Textes
d'auteurs (2008) | |
Illusion
ou Réalité 3e Millénaire, Printemps 2008, No 87 NB: De courts extraits d'articles de la revue, parfois légèrement adaptés. | |
Vision
du Tantra Fabrice Midal | -
Sauter à pied joint au coeur du réel. Or, il faut bien le reconnaître:
du réel nous n'en voulons pas. Nous cherchons à ce que tout soit
conforme à nos désirs et nous sommes ainsi pris en otage par les
bandits de l'espoir et de la peur. Si nous sommes honnêtes, nous devons
admettre que la majeure partie de notre journée est consacrée à
passer des mains de l'un à celles de l'autre. Nous prenons très
rarement le temps de regarder ce qui est comme c'est. - Pour le tantra, toute tentative d'améliorer la situation où nous sommes est dangereuse. Elle risque de nous faire détourner de ce qui est. Tous nos efforts pour nous améliorer, être meilleurs, plus performants, plus justes, nous égarent quant à l'essentiel. - La méditation n'est pas là pour nous aider à aller mieux, mais pour nous ouvrir inconditionnellement. - Quiconque prétend s'en sortir est un imposteur ! - Plus le moi est fort, plus il est difficile d'entrer en rapport à quoi que ce soit, par exemple avec les autres.. Le tantra est fondamentalement pur amour, c'est-à-dire entière ouverture. Le tantra implique de prendre le risque d'entrer en relation pour de bon avec le monde. - Le tantra ne rejette rien de l'ampleur du réel. Si nous sommes en colère, se laisser brûler par la colère est la seule manière d'en voir sur le champ la luminosité inhérente, de ne pas la rejeter. Les autres approches - l'apaiser, la comprendre, l'exprimer, c'est-à-dire s'en débarrasser par n'importe quel moyen - restent prisonnières d'une forme de peur. L'amour est immense, sans aucune de nos mesures. Il ne nous invite pas à être gentil, mais à sauter dans le feu de l'amour. Parfois l'amour demande de dire "Non", de proclamer la vérité, de choquer... C'est pour cela qu'il nous réveille et nous guérit. - Le tantra est une invitation à manger le fruit empoisonné.. tout comme le paon qui n'hésite pas à consommer du poison pour que ses plumes soient plus belles. - Le Tantra nous engage à ne négliger aucun des aspects de nos vies, en particulier ceux qui nous semblent les plus détestables ou effrayants. Il nous invite à sauter dans la confusion pour s'en libérer. - La ressource extraordinaire du tantra est de dénoncer la religiosité et le moralisme. Le tantra préserve la vitalité de la vie. - Cette articulation entre ces deux pôles - notre misère acceptée et notre grandeur reconnue - signe le génie propre au tantra. En étant confronté à un monde sacré, nous voyons notre propre hypocrisie, notre peur, notre lâcheté. C'est formidable. Quel excellent fumier pour faire pousser les fleurs de notre propre être ! - Vouloir un monde merveilleux, l'ultime, Dieu, le Bouddha, un gourou peut être une manière de s'écarter de notre propre terre, de se priver de tout sol et rêver les yeux ouverts. Plus ils cherchent, plus ils se coupent d'eux-mêmes. Le tantra est impitoyable ; il appelle à affronter la réalité telle qu'elle est, sans nous laisser la moindre échappatoire. Il est hautement salutaire. - L'expérience du tantra repose entièrement sur la confiance dans le feu sacré de la présence pure, dans l'Ouvert que rien ne peut saisir - et qui est là à chaque instant. Nous ne sommes pas du tout qui nous croyons être. Nous nous aimons trop et pas assez à la fois. Le tantra nous invite à un geste de confiance, un mouvement d'amour inouï et intrépide. |
Nulle
part où atterrir Karl Renz | -
Sois heureux que tu ne puisses pas t'atteindre toi-même par une action ou
une non-action, une compréhension ou non-compréhension, quelles
qu'elles soient. Tout ce que tu fais ou ne fais pas est futile et ne mènera
jamais à ce que tu es, halleluia ! - Il n'y a pas de vie à vivre, bonté divine ! Tu penses vraiment que tu as une vie ? Pierre tombale ambulante ! - Faire la distinction entre vos objectifs (être en bonne santé, avoir une belle situation..) que vous pouvez atteindre, et vous-même que ne peut pas être un objectif. - Tous ces concepts de coeur, ouvrir le coeur, le coeur en peine.. pouah ! Aussi je te dis, dépasse le coeur, oublie ce coeur de pacotille, et sois ce que tu es qui ne connaît aucun coeur, n'a besoin qu'aucun coeur se brise ni fasse quoi que ce soit. - Quels que soient tes efforts, tu ne pourras jamais y parvenir et c'est cela qui brise le coeur. Avoir le coeur brisé signifie réaliser qu'il n'y a pas de coeur, pas de maison, nulle part où atterrir, qu'il n'y aura jamais d'endroit que tu puisses appeler ta maison.. - Mais ô surprise, lorsque cette idée de coeur se brise, tu es le coeur ! Mais sans connaître le coeur. Il n'y a jamais eu quoi que ce soit que ne soit pas Cela, alors dans ce sens, tu es le coeur. Tu es la maison, mais il n'y a personne à la maison. - Tu ne peux pas éviter de tomber amoureux de toi-même, encore et toujours. Tu tombes amoureux et tu es dans la transe d'être amoureux de toi-même. Alors cet amour t'hypnotise.. - Soit simplement Cela, au-delà et en dépit de tout ce que tu peux imaginer. Il n'y a jamais eu de problème pour que Cela soit. Cela est ta nature, ta nature de Bouddha, qui ne réclame jamais rien, aucune compréhension. Pour Cela, rien ne doit être ou ne pas être, pas de coeur, absolument aucun concept. - Aussi ta nature est toujours non causée, et tout ce qui a une cause, tout ce que tu peux comprendre ou non, même ces histoires de différents niveaux, tout cela est de deuxième main. - Tu peux reposer en paix. Laisse mourir tout ce qui peut mourir, et sois cette vie qui n'est jamais née et ne peut mourir d'aucune manière. Cela est ta nature et Cela tu ne peux pas ne pas l'être. Et aucun reste de compréhension, aucun monde d'ombres et d'expériences éphémères jamais ne pourra t'apporter Cela. |
L'illusion,
c'est dans la tête Virgil | -
Pour nous pousser à nous nourrir et à nous reproduire, la nature
a trouvé un appât irrésistible dans le plaisir. Sans plaisir,
on s'en foutrait ! Mais ce que le cerveau en a fait, les fantasmes qu'il ne cesse
de créer et raffiner, est un désastre. - La base de l'illusion, c'est la mémoire, l'image. Sortir du désordre c'est se détacher de nos innombrables et inutiles images. Vos actions sont le produit de vos illusions. - Mais la matière est-elle, elle-même illusion ? La matière, cette table-là, n'est pas illusion. C'est le cerveau qui projette ses illusions sur la matière. Mais certains enseignement affirment que la matière est illusion et n'existe pas. Et que si vous vous cognez la tête contre le mur, votre douleur aussi n'est qu'illusion... Nombreux ont alors l'impression que la personne qui en parle est très avancée spirituellement, surtout si elle porte une robe orange ou appartient à une tradition ! L'illusion est dans sa tête. Dans l'ouverture, le corps entier vit sa nature véritable, ce n'est plus limité dans la tête. Alors, il n'y a plus d'image, plus d'illusion. Tout ce qui est perçu est réel. - Tout ce que vous faites : marcher, prendre un bain, méditer... tout est dans la tête. Absolument tout ! L'humanité baigne dans un océan d'illusions ! Avec les images, nous sommes aveuglés. - Toute croyance est illusion et souffrance. Mais nous ne cessons d'en créer, - L'ego résiste. Il ne veut pas regarder. Ses innombrables images mentales forment un écran à travers lequel tout est vu et avec qui il n'arrête pas de parler et de négocier. Mais l'écran, les images ne peuvent vous répondre. Une image mentale est comme une photo, elle est muette ! C'est subtil à saisir. Le déroulement, si rapide, des pensées vous en empêche. - Il n'y a pas de modèle dans la spiritualité. Cette clarté ne peut résulter d'aucune discipline. Elle se vit, c'est notre nature. C'est ce que vous voyez et touchez, sans l'entremise des images. Vous ne toucherez jamais la planète avec une photo. Elle est illusion lorsque vous ne la voyez que dans votre mémoire. Même cette chaise est illusion car vous ne la voyez, et ne la touchez que par l'entremise de vos images, de vos valeurs et préférences... - Observer est une sensation du corps et de ce qu'il vit. Lorsque la pensée intervient la sensation n'est plus là. Comment alors la faire partir ? Comment alors ne plus penser à la sensation tout en sentant ? Lorsque vous allez nager, vous pourrez vous demander si l'eau est froide ou si elle est bonne. Mais une fois dans l'eau vous n'en avez plus conscience. Il en est de même pour la sensation. On se jette dans la sensation sans pensée, sans attente... - Lorsque chaque moment est accepté sans jugement, il est vite oublié. Vous êtes alors disponible pour l'instant suivant. La vérité est dans l'instant présent. - Acceptez votre vie. Si un problème survient, acceptez-le. En fait, un problème ne surgit que par l'intervention du passé. Car nous sommes plus enclins à nous rappeler du mal que du bien. Mais le mal n'existe pas. Tout est acceptable. Ce que vous pensez être un problème ne l'est pas. Ce n'est pas une résignation. Simplement, il n'y a pas de réaction. Nos tracasseries, inquiétudes, soucis et autres banalités nous ont lâchés. Ça n'existe plus. - Paix intérieure et spiritualité signifient la même chose. - L'honnêteté est de voir clairement ce que nous pensons, comment nous nous plaignons et critiquons tout le temps davantage en pensées qu'en paroles. - Qu'est-ce qu'être spirituel ? Il n'y a pas de sacrifice à faire. Dès qu'il y a le moindre intérêt c'est foutu. Ce sont les images qui sont à laisser. La pensée est concernée strictement par les choses pratiques. Elle ne peut toucher l'essence de la vie. Lorsque vous vous ouvrez, le mot spirituel ne vous dit plus rien. C'est un détachement total. Le mot n'a rien à voir avec le fait de vivre en paix. - Vous penserez que sans image la vie est ennuyeuse, il n'y a plus aucun divertissement, aucune récréation. Or sans image, la vie est autrement intense. Tout est vu comme neuf, vivant, sans le voile de la pensée. Tout vous parle.. -La pratique, c'est être présent. Il ne peut y avoir d'autre pratique que le présent. Mais je suis impuissant, ce que je vous dis ne vous aide en rien. On ne peut créer la soif en vous. Ça doit venir de vous. - Lorsque vous êtes libre de ce monde illusoire dans votre tête, le monde extérieur est alors là, bien réel. Une mouche ou une araignée ne sera plus uniquement la forme que vous voyez. C'est une vie, une essence. C'est tout à fait différent. - La vie est belle maintenant. Pendant que je vous parle, je suis ici. Tout le corps est là. À aucun moment, je ne suis ailleurs. Pourtant je me sens partout, tout en étant ici. Il n'y a pas de frontière. C'est un senti soutenu par l'énergie, par l'essence de la vie. C'est la paix. La vie est inestimable, elle est immense, grandiose. Ne voulez-vous pas la vivre ? |
Illusion et réalité Luma Lhundroup | -
S'ouvrir à l'incertitude, laisser tomber les certitudes, toutes sans une
exception. - Qui pose donc toutes ces questions, quelle est la nature du questionneur ? Voilà le terrain où peut germer le non-doute. Si l'on parvient à rester juste là, tel quel, avant la réponse, dans ce no man's land, sans concept, sans commentaire, alors c'est la réalité immédiate libre d'elle-même, surgissant d'elle-même spontanément, lieu de l'action directe du corps, de la parole et de l'esprit, qui s'harmonise au sein de toutes les situations sans espoir ni peur. - La première constatation du Bouddha étant que l'origine de tout mal-être est justement l'illusion, l'ignorance de la réalité, l'absence de reconnaissance de la réalité telle qu'elle est. - L'étude s'avère généralement indispensable pour remédier aux idées fausses qui nous conditionnent et servent de support à l'illusion. -Selon l'enseignement du Bouddha, il n'y a pas vraiment d'autre moyen de discerner la réalité de l'illusion que par la pratique ancestrale de la méditation, assise et en action. Siéger entre ciel et terre dans une simple présence détendue et alerte n'est pas une démarche abstraite et éthérée mais une pratique d'incorporation de la réalité, d'harmonisation du corps et de l'esprit, de réconciliation fondamentale avec la Nature dans tous ses aspects. |
Vivre
les yeux ouverts Michael Siciliano | -
Les illusions sont les voiles qui nous empêchent de voir la réalité,
les filtres qui colorent la réalité pour en faire notre
réalité. - Sur un chemin spirituel pour devenir ce que nous sommes, une des premières étapes du travail est de mettre à jour ces illusions, de les voir, de les reconnaître. Ensuite, il s'agit de nous mettre en action pour qu'une fois ces illusions devenues conscientes, nous puissions avoir le choix de ne plus nous laisser mener, emmener, leurrer, par elles. Retrouver le choix de nos actions demandera une certaine pratique, appuyée par l'attention, l'intention, la vigilance, la patience, la persévérance. - Les filtres de l'illusion viennent de notre éducation, des empreintes parentale et sociale, qui nous ont façonné selon des attentes particulières. De manière générale, nous avons appris à être non pas ce que nous sommes, mais ce qu'on attend de nous. Les illusions sont un mécanisme de survie mis en place dès l'enfance, pour nous permettre de supporter des événements trop douloureux. - Nous sommes programmés à ne pas nous écouter : ne pas écouter notre propre être, notre propre essence, nos propres instincts, nos propres intuitions, parce que toutes ces choses en nous ont été discréditées par l'entourage dans notre enfance. - L'outil que nous pouvons utiliser pour savoir si nous sommes dans l'illusion est l'observation : Observer lorsque nous faisons quelque chose en réaction à une personne ou situation ? Observer si nous nous sentons sortir de la relation ? Observer si nous sentons que nos créons une séparation avec l'autre, avec la situation, avec soi-même ? - Nous sommes des êtres de relation. Etre en relation, c'est vivre la réalité. Ce qui nous sépare, ce sont nos programmes, notre mental, nos peurs, toutes ces choses nous font vivre hors de la relation. - Plus nous lâchons les illusions et commençons à faire face à la réalité de la vie, et plus notre existence devient vivante. -Une bonne façon de commencer à investiguer sur le chemin vers Soi, serait de vous poser vraiment la question : combien de temps puis-je rester heureux ? Cette investigation pourrait vous amener à découvrir des schémas pouvant vous aider à ouvrir les yeux. |
Autres courts extraits | |
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Quelques pensées | |
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"La pensée est le voile du réel." Ph. M. -
"Le chant des oiseaux, le goût du terroir, la chaleur du soleil, les
peines, les joies... Tout cela est illusions bienfaisantes, gardons nous de dériver
dans l'hallucination." Dominique Casterman -
"La réalité est indicible ; elle n'est réductible ou exprimable ni en mots,
ni en système conceptuel et logique, ni en images ou en symboles." Evan
Mirzayantz -
"Je suis partout" : c'est en réalisant cela que l'on se détache de son propre
corps. Bien affermi dans cette vision, sans souci d'autre chose, on obtient le
bonheur." Vijnama Bhairava Tantra -
"Jusqu'à maintenant, tu as été l'esclave de tes pensées. Apprends à en devenir
le maître." Herman Hesse -
"Si nous prions pour un être cher en train de mourir... si nous regardons
en profondeur, nous verrons que parfois cet amour est lié à notre
propre peur de rester seul et de perdre l'objet aimé. Cet amour n'est que
la peur de la solitude. Notre prière ne sauvera peut-être pas notre
ami malade. Par contre, c'est en nous qu'elle peut changer quelque chose."
Thich Nhat Hanh |