Textes
d'auteurs (2008) | |
Souffrance
et Libération 3e Millénaire, Hiver 2004, No 70 NB: De courts extraits d'articles de la revue, parfois légèrement adaptés. | |
De
la souffrance à la joie Marianne Dubois |
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L'autre n'est plus un ennemi, il nous conduit vers nous-mêmes. Cela nous
permet peut-être de voir, comprendre, vivre que l'autre est une partie de
nous, que nous ne sommes pas séparés, excepté sur un plan
apparent. - Il est évident que sur le plan de l'absolu, aucune démarche n'est à faire et tous les chemins disparaissent. Mais aussi longtemps que nous habitons la souffrance et le « relatif », nous aurons l'illusion de croire à nos démarches et nos chemins. - Prenons l'exemple d'une maladie très grave... Entrons dans cette souffrance pour pénétrer son secret. Au lieu de nous laisser envahir par la peur ou le désespoir, voyons comment nous unir à notre maladie, la voir autrement, par exemple comme un langage, ou une invitation au détachement, ou un poteau indicateur, ou une ouverture du coeur, ou un sentier vers le divin, vers une compréhension approfondie de soi-même et des autres. - À partir de la reconciliation avec les circonstances, avec tout ce que l'on ne peut pas changer, la joie s'achemine, invisible d'abord, elle s'insinue jusque dans la moindre parcelle du tissu corporel. Quand le terrain est déblayé, elle peut rire, grandir, éclater, irriguer notre corps et notre vie... Elle est le joyau divin qui n'a pas de frontières et se propage de coeur en coeur. |
La fonte des neiges Jean Bouchart d'Orval |
- La vérité est que rien ne libère l'homme... Dans un regard
désencombré, il n'y a pas de place pour la moindre démarche
de libération. Vouloir devenir libre c'est encore vouloir. Or, vouloir
c'est toujours vouloir autre chose que le réel. N'est-ce pas là
l'essence même de la souffrance ? Qu'est-ce que souffrir sinon entretenir
une distance entre le réel et un imaginaire ? Plus grande est cette
distance et plus énorme est la souffrance ressentie. Les stratégies
interventionnistes exigent d'exciser certains éléments de sa vie
afin de trouver la tranquillité et la liberté. Elles nous enjoignent
de changer nos habitudes, notre manière de penser, notre alimentation,
notre sexualité, de nous purifier, de nous améliorer, de mériter
le prix à venir. Elles reposent toujours sur le leurre d'une transformation
personnelle délibérée. |
Souffrance
et contemplation Jean Klein |
- Si vous
vous identifiez à votre douleur, vous êtes complètement noyé
dedans et alors vous luttez, vous vous défendez. La douleur vous permet
de voir que vous n'êtes pas ce qui est douloureux, vous êtes ce qui est
conscient de cette douleur. Quand vous laissez la sensibilité s'éveiller complètement, à ce moment-là, il y a une masse de sensibilité mais il n'y a plus de douleur, il reste une sensation. - Quand tout va bien, le plaisir, les choses agréables sont, pour nous, naturels, évidents et nous pensons y avoir droit tandis que la présence de la douleur, de la souffrance, nous donne la possibilité de nous situer dans un axe qui se trouve au-delà, une Présence silencieuse. - La douleur n'est que l'Harmonie rompue... ce déséquilibre ne provient pas de la nature elle-même, mais d'une intervention d'un moi, d'un sujet, d'une personne. Cette personne isolée crée le conflit, la disharmonie. Quand vous contemplez la souffrance ou la douleur, vous vous détachez de la personne et, dans cette position qui est votre nature naturelle, qui est attention totale, cette conscience "une" permet à toutes choses de rentrer dans l'ordre, que ce soit pour vous ou pour une autre personne. - Nous sommes la Joie ! La tristesse n'existe pas... Le moi préfère la tristesse à une absence du moi ! |
Le mythe de l'illumination.. Satyan Nadeen |
- Nous espérons être éveillé
pour que la vie devienne une partie de plaisir, mais la vie d'un maître
éveillé se poursuit avec les mêmes problèmes que tout
le monde ! - Le témoin laisse le mental suivre sa course naturelle et habituelle jusqu'à ce qu'un jour, nous commencions à prendre conscience de la futilité et du vide d'une vie de recherche. La translation peut se produire que dans la tranquillité et la solitude. Mais elle va à l'encontre de la nature véritable du mental. Celle-ci est de ne jamais être tranquille et seul... Nous ressentons alors profondément un désespoir et un abandon, nous voyons la futilité de nos relations mondaines, de nos carrières peu satisfaisantes et, par dessus tout, nous sentons que Dieu nous a tourné le dos. Finalement, tout ceci nous force à nous taire, à être tranquille et à écouter le faible chuchotement du Témoin. Cela ravive ensuite les souvenirs enfouis de ce que nous sommes réellement. - Une fois que nous nous éveillons, non seulement les problèmes ou "troubles" de la vie quotidienne ne vont pas disparaître, mais ils permettront notre délivrance de tous les concepts et des conditionnements. En effet, la compréhension de ce que vous êtes s'approfondit chaque fois qu'un de ces soi-disant problèmes est observé par le Témoin, de sorte que s'installe le lien avec l'Être essentiel. |
Libre
et conscient... Soline |
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Si tu veux être libre, élève-toi
au-dessus de ta souffrance. - Ce soir, j'ai si mal. La douleur est un fer dans mes plaies... Je résiste, je me recourbe sur moi-même pendant qu'on pleure partout dans le monde, en silence. Voici l'homme réduit à sa plus pénible expression : celle de sa souffrance, dont il fera état, pendant et après, dans de beaux poèmes déchirants, des chants, des odes. - Ce qui souffre en Lui s'abandonne à ce qui Est et se soumet, se dilue... Il n'est pas cette souffrance. Il est libre. Il ne réclame pas de dommages et intérêts.. son âme se purifie au service. Il ne se constitue pas en martyr. Il fait ce qu'il y a à faire, en berger. - Je ne me cabre pas, j'entre librement dans ma passion, mon état d'homme, l'incarnation qui m'est donné, jusqu'au bout, courageusement, parce que Cela n'est pas autre chose que ce que je suis moi-même. Ainsi, je ne me vois pas identifiée, ni au statut, ni au rôle, pas plus à la richesse qu'à la pauvreté, ni à la séparation, ni à l'absence, moi qui sais que je retournerai nue d'où je viens, laissant en arrière toutes les possessions, les attachements, tous liens brisés... |
L'enfer commence avec l'espoir
Karl Renz |
- « Ma vie, mes actions »... cette possession est fausse
et de cette fausseté, toutes les souffrances vont surgir avec tout ce que
tu peux imaginer. Quand tu prends pour réelle la première notion
que tu es née, ma vie, la notion
"mien" apparaît en tant que "je suis", et ce "mien" c'est l'enfer. |
Libérez
la liberté David Ciussi |
- La distinction entre le chercheur perdu et l'explorateur ravi : L'un rêve
qu'il est en exil. Il est astreint à discourir sur ses tentations, ses
manques : il dort... Son monde est habité
d'attaques, de défenses, de souffrances et d'angoisses. Il traverse le
jour comme un somnanbule la nuit. Sa pensée ne se ressource pas, elle se
remémore. Passive, elle se plaint et crée la dépendance à
l'autre.
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Le lieu véritable
de la Paix Thierry Vissac |
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Nous ne pouvons pas douter de la présence insistance du désir de
vivre en paix dans le corps et l'esprit... souvenir diffus d'une paix oubliée
dont nous ne connaissons que les effluves. - Nous demandons la cessation de toute souffrance, et nous sommes prêts à payer cher pour ça. Nous cherchons des moyens parfois sophistiqués pour effacer la douleur et certains pensent que la science pourrait y parvenir tout à fait. Mais cette volonté d'anesthésier la douleur est l'expression d'un refus rarement remis en question... Nous devons reconnaître que notre lutte est dérisoire. La douleur revient inlassablement. Mais, malgré ce constat, le refus continue de se manifester. Voilà la relation immature que l'humanité entretient avec la nature ! - La souffrance est proportionnelle à notre refus d'un événement, d'une sensation, d'une parole. Bien sûr, il ne s'agit pas de nier la réalité de la sensation ou l'impact d'un événement ou d'une parole, voire, la nécessité d'une action en retour mais d'explorer avec courage la cause véritable de notre souffrance. Il faut voir sans défaitiste : les mouvements, les exigences du corps et de l'esprit ne se maîtrisent pas et la croyance répandue - jusque dans les cercles spirituels - que nous parviendrons à les contrôler est un leurre. Notre liberté ne dépend pas d'une maîtrise quelconque et certainement pas des mouvements naturels. - La paix n'est pas dépendante des mouvements du corps et de l'esprit... Il existe en soi une possibilité à découvrir, une nature profonde qui n'attend pas que les affaires de corps et de l'esprit s'améliorent nécessairement pour connaître la paix, pour être en paix. - La promesse d'une vie sans sensations désagréables, sans soucis, entretient la fuite et la souffrance : le refus demeure dans l'attente que la promesse se réalise. C'est ainsi que nous vivons depuis de longues années, sans accueil véritable de ce qui se passe, tentant d'éviter ce qui nous apparaît comme une erreur, fermés à tout ce qui ne produit pas la sensation complète de bien-être. La consommation de drogues et de médicaments s'inscrit naturellement dans cette quête. Nous ne pouvons que ressentir une profonde compassion devant cet égarement collectif et la souffrance qu'il engendre et perpétue. - Nous pouvons nous éveiller à notre nature véritable dès que nous relâchons cette localisation sur le corps et la pensée en tant que lieux de notre souffrance ou de notre bonheur. Notre existence précède toute sensation et toute pensée. Nous sommes le lieux de la paix avant même d'y penser.. Cet "être" que je suis est celui qui peut accueillir toutes ces choses sans nécessairement s'y attacher, celui qui survivra immanquablement à toute sensation, tout événement et toute pensée. Celui-ci ne se compromet et ne souffre que lorsqu'il oublie sa nature véritable, se cherchant dans les manifestations transitoires de l'incarnation. Par "se chercher", nous entendons chercher à trouver la paix à l'extérieur de notre propre nature, en l'occurrence dans un monde que nous voudrions sans mouvement, sans cette alternance révoltante de douleur et de plaisir. Nous ne pouvons plus nous leurrer aujourd'hui sur la réalité de cette quête de la paix hors de soi. Envisager aujourd'hui qu'il est possible d'accueillir tout événement, toute sensation, et toute pensée comme des mouvements ne nous appartenant pas en propre, est un bon rappel de notre véritable nature et un avant-goût de la vie Divine, de l'éveil spirituel. |
Commentaires sur la souffrance
Maurice Nicoll |
- « Les gens imaginent qu'ils ont quelque
chose à sacrifier. Ils n'ont qu'une chose à sacrifier, c'est leur
souffrance. » Gurdjeff - La souffrance mécanique est complexe, varié, sournoise, subtile. Elle est présente en nous depuis si longtemps que nous ne l'observons pas - pour résumer, c'est une habitude. Nous ne voyons pas en nous son action continuelle, intime, paralysante. - Pour changer, on doit sacrifier quelque chose. "Puis-je imaginer un instant que je puisse changer sans devoir sacrifier ou renoncer à quelque chose ?" Cela veut dire simplement que vous ne pouvez changer si vous voulez continuer à rester la même personne. Changer, c'est devenir différent. Si je veux aller à Londre, je dois renoncer à rester à Paris. - Une personne ne peut s'éveiller si elle conserve ce poids insupportable, sa souffrance mécanique, et si elle la nourrit par un processus continuel de justification. - Il n'y a pas de justice sur cette planète sur laquelle tout arrive selon la seule façon dont cela doit arriver... Dès l'instant où vous voyez la mécanicité de vos comportements, comment pouvez-vous en vouloir aux autres qui agissent exactement comme vous ? - Nous avons fort peu conscience de ce que nous sommes, et en même temps nous projetons sur les autres tout ce que nous ne pouvons accepter de nous-même, pouvant même, et en tout instant, devenir insultant envers les autres... Comment pourrais-je vous juger, si je prends conscience que je suis pire que vous ? - « La tristesse qui regarde vers Dieu aboutit à une consolation salutaire, tandis que la tristesse est mortelle quand elle est humaine. » Paul, les Évangiles |
Voir
à travers, Voir au-delà Shanti Mayi |
- "Voir à travers" signifie observer en silence, avec attention
notre bavardage mental, nos vagues émotionnelles et nos identifications.
Observer le flot des pensées sans les toucher, sans être capturé
par la toile des besoins, nous empêche de tomber dans nos croyances
embrouillées, nos projections, nos attachements et nos attentes.
Ces films que nous inventons obscurcissent l'esprit vital de liberté
à l'intérieur de nous. "Voir au-delà" signifie laisser aller ce qui est déjà parti. Lâcher prise simplement à ce qui est vraiment passé, nous conduit à l'éternel ici et maintenant, et nous fait prendre conscience de notre attachement à contrôler ce qui ne peut être contrôlé. En comprenant le caractère insubstantiel de nos constructions mentales et l'impermanence de toute pensée se manifestant, une transparente lumière et une subtile vigilance nous remplisssent. Nous sommes libérés des limitations de nos désirs et attentes. - Notre seule attitude est de rester ancré dans notre coeur, et de prendre conscience que chaque instant est porteur d'un nouveau potentiel. Il y a de la douleur qui vient avec l'ouverture de votre coeur. Il y a de la douleur de demeurer fermé et limité. Qu'allez-vous expérimenter ? Qu'allez-vous choisir ? Si nous avons un choix dans la vie, c'est celui qui se présentera encore, encore et encore. Il survient chaque jour sous divers déguisements. Cette douleur est notre meilleure amie ou notre pire ennemie. Où que nous allions, elle est toujours là. Allons-nous descendre en elle, ou bien renoncer à nous-même ? Tel est notre choix. Il ne s'agit pas d'inviter ou d'éviter la souffrance, mais bien de mettre en lumière, en soi-même, la cause de la souffrance. - L'infini est amour... l'amour est le remède du monde. L'amour est la lumière de l'illumination. Nous sommes amour, ouverts et disponibles à notre expérience et nous sommes vides comme l'espace. Dans ce vide plein d'amour, nous sommes remplis de la vie telle qu'elle est... elle est vide comme l'impermanence, vide comme un nouveau commencement qui peut venir ou s'évanouir.. Regarder dans le silence les besoins et les attentes voltiger dans notre être et disparaître nous mène à notre "voie intérieure". Nous voyons alors les choses comme elles sont, et non pas comme nous voulons qu'elles soient. Quelle merveille ! Cette "voie intérieure" déplace notre attention comme le soleil se déplace à travers l'espace, et nous éveille aux potentialités qui nous sont offertes. Là où le possible se découvre, la liberté éclôt face à la résistance. Là où il y a liberté face à la résistance, il y a liberté face au mental générateur de misère. Il ne s'agit que de voir les choses comme elles sont vraiment. - L'histoire d'une femme... cinq tentatives de suicides. Elle était prise dans la toile de ses désirs, et il en résultait une haine envers elle-même. Elle-même se définissait comme un "désir insatisfait". Elle racontait sa continuelle déception du fait que sa vie ne répondait pas à ses souhaits... ses désirs comme des ronces autour de son coeur. Prisonnière de ses exigences, il n'y avait pas un seul jour de sa vie où elle pouvait s'offrir la liberté en laissant les choses être simplement ce qu'elles sont. Sa forteresse mentale devenait de plus en plus solide et l'espace en elle-même se rétrécissait d'année en année. Son esprit se ratatinait et elle devenait de jour en jour plus aigrie. Sa douloureuse résistance s'amplifiant, il devenait évidemment difficile pour les autres de demeurer près d'elle trop longtemps. Et c'est ainsi que la solitude l'encerclait, se rajoutant au poids de sa misère personnelle. Elle vivait en désirant ce qui n'est pas, identifiée avec ses violentes émotions et plongée dans la haine de chaque minute de sa vie et de la vie d'autrui. Puis un médecin lui diagnostiqua un cancer en phase terminale. Et la lumière refit surface en elle. Ses yeux s'ouvrirent et sa souffrance diminua ; elle réalisa combien la vie est réellement précieuse ainsi que le peu de temps qu'il lui restait à vivre... Savoir que ses jours étaient comptés lui faisait percevoir chaque chose par les yeux de l'abandon désintéressé et son esprit comme son coeur étaient ouverts... Elle connut un éveil et vécut les derniers jours de sa vie dans une vibration spirituelle plus grande que tout ce qu'elle avait vécu pendant ses dernières 75 années. - Ce que nous pensons être n'est pas ce que nous sommes... Nous pensons que quelque chose devrait nous ramener à la maison. En fait, nous n'avons jamais quitté la maison. Réaliser que nous sommes ce que nous cherchons... amour, plénitude, unicité. - La vie nous apporte force, clarté et sagesse. Chaque situation dissimule un joyau si l'on veut bien y regarder. |
La myrrhe amère que
Dieu nous offre Jean Tauler |
- Les rois offrirent de la myrrhe... Elle est amère
et symbolise l'amertume sans laquelle l'homme ne saurait trouver Dieu, quand il
commence à se détourner du monde vers Dieu et n'a pas encore renoncé
à toute jouissance et à toute satisfaction... Toutes les choses
doivent te devenir aussi amères qu'elles t'étaient douces. Pour
qu'il en soit ainsi, il faut une grande volonté et une vive application.
Plus le plaisir a été grand, plus amère sera la myrrhe, une
amère amertume. - Comment l'homme peut-il être sans jouissance tant qu'il vit dans le temps ? J'ai faim, je mange ; j'ai soif, je bois ; j'ai sommeil, je dors ; j'ai froid, je me chauffe. Cette satisfaction ne doit pas pénétrer en toi... elle doit passer, elle ne doit pas t'apporter de jouissance, mais s'écouler ; elle ne doit pas être un bien intimement possédé dans lequel on se repose avec satisfaction et jouissance. Au contraire, laisse passer toutes les satisfactions que t'apportent le monde et les créatures... - La plus petite comme la plus grande souffrance que Dieu laisse tomber sur toi vient du fond de son ineffable amour... Si seulement tu voulais les accepter, tout cela te serait si utile... Quoi qu'il puisse t'arriver de fâcheux, tout cela te prépare et sert à ta vie de noble joie... Tout cela, si tu peux l'accepter, te prépare et te dispose à la vraie paix... Dieu veut, par la souffrance, entraîner l'homme à de grandes distinées... - Mais il y a des gens qui ne se contentent pas de la myrrhe que Dieu leur donne, ils veulent encore plus, ils se cassent la tête, s'abandonnent à des manipulations maladives et, après avoir longtemps et beaucoup souffert, ils n'en tirent point de profit. Il en résulte peu de grâce, et ces gens en restent toujours au même point ; car ils bâtissent selon leur propre plan, qu'il s'agisse de pénitences, d'abstinences, de prières ou de méditation ; Dieu doit toujours attendre leur bon vouloir et que prenne fin leur oeuvre personnelle. - Voici maintenant une myrrhe beaucoup plus amère que Dieu envoie ; l'angoisse intérieure et les ténèbres intérieures. Ces souffrances, chez celui qui en fait la pleine expérience et qui s'y adonne, consument la chair, le sang et toute nature. Ce travail intérieur change beaucoup plus la couleur du visage que les grandes pratiques extérieures, car Dieu vient avec des tentations effrayantes et des épreuves exceptionnelles et extraordinaires que personne ne connaît, sauf celui qui les éprouve... Mais Dieu sait bien où il veut en venir. Laisse-t-on passer cette myrrhe dans l'indolence et l'inattention ? on n'en tire aucun profit. Alors on s'en vient dire : « Maître, quelle aridité et quelle obscurité dans mon intérieur ! » Mon cher enfant, prêtes-y attention, et tu t'en trouveras mieux que de grandes douleurs. Il y a deux façons de résister à la myrrhe que Dieu nous offre : par nos sens et par notre raison. La myrrhe extérieure est rejetée par les sens. Certaines gens se prétendent assez sages et s'imaginent pouvoir, avec leur sagesse, se préserver de la souffrance. Ils attribuent ses contrariétés extérieures à la bonne ou mauvaise fortune, et pensent qu'ils auraient mieux dû se garder de la souffrance. S'ils avaient fait ceci ou cela, les choses se seraient bien arrangées et la souffrance leur aurait été épargnée. Ils veulent être plus sage que Dieu, lui en apprendre, lui faire la leçon, et ils ne peuvent pas accepter ce qu'il leur envoie. Ces personnes ont de grandes souffrances, et leur myrrhe leur devient très amère. Ils y en a d'autres qui regimbent contre la myrrhe intérieure, avec leur subtilité naturelle ; ils veulent s'échapper de ces tourments qui sont en eux, à force de considérations rationnelles. De là vient que beaucoup de gens simples avancent plus vite que ceux-ci ne le font avec les hautes considérations de leur raison. Car les gens simples suivent Dieu simplement ; ils ne savent pas faire autrement. Mais en vérité si les raisonneurs suivaient Dieu et s'abandonnaient à lui, si seulement ils s'abandonnaient à ces épreuves, il n'y aurait goutte de sang, si petite soir-elle, qui ne pût leur être d'une utilité extraordinaire. |
Souffrance
réelle et souffrance imaginaire P.D. Ouspensky |
- Il y a une souffrance inévitable et
nécessaire que l'on doit accepter si l'on veut obtenir quelque chose...
On doit sacrifier toutes les choses inutiles mais pas d'un seul coup : les
théories fausses, le bavardage, la soufrance imaginaire.
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Pour
en finir avec la prétention de souffrir en général et de
l'amour en particulier Éric Baret |
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Constater à quel point nous sommes toujours en train de quémander
l'assentiment de l'environnement. L'entourage ne m'est sympathique que s'il supporte
ma souffrance, la justifie ; ultime sécurité. Sinon:
«Tu
ne respectes pas ma souffrance.» Tel est l'humain. Il veut que l'on respecte sa souffrance. «J'ai bien le droit de souffrir, mon chien est mort, je suis malade, ma femme m'a quitté, mon enfant a disparu, mon mari me trompe, mon viol ! Je suis bien en droit d'être malheureux.» - Tôt ou tard, on s'apperçoit du mécanisme : la souffrance est toujours une réaction, la prétention que la situation pourrait être autre que ce qu'elle est. Quand nous vivons avec la réalité, c'est-à-dire avec ce qui apparaît dans l'instant, sans l'histoire que les choses devraient être autrement pour nous être «agréables», la souffrance est impossible. La beauté prévaut ; on ne peut plus se battre pour être reconnu comme «souffrant moralement», on n'est plus «politically correct». On cesse d'empoisonner l'environnement avec le : «Tu ne respectes pas ma souffrance.». On ne transmet plus l'angoisse, mais la tranquillité. - Que de noblesse dans la souffrance, on la garde pour soi, on la partage, on l'entretient au cimetière, on la décore de noir, de cérémonies.. « Si vous saviez combien je souffre..» - Je t'aime. Cela veut dire ; je suis dans ma nature profonde, sans attente, je ne demande rien, surtout pas que tu m'aimes. Si je demande que tu m'aimes, c'est que je ne t'aime pas, je ne te respecte pas, car l'amour est sans demande. - Quand l'appel à la vie se fait entendre pleinement, tout ce qui nous semblait être des limitations, des restrictions dont on voulait se libérer, devient au contraire la chance d'approfondir la compréhension de soi-même, c'est-à-dire la vision de ses limites. Célébrer cette découverte : encore en moi un espace non libre. Libre du fantasme de vouloir être autre chose que ce qui apparaît dans l'instant, je ne cours pas chez le thérapeute ou le gourou à la mode, je tourne la tête et fais face à cette limite corps et âme. Dans cet instant, libre d'attentes, ma restriction devient la porte non conceptuelle sur la réalité. Quand je fais un avec ce qui apparaît, sans l'histoire que les choses pourraient être autrement, la souffrance ne peut se maintenir. La souffrance est toujours dans le futur. Voilà l'art de vivre. Tout n'est que miroir pour révéler ma liberté. - La quête de la liberté ne concerne que celui qui est prêt à se passer de son histoire, passée, présente et future. Ce qu'on appelle les autres, l'environnement, n'est que la création de notre peur. Voulons-nous être libres ou constamment consolés, approuvés, supportés par les images ; mon histoire, mon passé, mon mari, mon amant, ma maison, ma race, mon pays, etc ? Est-il si difficile de voir combien « mon », « ma », « mes », n'est qu'une clause de style, un vol, comme le clown du cirque qui s'approprie les applaudissements destinés au jongleur. On ne peut plus dire « je possède, ceci m'appartient, voici ma femme, mon pays et même, tôt ou tard, mon corps, ma pensée. » Mais : « je célèbre, j'honore, car il n'y a que Lui, qui apparaît sous toutes formes, et la seule station de l'être humain véritable est celle de serviteur.» Rien n'est à moi et je n'appartiens à rien. Telle est ma liberté. Cela n'empêche pas de remplir ses fonctions dans la vie quotidienne. Pour beaucoup de gens la vie familiale est plus organique que l'apparente solitude. Des enfants peuvent s'imposer, et vous ne laissez pas le petit chat qui dort dans le salon sans nourriture... Rien ne vous empêche de bâtir une fortune si cela s'impose naturellement, mais vous n'aurez plus besoin de cela pour vous sentir riche. Vos qualifications de père, d'époux, d'amant, de soldat, d'homme d'affaires, de criminel ou de saint homme, s'imposent sur le moment ; mais vous ne vous cherchez plus en elles. Vous suivez le courant de la vie sans prétention à une quelconque autonomie. Vous accomplissez votre rôle avec la reconnaissance d'être, quelles qu'en soient les modalités. La révélation divine ne vous dit pas que vous ne devez pas ressentir la douleur, ni que vous devez être en mesure de pouvoir payer votre loyer ou avoir la capacité de nourrir vos enfants. Cette capacité vous est donnée ou non sur l'instant ; vous ne choississez pas de vivre dans un pays repu ou dans un pays souffrant de la famine. Dans une clarté sans histoire, ce qui apparaît n'est autre que l'essentiel, quelles qu'en soient les expressions. Vous vivez en fonction de votre capacité réelle et non pas d'un capital hypothétique créé ou espéré par besoin de sécurité affective. Dans l'abdication de toute prétention à une compétence à vivre, la vie se charge de vous totalement. Dans un instant de vérité, jetons dans l'éclair de la simplicité toutes nos prétentions à une quelconque couleur, à une quelconque qualité. - Seule notre histoire se consume. Jusqu'à la vision qu'elle n'avait jamais vraiment existé, si ce n'est dans notre peur. Le serpent s'évanouit ; il n'y a qu'une corde. Ici plus de respect de la souffrance. Les feux crématoires s'ouvrent et de furieux embrasements consument le consumable. Voila le vrai respect, pas celui d'une fantaisie, mais de la vie elle-même sous tous ses aspects. Moins que cela n'est que malheur. Aussi longtemps que je n'intègre pas tous les aspects des émotions, je suis dans une histoire. Aussi longtemps que je ne supporte pas ceci ou cela, présent, passé ou futur, je ne supporte rien, ce je projette partout ces peurs, je nie la divinité. Cela ne peut se réaliser que dans l'instant. On ne peut se libérer qu'ici et maintenant. Pas de fuite dans le plus tard, « quand je serai prêt », C'est l'instant ou jamais, il n'y en aura pas d'autre. Disons un OUI sans limite, ultime respect. |
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