profond qui ne laissait place à rien d'autre.
  Alors je me suis mise à observer. Mon fonctionnement avait changé. Il y avait "cette chose", ce silence... et tout le reste. Le reste, ce que j'appelle le je suis, c'est-à-dire le contenu de l'instant : j'ai vu que tout apparaissait dans cette chose, d'instant en instant. Que tout y disparaissait.
- Il y avait une légèreté, un bien-être. Je me sentais en phase avec moi-même, en phase comme je ne l'avais jamais été. Les choses se présentaient, les situations, les événements, même ceux qui auparavant m'auraient dérangée... je ne trouvais rien à y redire. Je ne réagissais plus, en fait. Et lorsque, deux mois plus tard, mon fils est mort dans un accident... même chose. Ce silence, cette tranquillité m'empêchait de réagir, m'empêchait d'être une mère détruite par la mort de son fils. J'ai vu que la souffrance n'existait pas.
- Ce n'est pas la situation qui fait souffrir. Pour moi, il y a le silence. La situation ne fait pas souffrir quand le silence, quand cette chose est là.
- Cette chose.. En elle apparaît la vision, la clarté qui voit ce qui apparaît. En fait, c'est simultané : à l'avant-plan il y a cette chose et ... le reste, tout ce qui apparaît, toute l'existence, au second plan.
  Cette chose est l'espace qui est avant toute chose, toute pensée, tout événement. On ne peut pas la comprendre ; c'est elle qui comprend tout, qui englobe tout. Cette chose - appelons-la Silence, Présence, Puissance, Amour ou Ultime Réalité, de toute façon aucun mot ne peut en rendre compte - cette chose, on peut seulement la vivre. Au début, je croyais qu'elle était au fond de moi. Maintenant je vois qu'elle est partout. Elle est tout. Il n'y a rien d'autre, rien qui ne soit elle. Il n'y a plus à s'inquiéter, à s'accrocher à rien.
- Yolande apparaît toujours, mais dans le second plan, comme le reste. Elle existe sans exister. Elle n'existe plus mais elle est là. Elle n'a plus de pouvoir. C'est ce silence, cette puissance qui a pris le pouvoir sur tout.
   Bien sûr des pensées, des émotions peuvent surgir. Mais cette puissance les balaye instantanément, elle les tasse au second plan. Donc tu n'as aucune possibilité de t'identifier à elles.. Et cette chose est si puissante que tu ne peux revenir en arrière, te ne peux revenir à ton ancien mode de fonctionnement, t'identifier à tout ce que tu n'es pas.
   ..impossible de faire des projets.. Autrefois, si j'avais voulu arrêter de penser je n'aurais pas pu, aujourd'hui, si je veux penser, eh bien je ne peux pas.
- La peur, la tristesse, c'est comme le reste ; un mouvement qui passe en toi et qui repart. S'il n'y a personne pour se l'approprier, il n'y a pas de peur, pas de tristesse. Il n'y a pas de réaction.
- Quand la croyance en l'idée d'être une personne tombe - et cela se fait en un instant, pas besoin de vingt ans de pratique pour ça - il n'y a plus que ce silence, cette intensité, alors tu te laisses faire. Il y a ce point de vue neuf qui est toujours là, ce vide plein, ce silence tantôt très intense et tantôt doux mais toujours présent. C'est une sensation, comme un toucher, une présence qui ne te lâche pas, même au milieu de l'action, de la concentration. Ce toucher omniprésent qui t'englobe, qui englobe tout le contenu de l'instant, t'empêche de t'identifier à la pensée, à l'émotion qui surgit. C'est lui qui te donne le sentiment profond que la personne n'est pas. Et c'est lui, c'est cette sensation qui devient vision, action... parce que cette spontanéité, cette sensation constante ne te permet pas d'être dans la tête. C'est la sensation qui voit, directement. Et la vision, c'est l'action.
- Quand tu es dans la fluidité, il y a action, sans filtre, sans pensée. Tu vois, tu sens ; l'action, le geste, la parole se présentent spontanément, sans que tu aies eu à les penser.
  Tu vois que les choses se font toutes seules, sans besoin de les penser... La vie n'a pas besoin d'être pensée. Juste besoin d'être vue. Le reste se fait tout seul.
- C'est la non-relation qui permet la relation. La non-relation avec la personne que tu croyais être. La non-séparation.
- Ce que je sens surtout.. c'est mon corps, les sensations de mon corps se sont amplifiées à l'infini.
- Tu es là, tu sens, tu te laisses traverser par ce qui se passe, par un mouvement que tu sens dans ton corps, fusionné avec tout le reste. Mais tu n'interviens pas, tu n'as pas de réaction, d'opinion, de commentaire... Tu ne cherches pas à comprendre pourquoi, comment, ni s'il y a quelque chose à résoudre et comment. Tu sens, point.
- Quand quelqu'un se confie à toi, te demande conseil... Tu ne fais qu'être écoute. Il n'y a pas de mouvement de Yolande qui pense ceci ou cela. ..si un geste vient, il vient du silence. C'est lui qui sait. C'est lui qui fait.
- ..pour vivre ce silence... être ce que l'on est dans l'instant, le vivre pleinement, simplement... et laisser la spontanéité faire ce qu'elle a à faire. C'est quelque chose qu'on ne peut pas comprendre, pas apprendre, ni vouloir, ni savoir. Alors : se laisser faire - quoi d'autre ?
- Il y a des tas de moments dans la vie où l'idée de la personne disparaît, où il n'y a plus cette chose qui voit. Les moments de joie, d'étonnement, d'émerveillement devant un paysage ou une belle musique. Les chocs aussi, une peur violente... Mais le plus souvent on ne les remarque pas, parce qu'aussitôt après la pensée se les approprie... Rester là, plutôt. Avant la pensée, sentir. Rester simplement avec cette sensation, sans vouloir comprendre ni résoudre rien. Avoir toute son attention portée sur cette sensation, et l'accepter surtout, l'accepter silencieusement, pas mentalement. Vraiment l'accepter totalement, en étant... simplement.
  Beaucoup de gens croient qu'il faut qu'il y ait une lumière, une grande lumière, des choses extraordinaires... Et si simplement c'était ça ? ... Quand le silence est là : rester avec ce silence, cette tranquillité, découvrir au fur et à mesure ce que ça te procure comme légèreté de voir que tout est là, OK, mais c'est au second plan - pas besoin d'en faire un monde. Et quand c'est l'inconfort : rester avec cet inconfort, totalement, se laisser engloutir par lui, se laisser mourir - une mort psychologique - pour pouvoir laisser place au silence, le laisser prendre le dessus une bonne fois pour toutes...
  Rester là, avec cette sensation de l'instant, cette intimité... Rien que d'être là, tu n'est déjà plus là. Parce que tu sens tout le contenu de l'instant présent, sans interférer. Donc tu n'as plus l'idée d'être une personne : tu n'es que sensation. Tu sens cette conscience, peut-être encore un petit peu individuelle, que "ton" corps est inconfortable avec cette tristesse, ce malaise où tu es : déjà un cadeau, parce que tu te rends compte que l'instant, l'intensité, la vérité n'est pas dans la tête... C'est merveilleux de pouvoir sentir ça, déjà ! Déjà accepter cette simplicité de sentir que la vie c'est ça, ce n'est pas voir des lumières ou entrer en extase : c'est ça aussi. C'est la simplicité de ne pas être cette personne qui ressent. C'est sensation, point.
- Pourquoi est-ce que ces instants ne durent pas, que l'agitation revient ? C'est un problème d'identification. Le mental revient, redevient le plus fort et te piège. Piégée, tu y crois fermement, tu oublies le silence et cette chose puissante qui est là.
- La pensée aussi, il faut l'accepter. Elle reste au second plan. ... Rester dans cette simplicité de sentir, tout simplement, sans pour autant avoir été chercher cette tristesse, sans chercher à sentir ton corps ni quoi que ce soit d'autre.
- Il faut accepter tout ce qui se présente, que ce soit de méditer, de faire du yoga, d'avoir l'air d'être dans une recherche spirituelle - alors que ce qui entraîne dans tout ça, comme dans tout le reste de la vie d'ailleurs, c'est quand même et toujours cet état premier.
  Donc continuer à se laisser faire, même s'il y a encore la personne qui est là, et qui veut, et qui espère. Sentir, plutôt que d'essayer toutes sortes de techniques... Mais il faut aussi accepter ces techniques : elles font partie du chemin qui se présente à toi..
Devenir un être humain
De l'homme robot à l'homme de coeur
Michael Siciliano
- Nous n'avons vraiment aucune idée que nos réactions, ce que nous faisons, ce que nous disons, la manière dont nous le disons, que tout cela est mécanique. Ce sont des processus appris depuis notre enfance et même avant... issus de nos programmes.
- L'être humain est caché à l'intérieur, très bien caché derrière tous ses programmes, derrière tous les jeux du mental pour maintenir la personne dans ses programmes, derrière toutes les manipulations du mental pour maintenir la personne dans sa "zone de confort".. aussi inconfortable puisse-t-elle être.
  L'être humain est caché derrière différentes couches, comme le coeur d'un oignon. L'être humain est là, à l'intérieur, sauf qu'il est recouvert, ce qui le fait ressembler davantage à un robot qu'à un humain.
- Nous avons besoin d'arrêter les anciennes habitudes, celles qui sont connectées à nos programmes et d'entreprendre de nouvelles habitudes... ce n'est pas facile... nous nous donnerons de l'espace pour nous voir vraiment, pour voir ce qui émerge.
- Sans le désir de changer, la plupart des personnes qui s'observent ne vont nulle part. Le désir de se voir, de voir ce que l'on est à tout moment donné. C'est douloureux de se voir faire toutes ces choses qui ne sont pas nous. C'est avoir le courage de les voir, de les traverser, et d'aller de l'autre côté.
- Beaucoup de personnes se séparent, quittent leur conjoint, leur travail, partent, partent, partent. Alors que si elles restaient, si elles travaillaient sur la situation au lieu de la fuir, il se peut qu'elles découvrent quelque chose de très différent sur elle-mêmes et sur la vie.
- Votre mental vous mène. L'ordinateur vous mène. Vous n'avez pas le contrôle de votre mental. Votre mental vous utilise, vous n'utilisez pas votre mental. C'est à cela que tout se résume : au mental. Vous faites toutes ces choses par habitude, à répétition, année après année...
- Si vous êtes présent, vous êtes dans le corps, dans le coeur : si vous n'êtes pas présent, vous êtes dans votre tête, à constamment réfléchir, sans être présent et disponible pour ce qui est.
- Quand vous êtes présent, vous pouvez ressentir. Vous êtes véritablement disponible à ce qui est. Quand vous êtes dans la tête, c'est la même chose qui se reproduit encore et encore. Vous êtes tel un robot, c'est mécanique, il n'y a pas de spontanéité, pas de création, pas de vie.
- Lorsqu'une pensée arrive, ne suivez pas la pensée. Si vous ne suivez pas la pensée, vous ouvrez alors un espace pour un léger "blanc" avant la pensée suivante... Le mental va progressivement commencer à relâcher l'emprise de fer qu'il a sur vous, il commencera à arrêter le flot incessant des pensées complètement inutiles.
- Qui arrête le mental ? C'est en partie la conscience, en partie un désir réel d'arrêter le mental, et c'est en effet en partie le mental qui en donne l'ordre. Mais ce n'est pas l'un ou l'autre, ce n'est pas blanc ou noir. Si c'est le mental seul qui le pense et le dit, alors c'est impossible pour le mental de s'arrêter lui-même. Chez toute personne qui va tenter cette chose, c'est une question de discipline, une question de volonté et de désir d'avoir réellement moins de pensées dans sa tête, d'avoir de l'espace, de ne plus être submergé par le flot continu des pensées. Tout apprentissage requiert généralement de la discipline... une discipline de travailler sur notre mental, afin de créer l'espace pour pouvoir être présent à ce qui est.
De la mécanicité à la Conscience
Jean-Claude Souinquel
- La mécanicité s'est mise en place dès l'enfance, comme une tentative de sauvegarder l'image qui m'a été imposée par mes parents et mes premiers éducateurs. Ce besoin de coller à ce qui était attendu de moi a créé des réflexes conditionnés afin de continuer à adhérer à cette image. Ce que l'on appelle l'ego n'est pas autre chose qu'une abstraction, c'est-à-dire une image imposée, et les gestes que je fais, les émotions et les pensées que j'ai ne sont qu'une interprétation de la réalité par rapport à cette image et à ce qu'elle peut véhiculer. En même temps, le fait d'adhérer à cette image m'a identifié avec elle, et j'ai donc perdu conscience de qui j'étais dans la profondeur de moi-même.
  Cette mécanicité, cet automatisme, qui n'est autre que la conséquence de l'adhésion sans réserve à cette image, m'a séparé de ma véritable identité et a entraîné une perte de conscience.
- Ce besoin d'adhésion à cette image est également renforcé par le consensus social... Tout est fait pour réaliser cet objectif du conditionnement social : satisfaire la survie de la société.
- L'obstacle infranchissable qui m'empêche de me raccorder à cette profondeur de moi-même et à cette véritable authenticité, c'est l'illusion que je suis une entité autonome. Tant que cette illusion ne s'est pas dissoute, je ne peux pas laisser la place à ce qui jaillit de la profondeur de moi-même. Comment prendre conscience de l'irréalité de cette entité ? C'est par l'observation de moi-même. C'est découvrir par une observation ininterrompue que je n'existe pas, que tout ce que j'appelle ego ou personnalité n'est pas autre chose qu'un flux associatif de pensées et d'émotions qui se manifestent en fonction d'une interprétation de la réalité extérieure. Tout événement, quel qu'il soit, est perçu par les sens, et ce message est interprété par une grille de lecture qui s'est mise en place dès la petite enfance, confirmée par différentes expériences et renforcés par le consensus social. C'est tout cela qui crée des réponses conditionnées en termes de pensées et d'émotions. Et ce flux de pensées et d'émotions vise à adhérer et renforcer cette image d'une entité abstraite et irréelle qui s'est imposée à moi. Et dès que cette prise de conscience surgit, corrélativement, le chemin s'ouvre pour la profondeur. Comme s'il y avait un barrage, cet ego, ce gardien du seuil qui n'est qu'image véhiculée, s'est imposée, et j'ai éprouvé le besoin de la défendre pour continuer à mériter l'amour de mes parents. Parce que derrière tout cela, il y a une histoire d'amour ; j'ai besoin d'être aimé, j'ai besoin de cette reconnaissance, et on m'a fait comprendre que cette reconnaissance n'était possible que si j'acceptais sans réserve cette image que mes parents et que toute la société avaient collé sur moi.
 
Autre extrait
De l'homo Machinus à l'home Spiritus   Michaël Agitrol
- Dans ce monde vivait un humain qui se retournant sur lui-même prit conscience qu'il n'existait pas. Quelque chose se brisa en lui, comme si d'un seul coup sa réalité lui semblait décousue, sordide, froide et mécanique. Déembulant dans les rues d'une métropole dévoreuse d'espoir il commença à observer ses semblables. Leurs gestes fébriles, leurs réactions impulsives, leurs regards creux, des paroles hachées et disharmonieuses. Tout lui parut grotesque, cynique, l'humain n'était pas seulement un animal social, mais il était devenu une machine organique dont la société poussait les boutons pour faire fonctionner un circuit neuronal ou l'autre. Il vivait dans un profond sommeil, une inconscience folle, il n'existait pas ou plus, car rien de réel, de conscient ne vibrait en lui. Qu'il puisse aller à l'église ou au supermarché rien de réel n'existait en lui, car tout dans la trame de sa vie était devenue mécanique, un amas de système informatisés.. La vérité de l'esclavage de l'humanité apparue si brutale à cet homme, qu'une question jaillit des tréfonds de son être : Mais comment avons-nous pu en arriver la ? ..