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Extraits de la revue: 3e millénaire
Le Bonheur est-il possible ? (No 75, premier trimestre 2005 - ÉPUISÉ)
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Citations

- "Là où il n'y a ni douleur, ni plaisir, ni chose perceptible, ni agent percevant, ni insensibilité non plus, là réside ce que Est au sens suprême." Vasugupta
- "Tard je vous ai aimée, Beauté si ancienne et si nouvelle, tard je vous ai aimée. C'est que vous étiez au-dedans de moi, et, moi, j'étais en dehors de moi ! Et c'est là que je vous cherchais..." Saint-Augustin
- " Il faut se laisser porter par le désir du Soi, suivre son coeur et son intelligence, éviter de s'infliger l'effort inutile, l'effort répétitif, ou l'effort qui fait souffrir. Que la joie soit le guide." Francis Lucille

- "Désabusés par les spectacles de violence.., insatisfaits par la 'vie', frustrés par tant de joies perdues.., nous ne croyons plus au Bonheur auquel nous avions songé au cœur de notre enfance. .. Retrouver ce paradis perdu dans la magie du présent vécu, devient, pour certains, le mythe d'un autre âge, pour d'autres, une voie vers notre ultime réalité."
- "Réaliser que tu n'es pas ce que tu ressens, mais que tu es Celui qui constate qu'il y a un ressenti et c'est tout !" Bernard
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La joie qui demeure   Thierry Vissac
- Nous préférons courir après des mirages que nous retrouver seuls avec nous-même et le désespoir que nous ressentons devant une vie insensée.
- Si une personne n'avait pas à l'esprit un certain nombre d'images représentant une vie réussie, il ne jugerait peut-être pas sa vie misérable. Tout cela appartient à l'univers du mental qui pèse, évalue, compare, juge et rejette.
- La joie qui demeure n'est pas dépendante des objets, des relations, de l'environnement. Je parle de la vraie joie, pas de la satisfaction que nous appelons bonheur et qui est dépendance absolue.
- L'abandon des mirages (espoirs et rêves) ne se produit que dans une rencontre intime et profonde avec ce qui s'anime en soi. Lorsque nous avons eu le courage de traverser nos rêves et nos cauchemars, nos résistances et nos dénégations, nos mensonges et nos fuites, nos complications et nos inerties, nous nous trouvons au plus près de notre vérité.
- Quand le chercheur suspend sa course effrénée vers les mirages de sa quête, un espace est alors disponible pour l'accueil.
- La stabilité n'est pas dans les formes changeantes du monde mais dans l'accueil que nous offrons au changement. Vivre en paix avec ce qui est, c'est la joie qui demeure.
- ..être avec ce qui est. Ces mot sont une bascule du regard auparavant absorbé dans les formes du monde, attisé par les croyances et les fantasmes.. Le regard se renverse et retourne à sa propre source, à l'approche de laquelle se dévoilent à la fois l'arsenal de nos fuites et de nos mensonges et la fraîcheur de la vérité de l'instant, qui est toute innocente, accueil, joie simple, sans artifice ni intensité. Il s'agit de ne plus rien nier, même au nom de la spiritualité, et d'accueillir les formes diverses de la conscience en soi et hors de soi. Tout ce que nous avons jugé et réprimé se présente à nous pour être rencontré et chaque mouvement de vie, qu'il naisse en soi ou qu'il semble venir de l'extérieur, est une porte grande ouverte vers la nature de la vie d'où toute chose est issue. Cette nature est ici, tout de suite, pas au terme d'une course quelconque. Et cette révélation est une grande joie.
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  Y a-t-il des recettes du bonheur ? Serge Carfantan
- Il y a des vérités dont la proximité nous dérange et que nous écartons, parce que nous préférons les mettre à distance, peut-être pour nous protéger de toute remise en question radicale. Ainsi, Dieu doit nécessairement être très loin, là-haut, dans un ciel inaccessible.. Sûrement pas dans la grâce d'un oiseau, le rire d'un enfant..
- La postmodernité, c'est l'individualisme exacerbé. ..on ne veut plus changer le monde, on veut en profiter... c'est une pratique avide de consommation, c'est une frénésie autour des objets du plaisir. Le bonheur, c'est du consommable: le confort bourgeois d'un intérieur, le luxe des objets d'apparat, le clinquant des gadgets à la portée de toutes les bourses, le rêve des voyages.. Mais attention.. le bonheur, cela se mérite, pour l'obtenir, pour y avoir droit, il faudra travailler dur.. lutter toute une vie pour en payer le prix.
- Des gens qui ont tout pour être heureux, qui ont rassemblés tous les ingrédients du bonheur, sont pourtant malheureux. Pourquoi est-ce que cela ne marche pas ? Pourquoi ce contraste entre les images de bonheur des publicités et la grisaille de la vie quotidienne ? Pourquoi ce malaise diffus ? Est-ce que quelque chose nous aurait échappé ?
- Que se passe-t-il donc en nous pour que la joie d'être rejoigne si souvent le tombeau du devoir ? .. penser que nécessairement la joie est conditionnée, qu'elle a une cause extérieure. La joie devient la satisfaction de certains désirs.. le plaisir de pouvoir posséder tel ou tel objet. Et le piège se referme.. et me laisse là avec mon insatisfaction, mes exigences, mon mécontentement, mon manque de tout, mon manque de moi-même. Ce qui alimente le moulin des frustrations et me met au régime du pain sec de la compensation.
-"Je suis heureux" sonne faux parce que lorsque le bonheur est là, je, n'est pas. Il n'y a pas de moi pour s'approprier quoi que ce soit et encore moins pour se vanter de la possession exclusive de cet "objet" qui serait soi-disant le bonheur.
- La recherche du bonheur à son système économique, il alimente une kyrielle de faux désirs qui ont tôt fait de se projeter sur des objets, pour faire tourner le commerce. Dans cette société de consommation, personne ne veut votre bonheur, car les gens heureux ne consomment pas. Elle a même son système politique, l'État providence, censé garantir le bonheur de citoyens.

- Il n'y a rien à chercher qui puisse être le bonheur. L'idée même de recherche vous place à la merci de tous ceux qui vous proposent une forme consommable conduisant au bonheur : du canapé convertible, au chalet dans les Alpes, aux mille et une techniques de contorsions du mental, du corps et des émotions, jusqu'aux aventures les plus lointaines des voyages éperdus. Et pour arriver où ? A Soi.. il ne s'agit que de revenir dans cet espace heureux de l'âme qu'est le bonheur.
- Le bonheur est résidence dans l'espace du Soi, le bonheur est plénitude intérieure et n'a strictement aucun rapport avec le domaine des objets. À la poubelle les conditions relevant de l'avoir, l'art de vivre, le fatalisme et la résignation.
- Le bonheur n'est pas le résultat d'une accumulation, d'une consommation, d'une discipline, d'une morale, d'une ascèse, ni d'un art de vivre. On ne discipline pas l'espace, on y réside. On peut tout juste le meubler plus ou moins joliment, et l'ameublement du bonheur, c'est l'art de vivre.
- Le bonheur est un peu comme l'eau tranquille et la joie comme son ondoiement vivant.
- Il n'y a pas et il ne peut vraiment y avoir de recette du bonheur. Aucun moyen de le mettre en boîte. Le bonheur est insaisissable, invendable. Il survient sans que l'on puisse s'y attendre. Tout ce que l'on peut promettre dans ce sens est illusion. Une farce tragique.
- L'enfant sait très bien ce qu'est la joie.. et sa joie déborde aisément. Elle n'a pas encore été enrégimentée, mesurée, elle n'a pas encore été confiée à un futur et assorti de conditions.. Sa joie est insolente parce que sa vie n'est que jaillissement.
- La joie sans objet, sans cause, qui surgit sans raison, sans que nous l'ayons cherché. Le bonheur, cela tombe du ciel effectivement, sauf que le Ciel n'est pas en dehors de moi et ne dépend pas de l'arbitraire de la fortune, le Ciel est dans le Soi jouissant suprêmement de lui-même.
- Ainsi s'explique qu'il y ait au Tibet des visages de mendiants lumineux comme le soleil, et que bien souvent en occident l'opulence présente le visage sombre de la misère intérieure et la figure du déterré vivant.

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  Le bonheur... Un pansement pour l'âme   Hélène Naudy
- Aujourd'hui, je suis abîmé dans une existence morne et insipide où les jours se suivent sans joie véritable. Le bonheur n'est pas dans ma maison, je respire la morosité, l'ennui. Je suis las.. Et si la vie n'était qu'ennuis parsemés de quelques moments de joie... Si fugaces. On m'a dit que je ne connaissais pas mon bonheur d'être sans soucis financiers, familiaux et de voisinages. Ça ne risque pas, je ne parle à personne, ou si peu, sinon pour dire des banalités. Comme une indifférence. On m'a raconté le bonheur d'être marié, d'avoir des enfants. Et tout cela, maintenant que je les ai, me semble si futile. On m'a dit que je trouverai le bonheur dans la religion.. j'ai l'impression qu'ils se racontent des histoires que je ne peux y adhérer. Rien ne m'appelle. Pourtant, j'ai suivi tous les conseils, tout ce qu'il fallait faire pour être heureux. Rien à l'horizon.
Nous l'attendons demain et il ne vient pas. Nous désirons cette magnifique voiture et un mois après l'avoir achetée, nous l'oublions, déjà sur une autre affaire. Nous aimerions être moins grosse, moins maigre, plus grande, plus fort, moins timide, plus virulent, moins peureux, ... enfin plus heureux !
- Alors le bonheur est-il possible ? Dans ce bonheur-là, dans cette quête, nous ne découvrons que nos insatisfactions, toujours frustrés, toujours en attente de la situation qui nous rendra heureux. Pourquoi ne suis-je jamais comblé ? Rien ne nous satisfait pleinement sans qu'à un autre moment nous ayons un nouveau désir, le sentiment que quelque chose nous manque, comme si nous étions incomplets, incomblés.
- Nous partageons la vie en deux colonnes: celle des bonheurs et celle des malheurs... Nous sommes tellement endormis et conditionnés que le seul moyen souvent que la vie a trouvé pour nous réveiller sont ces soi-disant malheurs. Je ne le sais pas encore mais quelle chance, je me suis cassé la cheville, je me suis enfin donné le temps de réfléchir sur ce que je vis...
Et si notre chance était dans ce malheur qui nous percute, dans cette situation incertaine, dans nos doutes.
Nous ne savons pas que nous dormons. Qu'est-ce qui nous permettra de sentir que ce que nous vivons est étriqué ? Un mal-être, un échec, un accident, si toutefois nous ne retournons pas la responsabilité sur un autre. ..nous laisserons-nous toucher ? ..ou nous endurcirons-nous un peu plus ?
Nous avons construits tant de fortifications, de murs de protection et d'apparences.. le choc doit être violent, douloureux.. il frappe à notre porte jusqu'à ce que nous l'entendions et que nous lui ouvrions.
Le bonheur est nos échecs, nos dépressions, nos accidents. Car ce bonheur touche à ce que nous avons construit, à nos certitudes. Il sonne la cloche d'alarme, il nous demande de regarder là où nous en sommes, sans jugement.
Ce bonheur-là vient pour nous rappeler combien nous nous sommes niés et oubliés. Il déconstruit, défait, vide le trop plein.
Avoir cette chance de se regarder, de voir nos jugements sans jugement, la plupart en lien avec notre éducation. Ce bonheur n'est pas dans un objet quel qu'il soit, il est dans ce regard que nous nous donnons à nous-même.
Alors nous ne cherchons plus, car en quelque sorte, ce qui vient est ce que nous désirons. Nous n'imaginons plus qu'il puisse se retrouver ailleurs que là où nous sommes, car nous ne désirons que ce que la vie nous apporte.
Et nous remercions cette dépression, cet accident, cet échec, cette perte qui ont été à l'origine de la brèche.
Notre bonheur est là, dans cet abandon à nous-même, à ce "je ne sais pas"... Nous sommes fatigués de prouver que nos idées sont les meilleures.. Un dialogue s'installe. Nous écoutons les points de vue.. Nous écoutons en nous-même dans le désir de reconnaître ce qui se vit en nous.
Nous demeurons dans ce lieu paisible au milieu d'une discussion où chacun cherche à avancer sa vérité. Nous écoutons ce qui se vit dans l'autre, nous sommes avec nous-même. Tout nous renvoie à cette disponibilité.
Les énergies se réorchestrent, elles retournent vers notre intériorité, accueillant ce que se vit, que ce soit la révolte, un malaise, une joie..
Un sentiment de manque, de peur.. survient, nous ressentons.
Nous apprivoisons cet acte: ressentir, être avec. Le bonheur est le fait de ressentir ce qui se vit en nous.
Percevoir, ressentir, deviennent le lieu du bonheur non éphémère.
Nous ne l'attendons plus demain, simplement parce que cela se vit à chaque instant de la vie. Comme une douce attention à notre corporalité. Nous n'alimentons plus le mental, nous n'en avons plus besoin comme outil de protection comme avant.
Cela ne veut pas dire que nous ne sommes plus perturbés, en colère, dans la tristesse, ou dans d'autres émotions. Nous les ressentons comme l'ultime cadeau qui nous rappelle à nous-même.
Plus de victimes, plus de bourreaux ni de sauveurs. Seulement des instants d'ouverture où nous nous rappelons, libre d'idées sur nous-même.
Ce nous-même, présence éternelle, affecté ni par le bonheur, ni par le malheur.. une joie sans objet.
-"Seul est heureux celui qui a perdu tout espoir, car l'espoir est la plus grande torture qui soit et le désespoir le plus grand bonheur." (Samkhya-Sutra)
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Coeur de Lion   Catherine Ingram
- La présence pure est notre expérience la plus fondamentale. C'est ce vers quoi nous sommes attirés toute notre vie. C'est tout ce qui importe. Ce que nous appelons souvent "réalisation" est l'expérience directe, constante, de la présence pure. La présence fondamentale requiert l'attention à ici et maintenant. C'est tout ce qu'il faut savoir.
Cette reconnaissance de la pure présence, à simplement être, se traduit par une qualité d'alerte, de tranquillité et d'amour. Et même si, en un sens, la vie reste compliqué du fait des difficultés auxquelles vous êtes confrontés, il y a une simplicité intérieure dans cette réalisation. ..les choses deviennent très simples à l'intérieur. Peu importe ce qui se passe, la présence procure un certain repos, une attention : votre attention est libre de s'occuper des tâches courantes, de la personne près de vous, de voir clairement, de voir simplement et d'entendre clairement. Ce que nous nommons "réalisation" n'est pas plus compliqué que cela. C'est la reconnaissance directe et immédiate de cette pure présence vers laquelle vous tendez toute votre vie.. C'est la volonté de vivre dans cette reconnaissance primordiale.
- "Soyez tranquille et attendez sans espoir." Vivez plutôt dans la gratitude que dans l'espoir, car l'espoir est une façon de mendier.. Il s'agit d'une manière subtile de vivre dans l'ajournement. La déception va de pair avec l'espoir, ils sont liés. Vous gagnez un peu, mais vous perdez beaucoup quand vous vous accrochez à l'espoir. Voyez nos espérances : elles prennent la forme du désir. Si votre paix est basé sur le changement du monde ou de votre vie personnelle, alors bonne chance ! ..les choses explosent tout le temps. ..la présence pure, ici et maintenant est le seul endroit sûr.
- Lorsque vous êtes dans cet instant d'acceptation, que vous vous trouvez béni par cette présence, vous n'avez pas envie d'autre chose. C'est assez, bien assez.. Plus que vous ne pouvez prendre. C'est le pouvoir de la reconnaissance, même si cela se produit un court instant, ou quelques jours. Cela change votre vision du monde. ..vous réalisez qu'il s'agit de la seule chose importante pour atteindre le bonheur, que c'est la seule chose sûre. Vous pouvez ensuite profiter librement des plaisirs de la vie, jouer, avoir des relations, aimer votre travail...tout : travail, films, plaisir d'être avec vos amis, supporter les pertes qui arrivent inévitablement. Mais au cours de ces expériences, vous savez que vous avez un centre. Vous n'êtes plus dans la confusion d'être ballotté dans tous les sens comme du bois mort dérivant sur l'océan. Vous êtes tranquille à l'intérieur, simple. L'espoir complique tout. Dès que vous avez de l'espoir, vous développez une stratégie, vous planifiez et manipulez. On ne peut connaître la lumière et les ténèbres qu'en voyant les ténèbres devenir lumière.
- La meilleure façon de parvenir à la paix dans le monde est d'étendre cette reconnaissance là où nous sommes, au centre de nous-mêmes. Nous y sommes à l'aise, nous nous aimons, nous nous reconnaissons tous, les choses, les plantes, comme appartenant à la même famille... C'est là que vous ressentez cette appartenance que vous désiriez et cherchez tant. Que vous souhaitiez une nouvelle Jaguard, maison, femme, bébé... fondamentalement, vous en arrivez à la sensation d'être chez vous en vous-même. Vous appartenez à l'ici et maintenant. Vous pouvez avoir cette sensation d'appartenance de façon directe sans nécessairement être attaché à ces choses.
- Il y a beaucoup de souffrances basées sur le mythe de l'amour romantique. Je ne parle pas d'une relation profonde ni de liberté. Dans l'amour romantique vous êtes comme dans un rêve basé sur tous ces films, ces images, ces chansons qui courent dans vos têtes. Vous regardez quelqu'un, mais ne le voyez pas réellement. Il est juste une sorte de cadre dans lequel vous pouvez mettre vos projections. En quelques sortes, vous êtes amoureux de vos propres images. Cela devient de plus en plus ennuyeux, déprimant. Une relation dans la liberté est différente. Étant centré en vous-même, vous n'avez ni besoin, ni espoir, ni projection romantique. Vous êtes capable de voir réellement, de sentir cette intimité.. mille fois plus intense. Ce n'est pas personnel, c'est plus profond.. et il y a la clarté, l'intelligence.
- Vous prenez l'habitude de ne pas savoir quoi faire ensuite, de ne pas avoir de programme bien déterminé. Vous commencez à expérimenter une nouvelle forme de motivation. Un nouveau sentiment monte en vous : « comment puis-je être utile ? ». Ce n'est pas comme si vous deviez penser à faire quelque chose, mais plutôt devoir devenir le récipient d'une invitation, d'un ordre.
- Il existe un point repère du bonheur auquel le niveau du bonheur retombe toujours. Donc, même si vous gagnez au loto et éprouvez une sorte de pic de bonheur qui peut durer quelques jours ou quelques semaines, ce pic retombe ensuite à son niveau habituel. Les gens les plus heureux sont ceux que ressentent des petits pics tout le long de la journée, comme des petits plaisirs, et qui profitent de ces pics. Dans l'attention éveillée, vous expérimentez ces petits pics toute la journée, ils vous surprennent. C'est comme si vous éclatiez de rire parce que vous faites la vaisselle, mais il existe un plaisir étrange à faire la vaisselle, à se brosser les dents, une sorte de courant qui circule tout le long de la journée et vous procure cette sensation de bien-être général. Donc, disons qu'il y a quelques moments inquiétants, mais que la plupart du temps, il y a un flot général de bonheur.
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Le Bonheur est dans l'Instant   Serge Pastor
- La société contemporaine incite l'homme à une quête du bonheur essentiellement basée sur l'avoir, sur la possession, sur la propriété de seuls biens matériels, sur l'appropriation de savoirs référencés et faisant autorité dans un monde axé autour de la compétition, la comparaison et l'évaluation.
  La non acquisition, la non appropriation, la non réussite, sont alors vécus comme des échecs à ce bonheur de type factice et éphémère avec tout le lot de frustrations, du culpabilités, de peurs, de douleurs, de souffrances, de déceptions et de dévalorisations que en résultent..
  Cette vision du bonheur individuel conduit inévitablement à l'isolement et à l'égoïsme et favorise une société se nourrissant de conflits et de guerres..
  Cette attitude dualiste qui consiste à rechercher à l'extérieur ce qui est déjà à l'intérieur est donc une poursuite sans fin, un leurre entretenu par l'ego de masse.
  Ainsi est née la fragmentation spirituelle de l'unité initiale et non duelle, en une multitude de petits ego futiles, séparés, divisés, habitués à vivre dans le conflit et la guerre, les croyances et les opinions mesquines, bercés par la quête d'un bonheur impossible.
  Lorsque l'homme connaît enfin un retournement de la conscience et qu'il s'aperçoit que la poursuite du bonheur extérieur est peine perdue, il réalise dans une perception lucide et fulgurante que la béatitude et la vraie félicité sont dans le renoncement à l'acquisition et à la possession objectale.
  Sa capacité à reconnaître que l'observateur et la chose observée ne sont en réalité qu'une seule et même entité, gomme l'ancienne perception duelle : interne-externe, désir à satisfaire - désir épanché... Il se sait être lui-même l'artisan de son bonheur ou la source de ses malheurs. Au lieu de voir le monde à l'extérieur de lui, il réalise qu'il est le monde lui-même. Ce décrochage de la conscience autrefois enserrée dans l'étau du seul ego, libère l'esprit et l'invite à une exploration non duelle de la vie.
-   Sa désidentification au penseur-censeur-contrôleur (l'ego ou le moi) lui permet de voir avec lucidité les va-et-vient compulsifs des quêtes de désirs et de bonheurs de l'ego, sans toutefois les alimenter.
  Il saisit alors que le bonheur est dans l'instant et non dans une folle course dans le temps et dans l'espace. Sa quête à l'extérieur cesse et l'exploration intérieure s'ouvre.
  Ce retournement de la conscience s'accompagne d'une élucidation explosive en laquelle tout désir prend fin et par là, toute quête de bonheur. L'être se vide de tout contenu psychologique centré sur l'espoir de lendemains meilleurs, l'attente ou le savoir accumulé. Ce premier pas lui fait goûter à la liberté d'investigation de la vie dans ce qu'elle a de neuf, d'inédit.
  Chaque instant traversé est alors un bonheur vécu comme inconnu, non su, non conditionné par une attente de satisfaction psychologique, corporelle, affective ou mentale. Il n'y a plus d'attente car l'être ne s'inscrit plus dans le temps et l'espace.
  Seul ce qui est - c'est-à-dire l'instant de la vie - se révèle de façon évidente et factuelle. Vie et mort se succèdent alors instantanément, ce qui fonde l'état d'éternité en lequel l'être se trouve naturellement. Tout naît et meurt pour se renouveler immédiatement.
  Peurs, angoisses, désirs, malheurs, bonheurs, viennent naturellement traverser la conscience égotique de l'homme et crever en surface comme le feraient des bulles d'air remontant des fonds abyssins, sans affecter l'être alors libre d'explorer ce mouvement duel à l'intérieur de lui-même.
   Cette dimension inconnue de la vie fait goûter à l'homme le parfum de l'amour. L'homme se sait définitivement être libre et le bonheur est vécu comme une expression de l'amour.
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  Bonheur ou Béatitude  Virgil
- Le bonheur est temporaire, le mot bonheur a été inventé pour satisfaire le cerveau et s'assurer qu'on a réussi. C'est une création humaine..
- Ce que nous vivons est la vérité, tout le reste comme amour, joie, bonheur, calme, paix.. sont des mots.
- Le bonheur dépend de l'extérieur. Il est temporaire, lié aux événements. Il implique qu'il faut tout contrôler. Mais on n'a pas besoin de contrôler, seulement de vivre : c'est là, la Béatitude.
- La Béatitude est vécue simplement. Le bonheur par contre est créé par l'image, c'est ce qui nous plaît et nous satisfait, mais ça dure jamais longtemps ; ou bien ce bonheur est menacé pour une raison quelconque, ou bien un désir en vue d'une nouvelle acquisition le détrône. Le bonheur n'a aucune solidité ; et la différence avec la béatitude, c'est que tu n'as pas

besoin de chercher ; tu es comblé, en paix, et tout est égal. Ce n'est pas un jour oui et un autre non. C'est permanent avec parfois plus d'intensité. La béatitude n'est jamais séparée, elle ne dépend pas de l'extérieur. Tu peux tout perdre, tu peux tomber malade, mais la paix demeure.
- Observez-vous, découvrez par vous-même comment vous fonctionnez, comment tout ce que vous percevez passe par l'écran de la mémoire, du conditionnement pour ensuite être projeté à l'extérieur. C'est ça nos préférences, croyances, bonheurs et malheurs. Aucun livre, aucun séminaire ni gourou, ne peut le faire pour vous.
- Dans la béatitude, nous avons une énorme sensibilité qui est compassion pour tout ce qui existe. Vous vivez simplement sans projection.

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  Ce bonheur qui n'existe pas   Soline

« Que déjà je me lève en ce matin d'été...
Et que j'aie cette envie d'eau froide pour ma nuque et mon visage,
Que je regarde avec envie l'abeille en grand travail et la comprenne,
Que je me lève et voie le buis, qui.. travaille tout autant que l'abeille,
Et que j'en sois content,
Que je me sois levé au-devant de la lumière,
Et que je sache : la journée est à ouvrir,
Déjà c'est une victoire. »
  Guillevic

- ...portraits des uns qui ont l'air tout le temps heureux malgré les mille difficultés et les épreuves, visages des autres jamais contents de rien, dépressifs, sinistres contagieux, suicidaires sans raison apparente, en mal de vivre du matin au soir alors que la vie leur a, apparemment, tout donné.
- ..nos différents besoins et attentes peuvent se décliner à l'infini. Pourtant, nous savons que lorsque nous avons obtenu la satisfaction de nos désirs, des plus impérieux aux plus modestes, une nouvelle demande prend forme..
- Certaines formes de bonheur se présentent comme un réel paradoxe : celle par exemple de l'enseignant qui, bien que son travail lui ôte les trois quarts de son énergie et de sa sève, ne saurait imaginer une seule journée sans la présence de ses élèves à ses côtés, toutes celles qui donnent le sentiment de faire oeuvre utile, d'accomplir au quotidien sa tâche, d'être à sa place alors même que celle-ci est tout à fait inconfortable.
- Les spirituels affirment que le bonheur ne saurait se trouver dans la satisfaction des désirs, aussi urgents soient-ils, mais dans l'accomplissement de soi, en ouvrant la porte de l'âme...
- Acceptons d'emblée que le bonheur n'existe pas. Inutile, dès lors, de l'attendre et plus besoin de souffrir d'une éternelle déception. Puisque nous savons que l'accumulation des biens ne saurait remplir notre coeur mais bien au contraire nous créer beaucoup de complications et de désillusions, il est peut-être judicieux de limiter les dépenses pléthoriques. Nous aurons sans doute un bon nombre de soucis en moins. Puisque, toujours béant malgré toutes nos tentatives, le vide affectif ne pourra pas se combler, c'est désormais un fait clairement établi, que nous multipliions les aventures ou que nous essayions en vain de nous caser avec une âme sœur de moins en moins providentielle, pourquoi ne pas tenter de rester tranquille avec ce qui est, ce qui n'est pas, ce qui ne peut être, ce qui ne sera pas, ce qui risque de n'être jamais, une bonne fois pour toute.
- ..pas question de remplacer une envie par une ascèse, cela ne marchera pas.
- J'écris pour toutes ces âmes en quête spirituelle, désabusées, qui errent de stage en stage depuis plus de vingt ans.., matérialistes déchus qui se racontent que le mois prochain, lorsque la dernière Mercedes sera dans le garage, il n'y aura plus aucun problème, starlettes manquées, poètes, journalistes, écrivains qui depuis longtemps ont laissé en berne le drapeau de l'idéalisme et se compromettent plus ou moins efficacement avec le système qui les broie.. Mécréants affichés qui cachent leurs blessures, femmes délaissées et trahies à l'aube de leur vieillesse mais qui se maquillent encore tous les jours au cas où, jeunes déjà désabusés.. tout le cortège des sans joie...
- Imaginez, si vous sentez que décidément vous n'avez plus rien à perdre.. Imaginez.. même si cela ne doit jamais s'appeler le bonheur.. Une seule journée de l'existence à faire vraiment ce qu'on sent depuis l'intérieur, à décider définitivement de s'arrêter de courir sauf après les papillons, à rester en pyjama toute la journée, à dévorer un repas sans compter les calories, à ne pas faire de ménage sous prétexte que mamie vient dîner, à démissionner pour aller battre la campagne, à dire enfin la vérité à ses parents, à offrir à Noël uniquement des cadeaux qui n'ont aucune valeur marchande, à écouter son cœur pleurer comme on écoute un tout petit enfant et à le laisser faire, se laisser bercer, et accepter que le bonheur n'existe pas mais que, peut-être, il existe autre chose, des tas d'autres choses que nous n'avons pas encore explorées, rencontrées, au bout du monde, en soi... Qu'il n'existe aucun dictât véritable qui nous impose de vivre dans le mensonge et la compromission...
- Souvent je me souviens de cette jeune personne aperçue dans un train qui, au milieu de l'indifférence générale, aidait une vieille femme handicapée à descendre avant de la conduire vers la sortie en lui portant ses valises. Je me rappelle surtout son sourire au sortir de la gare après que la vieille dame l'eût remercié chaleureusement. Je me dis benoîtement que cet échange de sourires a certainement illuminé la vie de ces deux personnes que rien ne pouvait rapprocher et que, peut-être, c'est cela que nous cherchons : un instant d'échange où une âme se reconnaît dans une autre. Et il me semble que c'est lorsqu'on n'a plus rien à perdre qu'on trouve cet instant.
- Pour ma part, j'aime à penser que le désespoir est une bonne maladie, qui garde pour nous le trésor le plus précieux que nous ayons jamais à découvrir : une rencontre authentique avec l'autre, qui qu'on soit, dans un seul instant, sans jugement de valeurs, sans grimace. Et lorsqu'on se penche sur son propre cœur, il arrive parfois qu'on entende murmurer quelque chose comme ceci:
« J'ai cherché le bonheur sur la route, et je ne l'ai pas trouvé. J'ai cherché le bonheur dans l'accumulation des bagages que je chérissais et que je protégeais, et je ne l'ai pas trouvé... J'ai cherché le bonheur où il n'était pas, où il ne pouvait pas être, je l'ai trouvé.. sans vêtement, sans charge, sans poids, sans passé, sans avenir, juste là, dans cette mesure, cette attention, cette façon de revenir au moment présent. Je n'aurais pas pu imaginer un tel bonheur, une telle liberté, un tel sentiment de vaste, de grand, d'immensité, d'infini, cette totalité dans mon âme, dans mon cœur, une force indestructible, une invincibilité totale, parce que je ne suis rien, que je suis nu devant le Divin, et que j'avance vers Lui. Là-bas, la dernière porte, modeste, tranquille. Pas de gloire, pas de grâce, pas d'expérience, mais une simple porte de Lumière, un arc, un arceau sous lequel je vais passer doucement. »
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Le bonheur, un cadeau déjà donné   David Ciussi
- L'expérience du bonheur n'est ni un « ailleurs », ni un objet matériel, ni une pensée arrêtée, ni une réponse définitive..., c'est plutôt un étonnement d'être la Vie sans explication, juste l'enchantement d'être ici, tout en soi... mourant et renaissant, continûment présent dans le vécu des événements. Immédiatement, c'est aussi de ne pas s'ennuyer dans cet instant terrestre qui jamais ne se représentera.. car la vie ne se répète pas, elle se renouvelle en nous..
- " Où est donc passé cet enfant étonné, joyeux, créatif, l'aventure dans les yeux ? " Il est devenu un vieillard qui a tout banalisé, au lieu de voir « ce qui est autre et différent ». Par la norme du déjà-vu, on déjà connu, l'image-moi transforme la diversité infinie en une statue de pierre pétrifiée.
- C'est une déroutante aptitude cérébrale que nous avons de nous enfermer dans les sarcophages de notre passé pour s'imaginer que les mêmes problèmes peuvent revenir. Cela induit : « mon futur est un problème, rien ne changera et le monde est une fatalité ». C'est la rançon d'un laxisme intellectuel, d'un ennui à être, inventés par une pensée dégénérée qui fracture le monde poétique de notre enfance en ramenant, « le nouveau au même, le futur au passé, l'inconnu au connu, le changeant à l'immobile ». Fini le fluctuant mouvement du réel où les choses sont sans arrêt "autres".
- Comment trouver le bonheur dans ce chaos ? Si l'on se centre sur soi-même, on va oublier les raisonnements pour conscientiser les émotions. Vivant nos émotions pleinement, nous allons être au coeur de nos sensations. Transcendant nos sensations, nous allons découvrir l'essence de nous-même. Là, il ne manque rien, tout est paisible. Un sentiment d'unité avec toute chose nous remplit totalement.
- « Je suis comme posé sur les ailes d'un papillon.. voletant d'un endroit à un autre.. Mon existence est légère, aucun mot n'est capable d'accueillir ce qui me déborde et se répand à l'infini. Comme un ressac je vais et viens d'un océan voyage.
Ici je n'éprouve aucune menace, aucun mélange. Ici, je vogue sur les ondes de ma respiration océan..
Je suis cela.. dans cela.. l'air.. la mer.. la terre.. les roses.. les iris.. l'herbe.. amis.. ennemis. Je suis l'océan qui pénètre dans la pluie.
Oui, j'émerge et je vis ici depuis longtemps.. immobile spectateur de la continuité du monde.. car le temps et l'espace n'existent pas encore, et les mots ne sont pas encore nés pour séparer les choses.. Tout m'apparaît relié et cousu ensemble dans le corps de ma conscience.
Ici je suis tombé en moi et j'éprouve le miracle d'exister..
Je suis tout cela et mes prénoms sont l'arbre, la liberté, l'amour.. »

- Nous ne vivons pas notre vie, ici et maintenant, nous la pensons. Aussi, la réalité nous semble-t-elle difficile, et nous recherchons le bonheur, ailleurs, plus tard, quand je serai, quand j'aurai, bref un concept, une projection, une idée du bonheur. Comme mon monde est ennuyeux et sans valeur, je réclame quelque chose d'autre. Je vais alors quitter le cadeau caché que m'offre la vie en cet instant, pour me griser de futures changements

imaginaires. Des agapes d'objets-bonheur ou de voyages exotiques, vont compenser mon ennui. Sous le couvert de connaissances spirituelles, des illusions transcendantes telles que la santé parfaite, la vies sans émotions, l'état de vide sans pensées, un paradis sans autres qui me critiquent ou me désapprouvent, vont me voiler le monde immédiat et le cadeau déjà donné.
  En fait, le sujet se projette dans un bonheur futur car il lui manque quelque chose. Or, il n'est séparé que par une image de lui-même. Cette idée de distanciation entre « être la conscience en direct sur le théâtre de la vie », et « se penser absent du théâtre » crée la dualité, le manque, la séparation. Sur cette base conceptuelle erronée de la lecture de la réalité, l'idée pure de l'enfance reste en attente, elle s'oublie, elle ne disparaît pas mais elle somnole. Le sujet agit dans le quotidien, mais il s'ennuie de son origine.. Alors il ressent tragiquement l'impression de faute et de manque à être.
- L'important sur le chemin d'ici à ici est de porter son attention sur le cheminement, pas sur la ligne d'arrivée. L'intention de choisir d'Être n'est pas un acte passif mais une intention à signifier. L'intentionnalité désigne cette particularité innée qu'a la conscience d'être consciente de quelque chose et de diriger l'attention intelligible vers ce qui « veille avant de penser ». Cette intention active et amoureuse réveille le lien entre l'objet d'observation et le sujet pur. L'observation devenant de plus en plus purifiée, de plus en plus dégagée de toute prévision et anticipation, devient alors un acte d'auto-observation absolu comme un continuité d'Être, sans se perdre ou se quitter, une présence à soi-même, rendez-vous éternellement renouvelé.
- La conscience n'est ni un état, ni un objet ou un contenant mais un processus dynamique. La conscience est une intention ludique et heureuse de se signifier en se manifestant de plus en plus dans la réalité de tous les êtres.
  Ainsi
, lorsque nous retrouvons l'intentionnalité du coeur, lorsque nous faisons ce geste spirituel de liberté, nous nous retrouvons rempli de joie, aussi lumineux qu'un nouveau-né naissant au monde nouveau.
- Ici, nulle promesse d'extase, nulle chimère ou pittoresque magie pour tromper l'ennui mais une relation avec l'intelligence du vivant, une relation directe, immédiate avec le souffle qui porte l'espérance heureuse de notre humanité.
  Ici, dans cette simplicité, dans cette joie sans objet, je vis heureux dans une présence que je ne peux ni perdre, ni quitter. Les jours et les nuits sont comme une note renaissante des mondes infinis renouvelés sans cesse. Alors le bonheur terrestre est joyeux comme une cour d'école et mes paroles-silence tournent les pages de la vie sans critiquer. C'est le monde qui éprouvent une émotion pure de fraternité.

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La Danse de la libre Joie   Daniel Odier

- À partir du moment où l'on sort de l'univers de croyances, des adhésions, où l'on n'a plus de théorie du monde, l'être peut fonctionner dans la spontanéité et la créativité. Il peut retrouver cet état originel où l'on ne qu'un avec l'ensemble.
- Par la pratique, pour autant qu'elle soit légère, c'est-à-dire sans objectif, on arrive à un état de joie, de tranquillité, de créativité. Nous prenons alors conscience que toutes les voies spirituelles sont les mêmes, car elles tendent vers quelque chose d'assez simple qui est de redevenir un être humain pouvant fonctionner sans blocage par rapport à la réalité. On ne peut avoir de théories du monde sans les blocages qui l'accompagnent.
- Ça paraît paradoxal : on pratique une voie spécifique pour arriver à l'absence de voie spécifique. Il reste alors juste un être humain, qui peut entrer en communication s'il n'y a pas de blocage. C'est la même chose avec les émotions. À partir du moment où nous pouvons laisser toutes les émotions entrer librement, il n'y a aucune raison de choisir d'en supprimer certaines et d'en magnifier d'autres.
- Pourquoi supprime-t-on tant de choses dans la voie spirituelle ? Il y a cette idée que peut-être il est mieux d'éradiquer la passion. Retirer les passions serait censé permettre un meilleur fonctionnement. La pratique de l'éradication touche beaucoup à la peur. ..voir s'il y avait moyen d'aborder les passions sans que ce soit fatal. On ne s'écrase plus sur l'objet de son désir, on le maintien en vie. ..tout est occasion de yoga. La jalousie, la violence, la passion, la beauté, la tranquillité, tout ça fonctionne très bien. Il n'y a pas l'idée de supprimer une partie du monde pour arriver à la tranquillité.
- Ces passions sont liées à l'ego, à l'image. Toutes ont la même source, mais la passion de l'être est libérée d'un lien névrotique à l'ego. On a toujours l'image de l'ego comme un ennemi à abattre. On parle d'ailleurs de trancher l'ego, de le détruire, de l'annihiler. La terminologie est toujours violente. En fait, si on lui donne de l'espace, l'ego finalement se dissout dans le Soi. Ce qui m'a passionné dans le tantrisme est cette idée qu'il n'y a rien à détruire, qu'il faut simplement laisser glisser la problématique vers de l'espace, et que tout naturellement la problématique elle-même devenait une qualité. Il n'y a pas de pensée qui procède par opposition. Il y une sorte de glissement de l'ego à la non-dualité.
- Le corps est très important, et malheureusement très nié par les voies spirituelles. ..mais qui d'autre qu'un corps peut se poser des questions métaphysiques. Il faut un corps pour ça, un cerveau, des nerfs, du sang, un fonctionnement. Le corps est à réintégrer totalement. Il montre une tendance naturelle à l'unité des choses. C'est simple, direct, alors que la pensée est faite pour séparer, soupeser, comparer. La problématique est là : une partie de nous-mêmes va vers l'unité avec le monde, et l'autre dissèque tous les contacts possibles pour les transformer en problématique, en métaphysique, etc. Si l'on réintègre le corps, il y tout à coup une sorte de grâce que va amadouer le mental, l'emmener dans cette sorte de danse cosmique, de giration autour d'un centre.
- L'émotion est là. Elle est comme une sorte de ferment. Si nous considérons l'émotion comme un problème, nous gaspillons de la vie. Dans la pratique du yoga tantrique, on ne lutte pas contre les émotions, mais on essaie de les vivre pleinement au niveau du corps.

- Nous croyons souvent qu'une émotion est mentale et qu'elle se répercute au niveau du corps. En fait, avant de devenir un concept, une idée, l'émotion se manifeste dans le corps. Nous constatons des changements imperceptibles dans le corps, des températures qui changent, des flux dont la rapidité se modifie, des frémissements, toutes sortes de petites manifestations. Quand le corps est sensible, ouvert, il y a lecture immédiate de tous ces signes. Nous pouvons alors prendre l'émotion à sa source. Pour une personne ordinaire, les émotions sont toujours prises tardivement. Ensuite, nous pouvons aller avec cette émotion, perçue comme un courant. Ce que l'on fait toujours est au contraire de l'abandonner en cours de route. Si l'on arrive à prendre conscience d'une émotion immédiatement, à la suivre, on va s'apercevoir qu'elle nous ramène à la tranquillité. Elle émerge de la tranquillité et nous y ramène. En l'absence de blocage conceptuel ou affectif, le mouvement est très rapide. Si rien ne gène l'émotion, elle fait son tour complet et nous ramène à l'espace.
- Pour nous, être présent, ce n,est pas maîtriser quelque chose mais au contraire s'abandonner totalement à quelque chose sans qu'il y ait d'obstacle au parcours.
- Évidemment, il y a des moments où ça ne fonctionne pas du tout, où l'on reste bloqué. C'est merveilleux aussi. Nous pouvons goûter le blocage, l'arrêt, s'il n'y a plus cette ambition folle d'être dans la spontanéité tout le temps. À partir du moment où l'on peut accepter d'être bloqué plus longuement que d'habitude, une grande liberté et une détente dans le blocage émotionnel se manifestent.
- ..arriver au point où nous pouvons nous accorder l'espace que nous donnerions à notre meilleur ami, sans que les jugements ou la culpabilité n'interviennent.
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Nous n'arrivons pas à avoir cette confiance absolue en notre propre potentiel infini autrement que d'une manière très sporadique. Nous passons donc par des moments où nous pouvons toucher la félicité, suivis toujours de moments d'angoisse, de dépression.
- Nous refusons les réactions de l'ego parce que nous avons cette image de quelque chose de propre, de parfait, d'absolu, d'infini. Nous préférons prétendre être parfait plutôt que d'avouer que ce n'est pas du tout le cas.
- Beaucoup de gens s'imaginent qu'après l'éveil, c'est fini. Alors qu'un moment d'éveil, on en a tous eu, dans l'enfance ou dans l'adolescence, et ceci n'a pas arrangé notre problématique pour autant. Dans le tantrisme, il y a un premier éveil, puis éventuellement après vingt ou trente ans de travail, on peut arriver à ce moment où toute problématique semble dissoute à jamais.
- Avoir pour soi cette tolérance, cet amour, exactement comme on pourrait l'avoir pour un ami proche, est la chose la plus importante. Notre histoire se détend alors. La pratique repose beaucoup sur la détente, le fait d'arriver à se relâcher. Il est intéressant de constater que l'enseignement des vieux maîtres se simplifie. D'un enseignement très riche et complexe quand ils avaient 40 ou 50 ans, ils en arrivent à 80 ans à dire que, finalement, il suffit de respirer d'une manière spontanée et détendue. Et ils n'enseignent rien d'autre que ça pendant les cinq ou six dernières années de leur vie. Ils n'ont presque rien gardé, seulement un élément banal que n'importe qui pourrait dire. Mais quand il le disent, ce n'est pas la même histoire que quand quelqu'un d'autre le dit.

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  Le Bonheur est-il localisable ?  Jean Bouchart d'Orval
- « Cette félicité n'est pas comme l'ivresse de vin ou celle des richesses, ni même semblable à l'union avec la bien-aimée. Quand on se libère des différenciations accumulées, l'état de bonheur est une allégresse comparable à la mise en terre d'un fardeau. » Abbinavagupta
- Tout ce que nous accomplissons, tout ce que nous disons et tout ce que nous pensons, tout est dirigé vers le bonheur. La souffrance elle-même est toute entière tournée vers lui. C'est à cause du bonheur qu'il peut y avoir de la souffrance ; sinon, comment ferions-nous pour savoir que nous souffrons ?
- Voyez comment l'enfant vieillit et s'en remet toujours davantage à ses images plutôt que de demeurer directement avec ce qui est là, plus il perd sa faculté de ravissement et sa joie spontanée. Finalement, tout l'univers de l'état de veille n'est qu'images. C'est bien pour cela que nous sommes toujours aussi ignorants de ce que sont vraiment des choses aussi élémentaires que l'espace, le temps, la matière, la lumière et la vie. ..nous cherchons tous à expliquer le territoire par la carte.
- La lumière consciente est tout et la joie est son parfum. L'acte vient de la joie et non le contraire. Tout acte est la joie en marche et n'en est jamais séparé d'un millimètre. Quand on est saisi par cette évidence fulgurante, on cesse de s'agiter pour s'approprier et conserver des objets ou des personnes ou pour rechercher ou fuir des situations. Qu'y a-t-il alors à regretter, à pardonner, à attendre, à promettre ? Quand on est secoué par la vérité simple et bouleversante, comment peut-on encore chercher à se transformer, se purifier, s'équilibrer, «s'éveiller» ou «se réaliser»? Cette agitation ne monte tout simplement plus. Les voies interventionnistes - tous ces enseignements profondément inutiles qui vous demandent de faire ceci plutôt que cela, d'adopter telle idéologie, telle attitude ou telle pratique pour atteindre la paix - si rassurantes pour l'imaginaire égotique tombent alors. Il ne vous vient plus à l'esprit d'aller faire le pitre dans une garderie spirituelle. Soudain vous ne prétendez plus avoir besoin d'un hochet pour aller bien.
- Chercher la joie c'est ne pas la voir. C'est l'identification de la joie à une image - une trace laissée par une expérience - qui nous fait croire que nous ne serons pas heureux sans ce chien, ce chat, cette maison de campagne, ce mariage, ce divorce ou ce grand guru. Le désir est mu par la joie, mais son expression est collée au connu, au contenu de la mémoire ; qu'est-ce que je peux bien vouloir sinon ce que je connais ? Le désir est toujours une restriction, il est souffrance. Toutes ses formes, y compris les plus nobles, sont le désir d'autre chose, que vient de ce que nous ne savons pas regarder ce qui est là.
- Voyez. Quand votre corps vous envoie un signal bien localisé, c'est qu'il y a une restriction à cet endroit et que l'énergie n'y circule pas librement. Cela peut se transformer en ce que nous appelons une maladie. Vous pouvez facilement identifier l'endroit précis où vous avez mal. Mais quand vous ressentez le bien-être dans votre corps, pouvez-vous dire où vous allez bien ? Vous ne le pouvez pas ! Le bien-être n'est pas quelque part, la joie n'est pas localisable. Vous n'êtes pas quelqu'un. Se localiser dans la misérable image d'un quelconque soi-même crée une distance, une séparation, et engendre le monde de désir et de peur que nous connaissons.
- Désirer c'est désirer ce qui est là-bas et cela ne peut se concevoir que dans l'imaginaire d'un autre moment, du futur. Tenter de résoudre la question du désir - la recherche de la joie - de la manière habituelle, en s'intéressant au passé ou au futur, c'est-à-dire en s'analysant (ou en payant quelqu'un pour le faire) ou en prenant de bonnes résolutions quant à sa vie future, c'est s'enfoncer davantage dans la lamentable ornière virtuelle dans laquelle la plupart des êtres humains pataugent. L'affaire ne peut vraiment se dénouer qu'en s'intéressant à ce qui est là plutôt qu'en se tournant vers ce qui n'est pas là et qui occasionne le tourment.
- Lorsque vous sentez un désir, ce qui est important n'est pas le soi-disant objet du désir - qui n'est pas là - c'est le désir lui-même. Quand vous vous intéressez à ce que vous ressentez directement, vous commencez déjà à être réel et l'idée d'être quelqu'un de malheureux recule d'autant. La souffrance vient toujours d'un imaginaire ; la réalité, elle, est profondément tranquille et joyeuse. Quand vous réalisez que vous ne faites qu'assister à ce que vous appelez votre vie et que vous n'êtes pas un amas de molécules séparées de l'univers pour prendre des décisions « librement » et porter des responsabilités, alors ce qui était noué se détend naturellement. Quand vous sentez la tension et la peur liées à toute forme de désir, sans vous localiser à nouveau et devenir partie prenante dans l'histoire, quand vous constatez combien tout cela n'est que perception maintenant et que cette perception n'est qu'une apparence de la pure lumière consciente que vous êtes, vous ne ressentez plus l'urgence d'accomplir le désir non plus que de le réprimer. Vous ressentez une autre sorte d'urgence : celle de ne rien faire immédiatement. Dans ce « rien faire », ce qui dois se faire s'accomplit, mais il n'y a plus ce pathétique personnage pour s'en inquiéter. La joie est là, sans avertissement, dans un moment de distraction où avez oublié d'être obsédé par vous-même...
- Tout est infiniment plus simple que ce que nous croyons. Nous regardons beaucoup trop loin. Il n'y a pas de là-bas, il n'y a pas de demain. Le bonheur intérieur ou extérieur, ça n'existe pas ; il y a la lumière consciente, qui es joie sans objet.
- Si vous êtes assez attentif à ce que vous ressentez vraiment - et non plus à l'histoire associée et à tout ce qui est mémoire et projection - vous vous apercevez que ce que vous auriez auparavant appelé distraitement bonheur, ou plaisir, n'est en fait que tension, peur et souffrance. Dans la joie, il n'y a personne de joyeux. Dans l'étonnement, il n'y a personne d'étonné. La joie tranquille n'est pas inerte, elle est énergie vive, bouillonnante ; mais cette énergie est libre, désencombrée de tout but, de toute direction, de toute inquiétude. La joie véritable ne disparaît pas ni ne diminue d'un iota quand votre petite amie vous quitte, quand votre mari vous trompe, ou quand on vient de vous apprendre que vous avez un cancer avancé. Cette joie, vous pouvez la ressentir en vous éveillant le matin, avant de penser à votre journée, avant de redevenir quelqu'un, avant que votre personne alitée ne recommence à s'agiter.
- Vous n'avez pas à lutter et mériter le bonheur, car il est le parfum de votre nature véritable. Il n'y a rien à saisir dans l'état de veille, pas plus que dans le rêve. Vouloir s'approprier un chose, un état, le bonheur, c'est rêver encore. On peut se réveiller... mais on ne peut se diriger délibérément vers cet « éveil », car alors c'est encore un image, un nouvel objet à s'approprier. Il convient d'abord d'observer honnêtement combien on se localise constamment, combien on se restreint sans cesse, combien on souffre maintenant en échange de fallacieuse promesse d'un demain virtuel. Cela suffit ; le reste se fait naturellement. L'effort est le signe de l'ignorance, de l'errance. La vie est belle, sans raison.
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  La bienheureuse investigation  Byron Katie
- Il est extrêmement difficile pour les êtres humains de vraiment lâcher prise. C'est même totalement impossible parce qu'ils croient à leurs pensées. Une façon de mettre en question, d'interroger ces pensées qui arrivent dans l'esprit, m'est en quelque sorte tombée dessus, et mon identité est alors tombée en miettes. Je n'arrive plus à croire à ce qui constituait mon identité.
- Ce n'est pas moi qui peux lâcher mes pensées, c'est le contraire, c'est par la remise en question de mes croyances, de ce que je pense être, de cette image de moi, que celles-ci peuvent lâcher.
- Il y a quatre questions:
         1) Est-ce vrai ?
(Ex: Mon fils ne se soucie guère de moi. Est-ce que c'est vrai ?)
         2) Ai-je vraiment un moyen de savoir que mon fils ne m'aime pas ?
         3) Comment est-ce que je réagis lorsque cette pensée survient ? Lorsque nous restons avec cette question, cela
             devient une forme de méditation..
         4) Que serais-je si cette pensée ne survenait plus ?
- Questionner le mental amène sans cesse des miracles. Nous commençons à investiguer les pensées qui se mettent entre nous, qui nous séparent les uns de autres, et les murs tombent ; l'amour se révèle.
- L'enfer, c'est l'histoire qui se greffe à propos de la réalité. Ce sont les histoires qui n'ont subi aucune investigation :
pour qui se prent-il ? pourquoi a-t-il fait cela ? je n'ai rien fait pour mériter cela ? etc. Voilà le malheur et la souffrance d'un mental ignorant qui croit en ses propres pensées. Et tant que l'investigation n'a pas commencé nous menons nos vies dans la souffrance et le chaos, à partir de nos croyances et à la merci du ce monde projeté.
- Aimez votre prochain comme vous-même, c'est ce que j'ai découvert. Je me détestais, je vous détestais. Quand je m'aime, je vous aime. Le mental non investigué ne peut pas aimer.
- La défense est une violence, c'est le premier acte de guerre. Lorsqu'on vous dit que vous êtes méchant, au lieu d'entrer en guerre ou de lancer une contre-attaque, allez à l'intérieur pour voir : peut-être a-t-il raison ? Est-ce possible ? Je reste avec cela, voilà la méditation.
- En menant cette investigation sur non croyances, le monde se dissout. Il n'y a rien à croire, tandis qu'une nature brillante et bénéfique se révèle. Investiguer vraiment nos croyances met fin à nos histoires, à nos vies infernales !
- Quand le mental interroge le mental, c'est la fin de la guerre, et après la guerre on devient un être humain naturel, un être humain heureux. Finalement, quand nous sommes heureux, il n'y a aucun travail à faire, nous aimons tout ce que nous faisons car le bonheur est notre vraie nature. Ainsi, lorsque nous mettons en investigation les pensées stressantes, cela nous conduit toujours vers le rire.
- Ce travail d'investigation est pleinement de la méditation. Le mental apparaît, il vient à la surface, et les questions font également partie du mental, c'est le mental qui mène un investigation sur lui-même..
- C'est la fin de la dualité entre mental positif et mental négatif pour laisser la place au mental bienveillant. Tout ce qu'il voit, entend, projette, est amour, il n'y plus qu'amour et bonheur. Un bonheur pour lequel il n'y a aucun concurrent, un bonheur véritable.
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