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Textes d'auteurs (2008)
Effort ou Lâcher-prise ?
3e Millénaire, Hiver 2005, No 74

NB: De courts extraits d'articles de la revue, parfois légèrement adaptés.
Le mythe du travail sur soi
Mathieu Clotuche
- Si je cesse de croire en tout ce qui n'est pas éveil, je laisse la place à l'éveil ! Peut-être que le seul travail de la foi est cet abandon, ce renoncement à toute croyance en un autre mouvement que celui de la conscience, cet abandon actif, voulu, accepté, entretenu. Cette mobilisation osée de tout nous-même autour de cet abandon.
- Apprendre à accepter ce regard qui voit et reconnaît l'échec complet de tous les regards qui ne sont pas celui de la conscience. Autoriser ce regard qui voit et reconnaît l'échec total des regards que ma réflexion me propose d'adopter. Voir l'échec permanent de ces tentatives incessantes, et par ce simple regard, sans rien devoir changer, être extrait des emprises de ces regards. Me donner ainsi l'occasion de voir et de regarder (et donc d'éclairer ce que je regarde) à partir d'un regard autre... Alors, sous cet éclairage là, ma réflexion, sans l'avoir cherché, se met à cesser sa recherche folle et inutile...
- Il n'y a pas besoin de se transformer ; simplement constater l'inutilité de toutes ces tentatives, de toutes ces entreprises.
  Même la souffrance (qui est une autre tentative de s'éveiller) est vaine (mais pas besoin de chercher à l'éliminer, c'est pire ; simplement constater en direct qu'elle est incapable de me faire prendre conscience, et laisser ce constat produire ses fruits.)
- Si l'on aboutit pas à la conscience, c'est que l'on est en train de croire en l'utilité d'un mouvement autre (croyance qui permet à ce mouvement de prendre la place et de colorer tout mon regard de la couleur de lui-même).
  Mon unique travail ?
  Faire lumière sur tous ces mouvements et toutes ces stratégies qui me squattent maintenant et qui n'aboutissent pas. Voir qu'ils n'aboutissent pas. Ma laisser être travaillé par ces constats, sans forcer, sans combattre, sans juger, sans rien empêcher.
  Seul l'éveil est capable de se faire naître !
Effort et énergie
Toni Packer
- Être concentré n'a rien à voir avec le fait d'être là, présent, avec une conscience claire.
- L'effort provenant de la pensée d'aller quelque part ou de devenir quelque chose renforce, d'une façon subtile, le sens du moi. Il renforce le moi dans sa projection vers un agir, un devenir quelqu'un, atteindre ou fuir quelque chose. Tout ceci forme un amalgame d'idées et d'images, profondément programmées, et constamment fortifiées dans l'esprit humain.
- Que sommes nous quand il n'y a personne pour faire quelque chose, pour atteindre quoi que ce soit, nulle part où aller ? Il n'est aucun lieu où aller. La base est déjà là dans sa totalité, en chacun de nous. Elle est la même en chacun de nous. Il n'y a qu'une seule base, qui est présence, intégralité, amour sans limite. Peut-on la trouver ? Elle est toujours là. Elle a toujours été là. Le concept de commencement et de fin est temporel, produit par la pensée. Est-il possible de voir maintenant que le début et la fin, rejoindre tel ou tel lieu, être quelqu'un, vouloir cet objet qui me manque, sont tous des produits de l'imagination ? Tant que ceci n'est pas clair, cet organisme corps-mental restera ligoté. Peut-on voir que penser à demain, à ce qui est prévu au repas de ce soir, sont des conceptualisations ? .. "Le futur" dans lequel je serai un être éveillé, est une pensée. Peut-on voir cela instantanément présent, pour lequel le temps n'existe pas ?
- Que sommes-nous vraiment ? Notre intérêt véritable est-il ici ? À nous diriger vers notre être authentique, sans tromperie, sans nous raconter d'histoires ? Peut-être cela ne nous intéresse-t-il pas ? Certains m'ont avoué avoir abandonné l'idée d'un possible éveil pour eux-mêmes. Être à l'aise, trouver une tranquillité que rien ne puisse troubler, est leur seul intérêt. Ils ne souhaitent même pas être dérangés par un entretien. Un entretien peut-être déstabilisant.
  Nos intérêts sont donc divers. Et ils peuvent varier d'un instant à l'autre. Ici, dans ce présent travail, nous ne cherchons plus à nous mouler dans un chemin préconçu, ou bien des niveaux d'être... Les pensées ont une telle puissance - penser à ce que je suis maintenant, ce que je serai plus tard, me jugeant moi-même sur ce que je pense être et sur ce que je pourrais être. La puissance de telles pensées ne peut être surestimée. Elles sont l'obstacle à une présence, une qualité de conscience défiant toute définition.
  Nous pouvons penser que l'effort est source de conscience, mais rendre consciente cette pensée, sur le vif, se fait sans effort. Ça se produit, et c'est tout
. Ecoutez - la pluie tombe doucement sur le toit, frappant aux carreaux des fenêtres, la respiration s'écoule, les corneilles s'appellent. Nous entendons tout cela, n'est-ce pas ? Y a-t-il un effort ?
  Tout en ce monde semble être sous la dépendance de la loi de cause à effet, et il en résulte un postulat, profondément ancré dans l'esprit, pour lequel la conscience doit elle aussi procéder d'une cause, d'une source profonde. Est-ce ainsi ? .. Le cerveau est conditionné pour supposer que ce qui s'est produit avant est responsable de ce qui arrive maintenant, et que je dois avoir un lien avec ça !
- La pure conscience est le silence de tous les efforts coutumiers pour aller quelque part. C'est l'absence de tout sens temporel du moi, de moi-dans-le-temps... apprendre à rester sans mouvement au milieu de la peur, de la souffrance, du plaisir, et du désir incessant d'être ailleurs. La possibilité de s'asseoir tranquillement, au cours du temps, permet de découvrir l'étonnante intelligence du corps à apprendre de nouvelles façons d'être au milieu des difficultés et des tiraillements produits par des habitudes anciennes. Les habitudes sont une perte d'énergie. Au contraire, l'assise dans la tranquillité condense l'énergie ; prendre conscience de ses habitudes avec intelligence, et les laisser nous quitter sans effort.
- Les pensées et les désirs d'une vie meilleure pour tous nous emportent-ils hors du moment présent - lequel est peut-être soumis à des conflits et à des tensions ? Est-il possible, au milieu du désordre, du chaos, de la souffrance, de s'éveiller et de ne pas instantanément blâmer les autres ou soi-même parce que l'on se trouve dans cette situation ?
  Plutôt que de rêver à un monde futur sans chaos, peut-on rentrer en intimité avec le monde tel qu'il se trouve maintenant ? Peut-on être apaisé en plein ouragan ? Au centre de chaque ouragan se trouve une zone de calme, l'oeil du cyclone. Cet oeil peut-il être trouvé dans cet instant présent ?
  Être en contact avec cet oeil pourrait permettre à la simple présence, à l'attention, de se substituer au chaos. Autour de l'oeil du cyclone les débris continuent à voler. Est-ce là le défi : trouver la quiétude de l'écoute au sein du chaos ? Voir la totalité même si celle-ci n'est pas nécessairement agréable, heureuse, ou inspirante ?
- Un moine appelé Wo Lun vient visiter le sixième patriache Hui Neng afin de présenter sa compréhension au maître. Voici l'échange : Wo Lun: « Wo Lun possède des moyens adroits lui permettant d'éliminer toute pensée. Face aux événements de la vie, son esprit n'est pas perturbé, et jour après jour, mois après mois, la sagesse grandit. »
Hui Neng lui répond: « Hui Neng ne possède pas de moyens adroits, il n'élimine pas toute pensée. Face aux événements de la vie, son esprit est souvent perturbé. Alors comment peut-il y avoir croissance de la sagesse ? »
Pour Hui Neng, il n'y a que non effort, être sans conscience d'un je. Pas de temps. Quand l'être au-delà de l'effort ne se manifeste pas directement, le moi fait des efforts dans le but de progresser. Être sans effort signifie l'absence d'un moi faisant pression pour obtenir quelque chose, comme le calme de l'esprit, l'éveil, la sagesse, ou quoi que ce soit d'autre.
Ce moi poussant à l'effort peut-il se mettre lui-même en vue, s'exposer, comme une pensée inutile et essentiellement perturbatrice ? Cette exposition est une énergie - pas un effort -, une énergie qui se rassemble, ne succombant pas au désir d'aller ailleurs, mais au contraire explorant ce qui est ici, maintenant. Écouter, être là, ouvert, même si nous nous sentons fermés. Prendre conscience de l'absence de choix dans le fait d'être là, même si l'imagination préfère projeter des "vidéos" sur des endroits plus attirants. Être là n'est pas un effort pour se détendre ou trouver un calme imperturbable. S'il y a tension ou désagrément, c'est ce qu'il y a maintenant.
  Et réellement, qu'est-ce qui est là ? Ne pas le définir, ne rien en savoir - écouter, être attentif à un chemin nouveau, qui ne peut être ni enseigné, ni appris.
  Il apparaît de lui-même, concentrant l'énergie, ne sachant rien d'un quelconque effort.

Concentration, méditation, contemplation
Albert Low
- Le premier effort dans zazen consiste à nager à contre-courant des réactions habituelles de l'organisme corps-esprit. La plus grande partie du temps, cet effort est celui de la concentration... L'effort de concentration consite à maintenir l'unité d'un état mental pénétrant contre la tendance de l'esprit à se disperser dans toutes sortes de pensées, de mémoires, d'émotions et de sensations. C'est un effort d'exclusion. Un mentra peut être très approprié pour ce type d'effort de concentration... Cependant, si la concentration affermit l'esprit et le rend moins sujet à la divagation, elle le ferme aussi.
- Dans la méditation, une idée est conservée à l'esprit, et le mental laissé libre de tourner autour... Tout texte spirituel peut être utilisé comme base méditative... La méditation demande un effort qui se maintienne dans l'ouverture, la non-exclusion, et la non-saisie. C'est l'effort de permettre.
- La troisième dimension est celle de la contemplation. Elle a la fermeté de la concentration, mais aussi l'ouverture et la souplesse de la méditation... Nous ne cherchons pas à se faire produire quelque chose. Nous demeurons sans but, sans programme, et sans direction. Néanmoins l'esprit ne divague pas au hasard, même si l'effort produit n'est pas celui de l'exclusion.
- Dans le suivi réel du souffle, le "je" n'est plus là pour décider, et tout effort volontaire s'effondre. Une attention soutenue, issue d'une profonde absorption, remplace l'effort de la volonté. Cette absorption pourrait être comparée à celle de l'amant attendant son aimée. À ce stade, prière de supplication et méditation sont très semblables l'une à l'autre.
- John Keats, poète anglais, évoquait la valeur de l'engagement négatif, expliquant que ceci se produisait quand « un homme était capable d'être dans l'incertitude, le mystère, le doute, sans aucun rejet des faits et de la raison. » En cherchant le contrôle de notre vie, nous cherchons la certitude. En des temps incertains, les gens se sentent inquiets, anxieux, voire angoissés. Demeurer délibérément dans l'engagement négatif demande un type d'effort spécifique... La psychothérapie est dédiée à permettre au client de se sentir plus en sécurité, affermi, chez lui, lui-même. La sensation de doute apparaît dès lors que l'on cesse de lutter pour la certitude, de chercher à être bien physiquement ou mentalement. La nature contradictoire du koan ne permettra pas au pratiquant de se reposer sur une certitude. Plus grande est la contradiction et plus grands seront la tension et l'effort requis pour demeurer présent au sein même de l'angoisse et de l'incertitude... Maintenir cette incertitude contitue un type d'effort particulier, à l'opposé de l'effort porté sur la recherche de certitude, de compréhension et de contrôle. Il s'agit malgré tout d'un effort. La créativité demande un type d'effort analogue.
- L'effort est nécessaire ; l'effort n'est pas nécessaire. Cette contradiction conduisit le Maître Zen Dogen à la pratique.
- L'esprit ordinaire est la voie. La
plupart des gens pensent de façon exaltée à la Voie, comme un univers se situant au-delà de la poussière et de la confusion de la vie quotidienne. De même, l'idée qu'ils se font du zazen est celle d'un esprit vide, libre de pensées et de distractions, une façon de se détendre.
- Le caractère propre de l'effort nécessaire à la pratique du zen se modifie dans l'approfondissement de la pratique, jusqu'à devenir l'effort dans le non effort... Il se peut que la contradiction la plus profonde soit : "je suis achevé et complet ; je suis une personne dont les désirs ne sont jamais satisfaits". Comment concilier cela ?
- Le satori est la libération de la contradiction. Sa signification ne peut être décrite... on peut le comparer à la libération qui survient dans la compréhension d'une plaisanterie.
L'effort, l'observation et le lâcher-prise
Virgil
- Les définitions et les mots ne sont pas importants et s'y perdre n'est qu'ajouter de la lourdeur à notre vie intérieure. Le lâcher-prise, c'est être neutre. De tout ton être, tu te diras que tu t'en fous, sans avoir à le répéter. Ainsi, tu seras disponible pour entendre les réponses de ton intériorité.
- Si avant de se coucher, on commence à parcourir son lendemain, tout devient très lourd... le lâcher-prise a lieu lorsque nous effectuons une tâche, sans se mettre à penser au restant de la journée ni aux journées précédentes.
- Maintenant, je suis neutre. Je fais ce que j'ai à faire sans aucune pression. C'est une clarté-lucidité ; je dois me raser, ce n'est pas un devoir, ce n'est pas une obligation ; ça fait partie de la vie. L'extérieur perd de son importance. Comment faire sentir l'importance de rester avec ce que l'on fait sans penser à l'après ?
- Le lâcher prise, ce n'est pas explicable. Il arrive, on ne le fabrique pas.
- Je veux faire comprendre que tout se passe dans la tête, et de l'urgence de ne pas laisser les mémoires nous envahir, car c'est une routine qui s'installe et qui devient un mécanisme endurci.
- Je vous dis que l'observation, c'est nous. C'est ce que nous vivons. Marc-André a essayé de décrire ce qu'il vit. C'est sa vérité. Ma vérité quant à moi, elle est mienne. Ce n'est pas l'observation des autres, ce n'est pas la même observation qu'ils vivent. Ça ne sera réel que lorsque tu l'expérimenteras.
- La pensée est comme l'eau sortant d'un robinet, on ne peut pas inverser sa direction et la renvoyer à la source... On croit que dire un mot nouveau corrigera ou annulera l'effet du précédent... mais la pensée continue son raisonnement manipulateur.
- S'observer, l'observation, c'est ne pas fabriquer d'images. Si au cours de l'observation, la pensée vient, constate alors que tu sautes hors de l'observation.
- Tout est énergie. Et l'énergie qui nous est disponible est, en général, consommé par notre façon d'être et par nos pensées... Si l'on n'a pas d'énergie ou pas assez, au début, il nous faut fournir des efforts... des efforts pour ne pas accompagner les pensées qui surgissent dans l'esprit.
- Nous ne savons pas distinguer ce qui en nous est inné de ce qui vient du conditionnement. Nous croyons fermement à nos pensées, nous nous y identifions et nous y attachons ; les pensées, c'est nous, c'est notre vie... C'est un mécanisme résultant des millénaires de conditionnements. Nous avons créé le système d'où on ne peut sortir.
- Il faut mettre tous les modèles, tous les écrits de côté... Parce que ce ne sont que des répétitions, des images qui m'empêchent d'être attentif et d'observer.
- Observez-vous, « feel yourself » lorsque vous parlez... ne pas vous laisser prendre par le mental, qui ne cesse d'aller vers l'extérieur, sans que vous vous sentiez. Le corps dans sa totalité est très important et non seulement le cerveau. Sentez votre corps et écoutez. Sentez votre présence ici même... Vous sentez votre corps ici qui est dans cette pièce, vous sentez l'environnement et vous écoutez. Vous voyez, c'est difficile. Vous n'y arriverez pas sans effort...
  L'énergie va-t-elle augmenter grâce à l'effort d'observer ? Oui, elle va augmenter. La pensée, l'observation sont des énergies. Sans énergie, l'observateur n'existerait pas. Tout est énergie. Nous en consommons pour tout et surtout dans l'activité mentale.
- La fausse observation est facile à décrire : c'est d'être en train de penser sans s'en apercevoir, tout en croyant faire des efforts. Car nous accompagnons nos pensées. Soyez attentifs, ne jugez rien de ce que vous voyez et entendez...
- C'est dans l'action que le lâcher-prise arrive, et non le soir à la lecture d'un livre ou dans une méditation sur le comment de l'observation. Ce n'est pas ainsi que l'on trouvera. C'est dans l'action que la clarté vient. On peut parler de nourriture déposée sur une table. Mais si on n'a pas envie d'y goûter, pourquoi en parler ; parce que l'on connaît les mets ?
Mais si on n'en mange pas, on n'en saura pas plus, même si on sait de quoi il s'agit. Saisissez-vous ?
  C'est dans l'action, dans les gestes de tous les jours que cela arrive ? C'est de l'essence de la vie que je parle. Ça vous viendra de l'intérieur... Tout est dans l'action, dans le vécu immédiat. On ne parlera plus de nourriture que nous avons consommé, ni du jeu de cartes que nous connaissons, etc. Cette essence est à chaque instant, sans aucun écart, sans rien. La vie, la nature, l'essence sont pleines et comblées. Nous sommes entourés par cette réalité, nous ne sommes jamais seul. Nous participons à la vie. La majorité des êtres humains se sont détachés de leur propre nature... Mais ils croient qu'ils ne la sont pas... Lorsque je dis que l'homme s'est détaché de la nature c'est comme s'il se disait : « je m'en fous de tout ça ». Tout devient assujetti au profit, et peut couper les arbres, détruire l'Amazonie, etc. Il n'y a que l'intérêt. Tout devient calculé, manipulé, prémédité, mesuré, pesé par la valeur suprême de l'intérêt et du profit.
- Seule l'action est vraie ! Elle est l'essence de ce que vous êtes.
- C'est nous qui créons les problèmes à partir de rien et avec tout. Dans la clarté-lucidité, un souci, un problème, n'en est plus un.
- Il y a un effort à fournir ? Je dirais oui ; observez. Dans l'observation, on ne se fait pas une image telle que nous nous en faisons en regardant dans le miroir. On ne se rend pas compte de toutes les images que nous créons chaque jour. Tout se passe dans l'écran du cerveau.
- Avec l'observation, l'énergie s'intensifie et se charge d'elle-même de ce qu'il faut. Mais soyez attentifs. On n'a pas besoin de se demander si on a assez d'énergie on non. Ce n'est pas comme regarder son portefeuille pour savoir si on a assez d'argent pour un achat...
- Comment évaluer cette énergie ? Une observation qui dure même une petite fraction de seconde va l'augmenter, sans que l'on soit conscient. Si pendant l'observation, sans image, une pensée surgit, vous la verrez clairement. Vous verrez clairement qu'elle n'a pas de valeur et qu'il n'y a pas à lutter avec elle. Tu peux me dire : « mais moi je dois aller régler une affaire dans un bureau, et je pense à ce qu'ils vont dire et à mes réponses, etc. » Tout le monde est ainsi. Mais pourquoi ne pas réaliser que l'on ne sait pas ce qui va arriver d'avance, que donc on n'a pas à s'en faire, et qu'il vaut mieux rester présent ? Et dans le présent, c'est aussi avec une énergie qu'on voit clairement la futilité des images, sinon nous ressasserons ce qui nous plaît...
- Pour résumer, tout est énergie. Nous la consommons surtout dans la pensée inutile. Faute d'une explosion intérieure, d'un éveil, le chercheur devra faire un effort pour s'observer et ainsi récupérer de l'énergie qui sera alors une aide essentielle pour voir plus clairement et aller plus loin. Mais ce n'est pas une connaissance... Tout se fait à l'intérieur de soi. C'est une intelligence supérieure à l'intelligence mentale, elle se chargera de nous. Tout est alors vécu dans le présent sans soucis, ni manipulations, ni calculs... C'est la paix.
Sans commencement
Karl Renz
- Certains éveillés disent que l'éveil arrive en dépit et jamais à cause d'une discipline spirituelle quelconque. Cela signifie que ce que tu es ne peut être influencé par aucune action ou non-action... Vois totalement que tu es malgré quoi que ce soit, que tu es sans cause, que tu n'es pas quelque chose ayant une cause et un effet. On appelle cela l'éveil, mais moi, je parlerai simplement d'une autre « tasse de café ». Ce n'est ni l'explosion d'un feu d'artifices de lumières ni les secousses d'un tremblement de terre spectaculaire. Ce n'est rien de spécial.
- L'éveil n'arrive jamais dans la vie de quelqu'un. Pour ce que tu es, il n'y a pas d'avant ni d'après, il n'y a pas d'histoire. Tu ne peux pas faire entrer ce que tu es dans une histoire... Il n'y a pas d'avant ni d'après l'éveil, Cela n'est jamais arrivé à personne... De toute manière, il ne s'est jamais rien passé. Même l'éveil ne se produit pas.
- Maintenant, il y a simplement faire ou ne pas faire, et tout ce qui est, est méditation. Mais il n'y a pas d'avant ni d'après, c'est toujours la méditation. Quand la méditation est intentionnelle, il y a une personne faisant quelque chose, un méditant. À présent, il y a la méditation sans l'intention d'obtenir quoi que ce soit.. sans attente.,, rien ne peut en découler. En voyant totalement que rien ne peut t'être donné ni enlevé, il y a ce qu'on appelle la paix immense, qui a toujours été présente. La conscience qui allait vers le mouvement de l'attente est maintenant là où elle doit être, nulle part.
- Cela a toujours été un fonctionnement impersonnel. Celui qui fait n'a jamais rien fait. C'est juste une idée. Chaque action est accomplie par la totalité de l'existence même. Ici-maintenant, il n'y a que la conscience. Chaque mot est dit par cette conscience et celui qui écoute n'est pas différent de celui qui parle. Il n'y a que la conscience.
- Il y a la douleur, mais elle n'est pas la souffrance. La souffrance dépend d'une psyché, d'une histoire de souffrance. Elle s'inscrit dans le temps. La douleur est comme une expérience dans ce maintenant infini. Si , plus tard, tu penses à cette douleur, tu crées une personne qui souffre à partir d'une idée. En prenant la douleur personnellement, tu crées la personne puis la détruis, mais elle n'a jamais été réelle. si tu t'éveilles, ne le prend pas personnellement, car il y a beaucoup de gens qui tombent dans le piège de se croire éveillé.
- C'est la beauté même, absolue, sans aucune idée de beauté ni de laideur. C'est la liberté même, dans l'absence de toute idée de liberté ou de non-liberté.
- Tu souffres uniquement parce que tu as l'illusion que la souffrance pourrait avoir une fin. Tu souffres d'une attente, tu penses qu'apprendre les leçons du passé t'apportera quelque chose pour le futur. En fait, tu veux t'éviter toi-même, car la douleur faut partie de la réalisation et toute expérience est une expérience de toi-même. Tu ne peux pas t'éviter toi-même, parce que tu es Cela. Tu es Cela !
- Cela est présent ici-maintenant. Rien ne doit partir ni venir pour Cela. Aucune circonstance particulière ne peut t'apporter plus de qualité ; aucune identification ou non-identification, aucune discipline ou non-discipline, aucune croyance, aucune foi. Tu es la qualité de l'existence même, le vivant même, tout ce que tu peux imaginer.
- Je te le dis, cette absence totale d'échappatoire est la paix. Si tu peux voir totalement que toute circonstance qui se présente ne peut être qu'une connaissance ou une réalisation relative, elle ne te satisfera jamais. Advienne que pourra. Tu te soucies ce ce qui vient uniquement parce que tu attends un soulagement, une solution, mais il n'y en aura jamais pour ce problème qui n'a jamais existé.
- La manifestation de l'existence jamais n'apparaît ni ne disparaît. Tu ne peux en changer le moindre aspect.
-Dire qu'il n'y a pas de libre arbitre est encore une idée, et ça n'aidera pas. Mais le plus beau, c'est que tu n'as besoin d'aucune aide de quiconque. Toute connaissance ou clarté que tu peux atteindre est de toute façon éphémère, mais la connaissance que tu es ne peut pas être donnée ni reprise, elle est absolument indépendante de toute idée de libre arbitre ou non. Les deux sont des concepts qui ne peuvent pas changer ce que tu es. Volonté de Dieu ou non, trouve d'abord Dieu, et ensuite on pourra en parler.
- De l'aide ? Non, je ne peux pas t'aider. Tu n'as besoin d'aucune aide et ce qui a besoin d'aide ne m'intéresse pas. Je t'aide peut-être à découvrir que tu n'as pas besoin d'aide.
- Aucun enseignement ou aucune méthode ne peut te faire atteindre ce que tu es..
- Chaque fois que tu penses être malade et donc devoir être guéri, tu sors de cette aise totale de l'existence pour plonger dans le malaise, dans la maladie de l'existence.
Les mains vides
Éric Baret
- ...les notions d'effort, de lâcher-prise et de travail sur soi... sont des images héritées d'une réflexion mentale et sont basées sur l'imaginaire d'une personne indépendante qui pourrait lâcher-prise ou faire un effort. Nous ne sommes pas séparés du cosmos et inconditionnés pour prétendre à une quelconque autonomie.
  Ce concept présuppose aussi un but à atteindre. Le fameux travail sur soi-même, particulièrement à la mode... est basé sur ces concepts typiques de notre monde en décadence ; dénigrement moralisateur de ses faiblesses, dans un premier temps, puis autosatisfaction quant l'individu a absorbé les idées transmises par son "école spirituelle". Ce "travail" s'exprime de façon explicite dans la fantaisie du surhomme, de devenir quelqu'un ou de se rapprocher du divin.
- Toute perspective personnelle ne peut être qu'une caricature aboutissant politiquement à une société dictatoriale et de manère métaphysique aux aberrations que nous rencontrons de nos jours : gourou réalisé, éveillé se prenant directement pour l'incarnation de la vérité, parlant à la première personne, au nom de Je Suis.
- Que de polissage de pierres pour en faire un miroir, de nettoyages de visage originel pour le dépoussiérer ; insulte à la vie et à la créativité sans limite. Combien d'êtres humains, pensant s'élever spirituellement, se sont détruits, castrés, martyrisés pour essayer de ne plus essayer.
- Il y a place pour une écoute où l'observation non psychologique de la perception se transpose dans l'action. Ce n'est pas la vision juste qui crée l'action juste ; la vision juste est l'action juste. En effet, tout ressenti corporer écouté de manière non intentionnelle est instantanément exprimé sous forme d'action. Dans la pratique, cette écoute se développe au plus haut point.

- Il n'y a personne pour lâcher-prise. Ceci clairement acquis, la pratique se révèle alors sous un autre jour : elle n'est plus là pour amener ou favoriser ce lâcher-prise, mais elle devient expression d'une vision métaphysique ; que la flèche parte toute seule et se plante dans le coeur de la cible ou que l'explorateur soit incapable de bander l'arc, tout cela apparaît dans la vie profonde, sans hiérarchie ni accomplissement. L'évidence d'un mouvement de yoga, d'une prise d'art martial ou d'un geste de danse nécessite, pour son accomplissement rayonnant, une totale absence d'intention. Pas d'auteur, pas de place pour un accomplissement rayonnant, uniquement la célébration de ce qui est.
- Dans nos sociétés, les tendances d'effort et de travail personnel sont de plus en plus valorisées. L'école partage cette responsabilité avec les institutions politiques et l'imaginaire familial. Tous participent à cette désinformation flagrante de la réalité. On enseigne aux enfants à devenir, à gagner, à s'accomplir, on valorise l'effort personnel. Les jeux olympiques, où l'art d'exploiter, pour des raisons nationalistes, jusqu'à la destruction discrète mais certaine de la corporalité des athlètes, sont un merveilleux sumbole de cette tendance.
  Une société équilibrée ne mettrait pas l'accent sur ce que l'enfant doit être ou devenir mais ce ce qu'il est. Elle serait à l'écoute de ses capacités et non pas de celles qu'il devrait avoir. De cette écoute découlerait une éducation fonctionnelle. ...créer des êtres libres d'orientation.. prêts à écouter véritablement les situations et à agir dans le sens de la réalité et non pas dans un sens idéologique.
- Volonté voudrait dire intention, penser qu'un mouvement apporte quelque chose. Le yoga n'apporte rien. C'est pour cela que c'est un art. L'art est gratuit, c'est cela son essence. La pratique est faite pour la joie de célébrer la vie. Il ne peut y avoir aucune volonté là-dedans. Sans attente ni demande on exprime la joie de vivre. Le corps connaît le mouvement juste.
- Vous ne suivez personne d'autre que votre écoute. Dans votre silence d'intention, le corps parle, bouge... Plus votre passivité est grande, plus la richesse tactile va devenir immense. Mais plus il y a d'intention, plus la sensation est bâillonnée par cette attente.
- Le corps est une invention de la peur. Dans la peur on veut se trouver, se sentir. Dans un moment de joie, de non intention, il n'y a pas de corps en tant que tension, défense ou affirmation, mais écoute disponible. Généralement, ce que l'on entend par corps est une masse de tensions, une peur... un imaginaire. Ce que vous contemplez dans la glace n'est que le fragment le plus extérieur du corps. Le yoga accentue la redécouverte d'un corps de ressenti sans refus.
- Quand vous êtes heureux vous ne le savez pas. Quand vous dites : « je suis heureux » c'est fini, vous le pensez.
- Mourir suffit. Quand vous dansez, vous ne dites pas : « je danse, je danse... », il y a ressenti, mouvement. Si l'appropriation jaillit, la danse s'arrête, vous êtes dans la pensée, le corps perd sa créativité, il devient mémoire. Celui qui vous regarde pour très bien voir si vous êtes un avec la danse ou si vous pensez danser. Le mécanisme de vouloir objectiver cette joie est très ancré. On ne peut pas le changer volontairement mais en devenir de plus en plus conscient. Combien je suis toujours en train de vouloir m'approprier ma vie. Je veux toujours faire une photo, la photo est triste.
  Quand je me rends compte, à chaque instant, de la richesse de la vie, je n'ai plus besoin de faire des photos. La joie est dans l'instant. L'instant d'après, la situation est finie, morte, elle n'existe plus. La joie est toujours là, c'est la seule manière créative de vivre. Il n'y a rien devant moi et rien derrière. Je n'ai pas besoin de m'inventer une vie, c'est la peur qui crée la carte de visite. La véritable carte est la situation de l'instant. Les caractéristiques apparaissent et disparaissent sans laisser de traces psychologiques. Si vous comprenez cela profondément, les psychologues prennent la retraite et les notions d'efforts, de lâcher-prise et de développement personnel retournent au musée de la peur. Respirez un peu, n'ayez pas peur de la vie. Dans votre écoute tout s'accomplit, rien à tenir ni à lâcher.
Hors l'effort, dans l'abandon
Thierry Vissac

- Les lois de l'effort et du travail qui régissent la vie personnelle sont généralement transposés dans la quête spirituelle... C'est oublier que la révélation spirituelle ne procède pas en réalité des mêmes lois.
- Le fait de s'attaquer à la réalité personnelle, c'est-à-dire de travailler sur elle, afin d'obtenir Cela qui précède l'existence personnelle et ce qui lui survit est un leurre, une erreur de parallaxe.
- L'éveil spirituel ne naît pas d'un "développement personnel". Nous devons comprendre que cet amalgame fort répandu entre le besoin de bien-être et la révélation spirituelle est à l'origine de toutes les confusions.
- ...le fait de traiter par la pensée, la réflexion ou l'effort les sphères de la vie personnelle ne "produira" pas l'éveil.
- Le chercheur spirituel est le grain de sable dans la mécanique cosmique.
L'amélioration qu'il recherche désespérément est fondée sur l'ignorance de sa vraie nature autant que de la condition humaine. La première est éternelle, la seconde est éphémère... Chaque fois que nous voulons modifier durablement les choses en surface de notre vie, comme si celle-ci était éternelle et modifiable à notre gré, nous participons à l'hypnose collective et non à une démarche spirituelle. Quand la volonté de modifier notre apparence, nos aptitudes, notre destin s'inscrit dans la quête spirituelle, nous sommes alors dans la forme la plus dévoyée de la spiritualité.
  Si le travail est une lutte, un effort, la révélation de notre nature véritable se manifeste dans l'abandon de toute lutte et de tout effort personnel.
- Dans la conscience que notre recherche est faussée dès le départ par les anticipations et les espoirs du chercheur, il est possible que se relâche un peu, le temps d'un éclaircie peut-être, la formidable tension de la quête, à l'origine de toutes les souffrances et de l'aveuglement général sur la merveille de l'instant déchargé des angoisses concernant l'avenir et le futur.
  Voilà en quoi la quête spirituelle est souvent en empêchement ; elle est saturée de nos attentes, de nos fantasmes et de nos impatiences. Elle projette dans un futur hypothétique une merveille dont chaque instant serait dépourvu. Elle n'envisage pas la possibilité que la merveille soit déjà présente, ici, tout de suite et que notre crispation spirituelle ne soit, en réalité, que le paravent principal masquant l'objet véritable de notre quête. L'aspiration spirituelle originelle - avant qu'elle ne s'alourdisse des fantasmes de l'ego spirituel - ne nous parlait ni de "devenir" ni "d'amélioration". Elle nous murmurait intimement la promesse de l'abandon, de l'accueil inconditionnel à un instant déjà plein. C'est un peu comme si vous aviez commencé cette lecture en espérant trouver la lumière à la fin et que je vous proposais de jouir de chaque mot comme une fin, ou une lumière, en soi, comme si je vous disais que la fin du texte n'apporterait pas "plus" que les mots eux-mêmes et l'espace entre eux, ni même que l'espace avant tous ces mots.
  La mémorisation de tous les mots pour accéder à la compréhension tant attendue correspond à l'idée du travail qu'il faut fournir pour accéder quelque part, c'est ce que j'appelle la course spirituelle.
  L'accueil de chaque mot, tel qu'il se dévoile, au rythme tranquille d'une lecture sans attente, correspond à l'abandon des velléités du chercheur spirituel, quand ce dernier, à bout de course, permet à la vérité de l'instant de se manifester librement.
  La grâce est toute entière dans l'instant le plus commun, dans l'espace entre deux mots, dans l'espace entre deux stages et deux méditations, dans l'espace apparemment moins gracieux entre deux extases.
- Il est devenu nécessaire de relâcher la pression. Ce relâchement ne saurait êre un laisser-aller, il ne s'agit pas du ras-le-bol qui implique encore plus d'inconscience, mais d'une ouveture totale à "ce qui est", chaque instant, ici, en soi, hors de soi et, donc une conscience de toute chose sans frein, aiguë, parce que désembuée des nuages de la quête.
  L'identification à la mécanique de l'ego se dissout dans ce relâchement (qui porte ce nom par opposition à la tension formidable de la quête, c'est en fait une vigilance accrue bien que spontanée).
  Alors que dans l'effort de la course vers le podium spirituel, l'ego s'était bercé des promesses mirifiques de la quête pour fuir vers un ailleurs et un "autre que soi", au moment de la chute soudaine du coureur, se révèle une possibilité jusque-là voilée par la tension de la course : la disponibilité infinie qui apparaît dans la disparition du mirage de la quête.
  L'ego, qui ne peut exister que dans le projet et le devenir, à la fois s'éteint et s'éclaire dans la lumière de cet instant de libération, qui est immortel parce que vivant à tout autre instant, ou plus exactement, le même instant éternel désormais débarrassé du filtre linéaire du temps.
  Dans ce sens, il est possible de parler d'une amélioration, mais elle est fortuite, non-créée, non anticipée et ne se présente pas comme un aboutissement.
- C'est sur un plan plus fondamental que nous avons entendu le murmure à l'origine de notre quête, c'est dans cet Abandon que se révèle la Paisible nature de l'être, c'est dans ce non-effort radical que surgit la joie simple d'être vivant, renouvelable à l'infini... Aussi longtemps que la pression de la quête et toutes les anticipations qui lui sont attachées ne viennent pas l'emmurer vivante.
  Voilà le plus grand service que nous pouvons rendre à nous-mêmes et à l'humanité.

L'effort joyeux
Francis Lucille
- Je n'envisage le chemin qui mène à la joie que sous la forme d'efforts joyeux et créatif. Celui qui, par exemple, aime jouer au tennis fournit un grand effort pour le corps mais comme il aime le tennis, son effort est joyeux... Comment la misère pourrait-elle conduire à la joie ?
- Le chercheur doit suivre sa joie : il ne faut pas qu'il agisse par devoir mais plutôt par plaisir... Les deux éléments les plus spirituels sont le bonheur et la liberté, il faut se l'accorder à nous-mêmes, déjà dans notre recherche.
Effort ou lâcher-prise ?
H.W.L. Poonja
- Ne faites aucun effort, parce que, à cet instant, tout effort vous éloigne de cet endroit. Le mental veut toujours faire quelque chose... Ne laissez venir aucune pensée...
- La vérité ne peut pas être comprise. Tout ce que vous pouvez comprendre appartient au passé... Cela ne peut pas s'expliquer ni se comprendre par le mental, car au moment où cela se passe, ce dernier a disparu. Quand il est présent, la vérité ne peut pas être connue. Pour qu'elle se révèle, il doit s'en aller...
- Cet état qui se conquiert par l'effort disparaîtra tôt ou tard. Ce n'est pas l'état naturel (sahaja) qui est toujours présent et qui ne nécessite aucun effort pour se révéler... Sahaja ne peut jamais venir d'un effort ou d'une pratique. Il ne peut pas s'atteindre, car il est toujours présent. Jamais il ne vient ni ne s'en va. Si vous restez simplement tranquille et laissez les choses venir d'elle-mêmes, vous découvrirez que c'est cela qui est toujours présent. Vous n'en êtes jamais éloigné ni séparé.
- L'homme qui est en sahaja ne revendique rien comme lui appartenant, pas même ses pensées.
- Tout ce qui s'accomplit est accompli par la Puissance suprême. Sans elle, je ne pourrais même pas lever la main. Les problèmes commencent lorsque vous pensez : « Je suis en train de lever la main ». N'amenez surtout pas cette idée égotiste. Laissez cette Puissance suprême prendre en charge toutes vos actions et ayez conscience que c'est elle seule qui les accompli. N'ayez jamais l'idée que rien ne peut arriver à moins que vous n'en décidiez ainsi... Sans elle, rien ne peut fonctionner, mais personne n'en a conscience.
De la nécessité des efforts conscients
Salim Michaël
- Ce n'est que lorsque le chercheur parvient à s'éveiller et à se décoller de sa condition d'être habituelle qu'il peut réussir à maintenir son regard tourné vers l'intérieur de lui-même pour commencer à reconnaître un autre aspect de sa nature, qui lui était caché jusqu'alors - un aspect transparent et Céleste qui est libre et indépendant des contingences du monde phénoménal... cet aspect de lui-même demeure généralement hors de sa portée, dissimulé par le mouvement incessant de ses pensées et le bruit étourdissant de ses bavardages intérieurs avec les divers états émotionnels qu'ils provoquent en lui..
- L'être humain est tellement identifié à ce qui l'entoure et séduit par le décor du monde du dehors, avec toutes ses variations de couleurs, ses odeurs agréables, ses formes attrayantes... qu'il finit, pour ainsi dire, par dormir en lui-même. Il oublie l'impermanence de tout cela et finit, sans en avoir conscience, par n'accorder de crédit qu'a ce qu'il s'est habitué à voir avec ses yeux... Seules les choses visibles et palpables ont une réalité et une valeur pour lui..
- Le monde sublime est un océan de tranquillité et de félicité perpétuelles, et, par contraste, le monde phénoménal est un océan de mouvement, d'agitation et de tourments perpétuels.
- Toute pratique doit se faire uniquement pour l'amour de la faire, sans le désir d'obtenir quoi que ce soit en retour.
Méditer, qu'est-ce que d'est ?
Soulanges

- La sensation du corps est la substance intérieure la plus consistante et la plus stable qui existe en l'homme. Elle est ce qu'il y a de plus réel dans l'état de l'homme tel qu'il est. En elle se tient le sens de l'incarnation de l'âme humaine. La sensation est l'exacte rencontre entre le corps et l'esprit. En elle réside une potentialité qui cherche à s'actualiser et qui donne tout son sens à cette incarnation. Ce corps est un véhicule mais contient aussi un oeuf, un germe, qui peut être métaphoriquement fécondé par l'esprit.
- La puissance des énergies animant le corps, se transformant et se dispersant au travers de ce corps hors de toute intention consciente, cette puissance est telle qu'elle réalise au travers de ce même corps l'aliénation de l'esprit.
- En posture, recevoir la sensation d'un membre (tête, bras, main, etc.). Se tourner vers le corps, c'est réaliser un mariage entre moi-même et le corps que j'habite.
- La sensation est beaucoup plus stable que les pensées. La qualité de son énergie et sa rapidité est bien différente. Alors "moi", pris dans l'agitation de ce flot de pensées, se raccroche comme il peut à cette sensation. .. Or, je n'ai même pas le début d'une perception concrète, réelle, de l'infinie différence entre le monde de la sensation et celui des pensées. Grâce au développement psychomoteur de la toute petite enfance, le corps répond si rapidement à mes demandes (formulées par les pensées) que j'en viens à oublier qu'il est d'une nature tout à fait différente, c'est-à-dire qu'il pourrait connaître une vie propre dégagée du fonctionnement mental. La seule trace qu'il m'en reste, c'est au travers de la souffrance et la maladie ou de la douleur physique d'une agression corporelle. Mais il est un monde du corps qui n'est pas lié aux mouvements pour lesquels je l'utilise, je l'éduque, un monde plus profond, plus méconnu, celui de la sensation. La sensation est une porte ouverte vers le monde intérieur composé de milliards de cellules vivantes, fait à l'image de l'univers...
- Alors, comment recevoir une sensation ? Comment la recevoir (et non pas la penser) si je suis dans un tel état de tension intérieure ? Cette crispation intérieure me constitue tout entier. "Moi" n'est qu'une grande contraction. Comment commencer à entendre que le son du corps, le son de la sensation est tout à fait différent du son des pensées ?
  L'un des pièges que je rencontre tient aux crispations du corps que je perçois quand je me tourne vers la sensation du corps. Je ne perçois pas que les crispations corporelles sont toujours l'effet de tensions psychiques et n'appartiennent pas en propre au corps sensation. La perception d'une crispation appelle comme une réponse automatique et mécanique, celle d'un quelque chose à faire pour la détendre. À nouveau, il n'y a pas de place pour faire cette expérience fondamentale d'un son tout à fait différent de celui que j'entends constamment dans la vie quotidienne. Il n'y a aucun doute, pas même un instant, sur la possibilité de l'existence d'un monde différent... Je suis certitudes définitives sur la nature de mon corps. Ce sont des certitudes qui achèvent de me rendre sourd. Ainsi, je ne sens pas que la souffrance physique est une sensation qui contient une forte excitation nerveuse. Et que c'est seulement par le biais de cette excitation que quelque chose du corps sensation me parvient à la conscience. Autrement dit, rien d'une sensation simple, avec tout ce qu'elle peut contenir d'enseignement ésotérique concret dans la perception progressive d'une Vitalité intérieure, ne peut pénétrer dans mon univers.
  Quand ce doute commence à apparaître, quelque chose dans la qualité de la conscience change. Plus exactement, il est possible de vérifier que je ne suis plus complètement dans des pensées de veille mais dans un début de conscience. Je ne suis pas encore dans la sensation, mais comme au bord. La sensation semble prendre plus de consistance, plus de réalité. Et paradoxalement, elle semble résister à la pénétration de la conscience. Cette résistance est un signe, celui de la Réalité de l'expérience que je vis. La sensation résiste à la pénétration de la conscience. Cette résistance, si je ne me dérobe pas, si je ne perds pas le contact, tend à renforcer la qualité de ce début de conscience. Elle lui communique une énergie nouvelle et inconnue.
  Ce que nous nommons perception d'une sensation est souvent une excitation, c'est-à-dire une sensation déformée et amplifiée par les crispations issues des pensées qui se saississent du corps ou par l'agitation des émotions que se déchargent continuellement dans le corps. Nous confondons la perception totalisante (car elle prend toute la place) d'une crispation musculaire avec le ressenti quasi cellulaire de la sensation d'un segment du corps, qu'il soit crispé ou détendu (mais attention, cette proposition met déjà en route un projet mental d'emprise du corps par le biais d'une exercice : "conscience des cellules").
  Ce serait un regard équanime et beaucoup plus sensible qui se poserait sur une partie du corps sans être attiré, sans que le contact avec cette partie se restreigne aux tensions qu'elle contient ? Là encore, la confusion est possible. La sensibilité peut s'avérer être une pensée sur le corps, et l'absence de crispation apparente, le signe d'un état de passivité. Seule, cette expérience d'une résistance de la sensation à la pénétration de la conscience à laquelle j'assiste est le signe que je ne suis pas en train de dormir.
  Quand la nature de la relation au corps sensation se transforme ainsi, le corps connaît une vie nouvelle. Mais surtout, le Regard connait - et se connait - dans une nouvelle profondeur.

Une spiritualité qui transforme
Ken Wilber
- La religion a toujours rempli deux fonctions très importantes mais très différentes l'une de l'autre. D'un côté, elle agit pour créer du sens pour le moi séparé : en offrant des mythes, des histoires, des contes, des récits, des rituels et des reconstitutions qui ensemblent aident le moi séparé à trouver du sens et à endurer les revers et les blessures de la dure destinée. Cette fonction de la religion ne change pas nécessairement le niveau de conscience d'une personne ; elle n'offre ni transformation radicale, ni la possibilité d'une libération qui pulvérise complètement le sentiment d'un moi séparé. Au contraire, elle offre consolation pour le moi, elle le fortifie, le défend et lui donne de l'importance. C'est la fonction de translation, à l'horizontale... Dans la translation, le moi accède simplement à une nouvelle façon de penser, de ressentir la réalité. On lui offre une nouvelle croyance, nouveau langage ou paradigme, nouvelle façon de penser le monde, et cette translation nouvelle et enchanteresse agira, au moins de façon temporaire, en soulageant ou diminuant la terreur qui par nature est tapie au tréfonds de moi séparé.
- D'un autre côté, la religion a aussi servi - et cela pour une très petite minorité d'individus - de fonction de transformation radicale, de libération. Cette fonction de la religion ne fortifie pas le sentiment d'un moi séparé, elle le pulvérise totalement. Au lieu de la consolation, elle apporte la ruine ; de retrait, le vide ; de contentement de soi, une explosion ; de reconfort, une révolution - bref, plutôt qu'un appui conventionnel, cette fonction provoque une transmutation, une transformation du fondement de la conscience elle-même. C'est un mouvement de type vertical... Le processus même de translation est mis en question, devient objet d'enquête, observé, sapé pour finalement être mis en pièces, étranglé. Le moi est mis en cendres. Dans la transformation authentique, il n'est plus question de croyances mais de la mort du croyant... plus question de trouver du reconfort, mais l'infini de l'autre côté de la mort.

- Toutefois, translation et transformation sont deux fonction incroyablement importantes et indispensables. La translation remplit un rôle absolument nécessaire et crucial pour une part essentielle de notre vie. Ceux qui ne peuvent translater correctement, avec un certain degré d'intégrité et de véracité, tombent rapidement dans la névrose ou, pire, dans la psychose. Le monde cesse alors d'avoir du sens. Sinon, c'est la régression, le désastre, l'écroulement des frontières entre le moi et le monde, le chaos social. La translation offre une légitimité au moi, une légitimité pour ses croyances, paradigmes, visions du monde et façons de vivre. La religion sert ainsi de ciment social pour une culture.
- Là où la religion de translation apporte légitimité, la religion de transformation offre authenticité. Les quelques individus qui sont mûrs - c'est-à-dire dégoûtés des souffrances du moi séparé et désormais incapables d'embrasser la vision du monde légitime - entendent de plus en plus intensément l'appel à une authenticité, un éveil, une libération sur l'horizon perdu de l'infini.
- La conscience légitime est sanctionnée par le consensus, adoptée par l'esprit de troupeau, embrassée simultanément par la culture... Mais la conscience authentique pulvérise tout ce que le monde pense être légitime pour s'installer dans une perspective qui ne voit qu'une infinité radieuse dans le coeur de toute âme et ne respire qu'une atmosphère d'éternité extraordinairement simple. Elle ne satisfait pas le moi, elle le défait.
- Le pourcentage de gens engagés dans une spiritualité authentique est toutefois misérablement infime, autant en orient qu'en occident. Ce sont de rares joyaux, moins de ,001% de la population.
- Ce que nous devons faire dans un premier temps, c'est de mettre à la disposition des autres une méthode plus adéquate de translation de leur condition. Nous devons commencer par des translations salutaires avant de pouvoir offrir de façon efficace des transformations authentiques. Car si vous retirez de façon trop abrupte à un individu son mode de translation, il risque d'en résulter une régression et dépression... Les pratiques translatives et de transformations mineures sont un préalable nécessaire à la transformation ultime. On privilégie une approche globale de la transformation dans son ensemble, une approche qui honore et incorpore beaucoup de pratiques recouvrant les aspects physiques, émotionnels, mentaux, culturels et communautaires de l'être humain. Cela pour se préparer vers l'état toujours/déjà présent.
- Non pas un chemin pour atteindre l'Éveil, mais une investigation du pourquoi de ce désir d'Éveil. Le désir d'Éveil n'est en fait que la tendance avide de l'ego de tout saisir. Ainsi, c'est la recherche même qui nous empêche de le vivre. De toute évidence, le but de cette recherche est d'éviter le présent et seul le présent détient la réponse.. chercher l'esprit équivaut à nier l'esprit.
- L'authenticité porte en elle de façon absolue une obligation et un devoir. Vous devez l'exprimer, secouer l'arbre de la spiritualité.. au mieux de votre capacité. Vous devez laisser cette réalisation radicale déferler à travers vos veines pour ébranler ceux qui vous entourent. Elle porte en elle un terrible fardeau, l'obligation de communiquer cette vision... par le rayonnement... de dire votre vérité avec toute la passion et le courage que vous pourrez puiser dans votre coeur... tout en embrassant une tolérance absolue pour tous les points de vue...
- Nous sommes le monde dans sa totalité avec toute sa froideur et sa fièvre, toutes ses gloires et sa grâce, tous ses triomphes et ses larmes. Nous ne regardons pas le soleil, nous sommes le soleil ; nous n'entendons pas la pluie, nous sommes la pluie ; nous ne touchons pas la terre, nous sommes la terre. Et dans cette lumière simple et claire, nous nous retrouvons transformés en Coeur du "Kosmos" lui-même et là, à ce moment précis, tout simplement, tout tranquillement, tout est défait.
- ... le moi et les autres, le dedans et le dehors n'auront plus de sens pour nous... Nous pénétrons doucement le brouillard de ce monde et le transformerons totalement en ne faisant rien.
  Et alors, et seulement alors - avec compassion, soin et clarté - nous écrirons enfin, sur la tombe d'un moi qui n'a jamais existé : Toit est Esprit... il n'y a qu'esprit éveillé partout où vous posez les yeux.
Travail et « contre-travail » intérieurs
Hubert Benoît
- L'expérimentation de la vie et la compréhension sont les deux premières phases du développement humain ; elles correspondent à la première moitié, convergente, de la réalisation humaine, au travail intérieur que tout un chacun est amené, tant bien que mal, à effectuer dans la quotidienneté de sa vie profane. Au cours de cette première période, de cette réalisation convergente ou vitale, l'homme éprouve la vie et, utilisant la compréhension, ordonne son monde intérieur convergent, découvre sa vision personnelle des choses, établit avec le monde extérieur les connexions qui lui conviennent.
  C'est la période de la vie dans laquelle nous sommes engagés. Nous éprouvons les choses par l'expérience et la compréhension que nous en avons, mus par le seul désir d'éprouver.
  La seconde période, ou phase de détachement, est celle d'une réalisation divergente, un contre-travail intérieur qui ne peut commencer qu'après la réalisation vitale ; non en s'y substituant, mais en s'y ajoutant... La réalisation divergente n'est possible que lorsque la réalisation vitale est entièrement et harmonieusement établie.
- Le lâcher-prise, processus de divergence par excellence, n'est pas possible si, au préalable, il n'y avait pas prise. Les efforts de décontraction mentale supposent acquise l'habitude de la contraction. Il faut qu'un faire soit développer en moi pour que je puisse lui échapper en un "ne pas faire".
- Quand un homme est arrivé à se compenser réellement et à comprendre avec évidence que les joies les plus merveilleuses et les plus stables sont impuissantes à lui donner sa réalisation totale, il est apte à comprendre la nécessité de la réalisation divergente et à s'y appliquer avec fruit.
- Lorsque nous nous engageons dans une pratique spirituelle, nous prolongeons la processus égotique de vouloir éprouver, de vouloir vivre ou développer des sensations plus subtiles, etc...
- Tout travail intérieur libérateur revenant en somme à vouloir éprouver une chose ou l'autre, le contre-travail dont le développement est nécessaire pour nous équilibrer et nous offrir à la révélation de notre liberté doit être compris comme ce "non-vouloir éprouver".
  Le "non-vouloir éprouver" qui se développe en face du "vouloir éprouver" ne diminue pas ce dernier ; il l'accomplit en l'épaulant de sa contradiction complémentaire.
- Le lâcher-prise n'est pas quelque chose à quoi je puisse m'exercer ; je dois m'exercer à la non-volonté d'éprouver.
- Le travail réel du détachement ne consiste pas à se détacher de tout sauf d'une chose, cette chose fût-elle même l'idée du détachement ; il consiste à se détacher de tout, à se détacher de la source même de notre attachement, il ne s'agit pas pour nous de lâcher telles ou telles prises ; il s'agit de lâcher-prise.
Un regard depuis l'espace intérieur
Ligia Dantes
- Apprendre de quelqu'un "comment faire" pour se changer soi-même participe du mode de fonctionnement de la personnalité et de son comportement. Découvrir notre façon de fonctionner comme un mécanisme complet, SpirituPsychoPhysicalité, est un processus de transformation qui se révèle par la vision pénétrante, et dont le résultat s'exerce dans l'organisme humain au niveau cellulaire et influence totalement l'expérience de la vie.
- Nous devons nous interroger si nous essayons de changer un mécanisme naturel en suivant aveuglement ce que nous avons appris sans le mettre à l'épreuve...
- Le défi est de voir de façon neuve, en conscience, à partit d'une vision pénétrante.
- Si l'investigation, notre travail intérieur, est intellectuel, sous-tendu par des déductions logiques, le résultat est important pour notre connaissance, mais il est limité. Ainsi, nous pouvons constater à quel point la curiosité à connaître est orienté dans le but d'atteindre un niveau de conscience différent, avec un programme, un objectif, etc... pour le développement personnel, devenir une personne admirée, ou éveillée. Si l'on se reproche à soi-même les pensées ou les émotions que l'on observe, ceci veut dire qu'un jugement est émis, ou une appréciation par rapport à ce que nous devrions être selon notre savoir. Il s'ensuit donc un désir de changer, ce qui va à n'en pas douter nécessiter un effort.
  Lorsque le processus déborde la sphère de l'auto-analyse intellectuelle, nous réalisons, avec toutes les composantes impliquées dans le processus, expérimentalement, en pleine conscience, que nous sommes totalement observation. Nous observerons que, dans notre travail intérieur, des pensées accompagnées d'émotions et de sensations physiques apparaissent. Toutes sont totalement interconnectées, et se produisent en même temps. Ceci est un mécanisme naturel, aussi n'y a-t-il rien à changer ; il est simplement à expérimenter dans sa globalité. Permettre à tout de se produire, comme le fait une fleur dans son épanouissement, est un regard provenant du véritable espace intérieur. Il n'y a alors aucun jugement, aucune comparaison, pas de commentaire ou d'histoire, pas de conflit, rien à conserver ou à laisser aller ; et donc, pas d'effort.
- Toutes les questions sont des mouvements conscients d'une curiosité intérieure naturelle issue d'une maturation spirituelle, il s'agit d'un regard totalement neutre sur ce qui est... La réponse se découvre dans la question elle-même... Là où nous sommes, selon ce regard provenant du véritable espace intérieur, la compréhension du fonctionnement naturel ne devrait plus être seulement intellectuelle, mais devrait s'étendre à l'expérience complète de l'inconfort (celui dû à l'effort produit), et ainsi pourrait se découvrir clairement l'aspect réel ou illusoire de l'effort.
- La question
(Comment puis-je lâcher-prise ?) manifeste explicitement la continuelle croyance que quelque chose doit être lâché, et qu'il y a une entité dont la fonction est de mettre en oeuvre ce processus de lâcher-prise. Les enseignants inculquent cela depuis des temps immémoriaux. Mais la question de savoir comment devenir libre des pensées, des émotions et des attachements persiste, et témoigne ainsi d'une inadéquation, en l'absence d'examen intérieur, des instructions spirituelles. Malheureusement, nous ne réalisons pas à quel point nous sommes gouvernés par nos pensées continuellement conditionnées. En outre, nous sommes conditionnés à suivre des experts plutôt que d'être, sur le vif, decouvreurs de vérité.
- Nul n'a à vous dicter comment faire cela. Vous avez la capacité d'investigation dans l'instant présent, d'une façon toute naturelle.
- Ce que les gens appellent lâcher prise aux sentiments, ou aux émotions, demande le même processus d'observation. L'attention se trouve sur les sensations, et les conséquences qu'elles entraînent sur l'ensemble de l'organisme au moment précis où elles apparaissent. Vous expérimenterez que ces sensations s'accompagnent de pensées, et vous constaterez de plus qu'une histoire est attachée aux émotions ou aux sentiments.
  Constatez, s'il vous plaît, que les sentiments, les émotions et les sensations se manifestent toutes dans le présent, et sont très réelles pour l'organisme. Le contenu des pensées qui les accompagnent sera toujours lié au passé (même d'une fraction de miliseconde) ou au futur, comme un désir de perpétuer un sentiment ou au contraire étouffer une émotion indésirable.
- Nous avons besoin de découvrir directement la vérité de l'expérience totale dans l'istant présent (par la vision pénétrante), et de voir clairement combien elle différe des représentations mentales linéaires se déroulant via le fonctionnement de la pensée.
- Se connaître de façon directe est un processus naturel ne requérant aucun effort. Pourtant, il demande une attention totale, et une détermination provenant d'une curiosité insatiable quant au fonctionnement humain qui n'obéit à aucune organisation.
- Découvrons d'abord de façon directe les illusions formées par nos représentations mentales, lesquelles construisent notre réalité. ...une découverte qui se fait à partir de la vision de l'espace intérieur vrai, qui se fait sans l'aide des dogmes, des systèmes de croyance, ou d'explications scientifiques. Peut-être alors pourrons-nous voir clairement que notre épanouissement spirituel est un chemin naturel sans effort, alors que chercher à nous changer nous-mêmes afin de se conformer à des images projetées par les autres nécessite un effort.
L'Alchimie de la réalisation
Éric Sablé

- Krisnamurti rejetait toute méthode, tout système, toute autorité. Il ne parlait pas de maîtriser ses pensées ou ses désirs, mais de les comprendre, de les appréhender de l'intérieur, d'être à l'écoute de son être profond. Il prônait un voyage de découverte dans les recoins les plus secrets de notre conscience, de voir ce qui est avec innocence, humilité, dans une saisie globale, affranchie des strates du passé.
  Pour Krisnamurti, toute pratique de la méditation est une volonté du Moi et comme telle, absurde, le moi ne pouvant vouloir tuer le moi. Toute discipline est donc illusoire...
  Mazu employait des images saisissantes comme : « Vouloir maîtriser les pensées c'est comme vouloir saisir le vent ». Les pensées doivent se déployer librement, sans attaches, dans l'esprit. Et ce flux libre est le véritable éveil...
  S'attacher au bien, rejeter le mal, contempler la vacuité, entrer en Samadhi, tout cela n'est que création de l'esprit.
- Nous pouvons mêler en une même pratique l'effort et le non-effort, l'ascèse et l'absence d'ascèse, la dualité et la non-dualité, comme une respiration, qui s'harmonise avec la pulsation, le battement du grand coeur cosmique qui alterne partout dilatation et contraction. De plus, le but n'est pas simplement l'éveil, mais que l'expérience spirituelle se répande progressivement dans la totalité de l'être, intégrant dans un mouvement spiralé tous les aspects de la psyché.

- ...une réalisation se poursuivant de vie ne vie, descendant dans les aspects toujours plus obscurs de la personne.
- Nous pouvons être installés dans l'éveil, perpétuellement ravis en Dieu, comme certains soufis, et pourtant loin de la réalisation qui demande une transmutation de la totalité de notre être.
- En fait, la quête est un processus alchimique où les terres émotionnelles et corporelles sont progressivement transfigurées, pour donner.. un corps arc-en-ciel ou un corps de gloire...

 
Autres pensées ou extraits
- "L'effort est une aide ; l'effort est l'entrave." Sri Aurobindo
- Le travail sur soi... De quel effort ou de quel lâcher-prise s'agit-t-il ? Le questionnement, l'attention et la passion à découvrir comment et pourquoi nous travaillons intérieurement nous apprennent à « être en travail »... au sens spirituel de l'accoucheur socratique, la meilleure expression pour que l'effort s'adonne au lâcher-prise libérateur.
- "Tout ce que nous cherchons vraiment : la paix, la liberté, la connaissance, l'amour, etc., nous attendent au Centre de nous-mêmes : pourquoi ne pas y revenir puisque c'est si simple ?"  Douglas Harding et José Leroy

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