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Textes d'auteurs (2008)
Souffrance et Libération
3e Millénaire, Hiver 2004, No 70

NB: De courts extraits d'articles de la revue, parfois légèrement adaptés.
De la souffrance à la joie
Marianne Dubois
- L'autre n'est plus un ennemi, il nous conduit vers nous-mêmes. Cela nous permet peut-être de voir, comprendre, vivre que l'autre est une partie de nous, que nous ne sommes pas séparés, excepté sur un plan apparent.
- Il est évident que sur le plan de l'absolu, aucune démarche n'est à faire et tous les chemins disparaissent. Mais aussi longtemps que nous habitons la souffrance et le « relatif », nous aurons l'illusion de croire à nos démarches et nos chemins.
- Prenons l'exemple d'une maladie très grave... Entrons dans cette souffrance pour pénétrer son secret. Au lieu de nous laisser envahir par la peur ou le désespoir, voyons comment nous unir à notre maladie, la voir autrement, par exemple comme un langage, ou une invitation au détachement, ou un poteau indicateur, ou une ouverture du coeur, ou un sentier vers le divin, vers une compréhension approfondie de soi-même et des autres.
- À partir de la reconciliation avec les circonstances, avec tout ce que l'on ne peut pas changer, la joie s'achemine, invisible d'abord, elle s'insinue jusque dans la moindre parcelle du tissu corporel. Quand le terrain est déblayé, elle peut rire, grandir, éclater, irriguer notre corps et notre vie... Elle est le joyau divin qui n'a pas de frontières et se propage de coeur en coeur.
La fonte des neiges
Jean Bouchart d'Orval

- La vérité est que rien ne libère l'homme... Dans un regard désencombré, il n'y a pas de place pour la moindre démarche de libération. Vouloir devenir libre c'est encore vouloir. Or, vouloir c'est toujours vouloir autre chose que le réel. N'est-ce pas là l'essence même de la souffrance ? Qu'est-ce que souffrir sinon entretenir une distance entre le réel et un imaginaire ? Plus grande est cette distance et plus énorme est la souffrance ressentie. Les stratégies interventionnistes exigent d'exciser certains éléments de sa vie afin de trouver la tranquillité et la liberté. Elles nous enjoignent de changer nos habitudes, notre manière de penser, notre alimentation, notre sexualité, de nous purifier, de nous améliorer, de mériter le prix à venir. Elles reposent toujours sur le leurre d'une transformation personnelle délibérée.
  Comment être libre alors qu'il n'y a personne ? Que voulons-nous dire au juste par « Je » ? Soyons très attentifs ici. Ce que nous entendons par « Je » n'est qu'un amoncellement de caractéristiques, d'impressions mentales, de désirs, de peurs et de concepts, tout ce que nous sommes convenus de nommer la personnalité. Nous dépensons chaque jour une énergie monstrueuse pour faire semblant de croire à la façade virtuelle derrière laquelle s'agite un magma d'éléments mémorisés. Est-ce que cela peut devenir libre ?
  Les habiles politiciens à la tête des ermitages modernes, savent discourir de la grâce et appuyer leurs arguments avec d'habiles citations et de jolies anecdotes, mais c'est chaque fois pour mieux récupérer leur public hébété et l'enfermer davantage dans l'infantilisme d'une progression spirituelle personnelle.
- Tôt ou tard vous verrez que vous n'avez jamais eu le choix de quoi que ce soit dans ce que vous appelez votre vie. Ce qui est arrivé n'aurait pas pu arriver autrement et de toute façon il n'y a jamais eu personne pour choisir.
- La simplicité est possible : vivre sans prétention, sans arrogance et sans but. Au lieu de s'exténuer à vouloir corriger son corps, son mental et sa vie, on demeure simplement admiratif de la vie telle qu'elle est, tout à fait recueilli. On reste dans l'étonnement silencieux plutôt que de le piétiner avec des réponses et des tâches à accomplir.
- La tranquillité, ou la joie, est sans cause, impensable, inatteignable. sans chemin, sans maître, sans autorité. Dans cette paix, on ne souhaite pas de changement, on ne souhaite même pas la tranquillité ; on ne souhaite que ce qui est là.
- La vie est pur dynamisme : il n'y a rien de statique, sauf dans nos images. La joie est le parfum même de l'existence et n'y a rien à faire pour y arriver. Désirer des choses pour soi, vouloir changer, s'améliorer, se libérer, devenir réalisé, tout cela n'est que peur et refus de ce qui est là.
- Le désir de libération ne fait que brouiller la surface d'un lac profondément et à jamais tranquille. Les approches interventionnistes tentent de régler un problème inexistant.
- Comment vivez-vous quand vous ne suivez aucune démarche, quand vous ne choisissez aucun point de vue, quand vous n'adhérez à aucune doctrine, quand vous n'adoptez aucune attitude pour faire face à ce qui est là dans votre vie ? Comment vous sentez-vous quand vous ne portez plus rien ?
  Aucune chose ni aucun événement ne sont en eux-même porteurs de souffrance.
  Il n'y a de réel que le pur regard et ce regard est impersonnel, vivant, dynamique, profondément tranquille et joyeux.
  Nous pouvons passer notre vie à prétendre être quelqu'un de malheureux, quelqu'un d'heureux, quelqu'un qui chemine, quelqu'un de libre, mais tôt ou tard, dans un moment de distraction, la beauté nous rattrape.

  «C'est quand le monde cesse d'être la scène de nos espoirs et de nos souhaits personnels, quand nous le contemplons en être libre qui admire, interroge et observe, c'est à ce moment-là que nous pénétrons dans le royaume de l'Art et de la Science.» Albert Einstein

Souffrance et contemplation
Jean Klein
- Si vous vous identifiez à votre douleur, vous êtes complètement noyé dedans et alors vous luttez, vous vous défendez. La douleur vous permet de voir que vous n'êtes pas ce qui est douloureux, vous êtes ce qui est conscient de cette douleur.
  Quand vous laissez la sensibilité s'éveiller complètement, à ce moment-là, il y a une masse de sensibilité mais il n'y a plus de douleur, il reste une sensation.
- Quand tout va bien, le plaisir, les choses agréables sont, pour nous, naturels, évidents et nous pensons y avoir droit tandis que la présence de la douleur, de la souffrance, nous donne la possibilité de nous situer dans un axe qui se trouve au-delà, une Présence silencieuse.
- La douleur n'est que l'Harmonie rompue... ce déséquilibre ne provient pas de la nature elle-même, mais d'une intervention d'un moi, d'un sujet, d'une personne. Cette personne isolée crée le conflit, la disharmonie.
  Quand vous contemplez la souffrance ou la douleur, vous vous détachez de la personne et, dans cette position qui est votre nature naturelle, qui est attention totale, cette conscience "une" permet à toutes choses de rentrer dans l'ordre, que ce soit pour vous ou pour une autre personne.
- Nous sommes la Joie ! La tristesse n'existe pas... Le moi préfère la tristesse à une absence du moi !
Le mythe de l'illumination..
Satyan Nadeen
- Nous espérons être éveillé pour que la vie devienne une partie de plaisir, mais la vie d'un maître éveillé se poursuit avec les mêmes problèmes que tout le monde !
- Le témoin laisse le mental suivre sa course naturelle et habituelle jusqu'à ce qu'un jour, nous commencions à prendre conscience de la futilité et du vide d'une vie de recherche.
  La translation peut se produire que dans la tranquillité et la solitude. Mais elle va à l'encontre de la nature véritable du mental. Celle-ci est de ne jamais être tranquille et seul... Nous ressentons alors profondément un désespoir et un abandon, nous voyons la futilité de nos relations mondaines, de nos carrières peu satisfaisantes et, par dessus tout, nous sentons que Dieu nous a tourné le dos. Finalement, tout ceci nous force à nous taire, à être tranquille et à écouter le faible chuchotement du Témoin. Cela ravive ensuite les souvenirs enfouis de ce que nous sommes réellement.
- Une fois que nous nous éveillons, non seulement les problèmes ou "troubles" de la vie quotidienne ne vont pas disparaître, mais ils permettront notre délivrance de tous les concepts et des conditionnements. En effet, la compréhension de ce que vous êtes s'approfondit chaque fois qu'un de ces soi-disant problèmes est observé par le Témoin, de sorte que s'installe le lien avec l'Être essentiel.
Libre et conscient...
Soline
- Si tu veux être libre, élève-toi au-dessus de ta souffrance.
- Ce soir, j'ai si mal. La douleur est un fer dans mes plaies... Je résiste, je me recourbe sur moi-même pendant qu'on pleure partout dans le monde, en silence. Voici l'homme réduit à sa plus pénible expression : celle de sa souffrance, dont il fera état, pendant et après, dans de beaux poèmes déchirants, des chants, des odes.
- Ce qui souffre en Lui s'abandonne à ce qui Est et se soumet, se dilue... Il n'est pas cette souffrance. Il est libre. Il ne réclame pas de dommages et intérêts.. son âme se purifie au service. Il ne se constitue pas en martyr. Il fait ce qu'il y a à faire, en berger.
- Je ne me cabre pas, j'entre librement dans ma passion, mon état d'homme, l'incarnation qui m'est donné, jusqu'au bout, courageusement, parce que Cela n'est pas autre chose que ce que je suis moi-même. Ainsi, je ne me vois pas identifiée, ni au statut, ni au rôle, pas plus à la richesse qu'à la pauvreté, ni à la séparation, ni à l'absence, moi qui sais que je retournerai nue d'où je viens, laissant en arrière toutes les possessions, les attachements, tous liens brisés...
L'enfer commence avec l'espoir
Karl Renz

- « Ma vie, mes actions »... cette possession est fausse et de cette fausseté, toutes les souffrances vont surgir avec tout ce que tu peux imaginer. Quand tu prends pour réelle la première notion que tu es née, ma vie, la notion "mien" apparaît en tant que "je suis", et ce "mien" c'est l'enfer.
- «Vis ta vie comme la vie te vit.» Ainsi il n'y a pas de problèmes, car tu vois alors qu'il n'y a personne qui a le moindre contrôle, personne qui fait ou possède quoi que ce soit. Simplement, la vie se réalise elle-même... Pas d'échappatoire !
- Tu n'es pas la personne qui vit l'expérience, tu n'es pas ce qui se réveille le matin et est toujours un problème... La base de ton problème, c'est que tu t'aimes et que tu ne peux pas te quitter... Parce qu'il y a quelqu'un qui aime et quelque chose qui est aimé, il y a deux.
- Il n'y a aucune intention de ma part de mettre fin à la souffrance des autres, car je vois toute la souffrance comme un aspect de l'existence. Tu ne peux éviter aucun aspect de ton existence. Chaque fois que tu veux éviter une souffrance, c'est une tentative de suicide. Essayer de quitter ce que tu es, c'est tenter de ne pas exister. En agissant ainsi, tu souffres parce que tu es écartelé en deux par toi-même.
- La souffrance commence dès que tu veux éviter ce que tu es, dès que tu veux éviter le moindre aspect de ton existence, en ne voyant pas cet aspect comme une manifestation de ce que tu es.

- Sache que la moindre souffrance, la moindre peine, est un aspect de ta réalisation absolue, qui ne peut être évitée par qui que ce soit. Encore une fois, cette impuissance est la paix. Dans cette impuissance, il n'y a personne qui souffre, qui soit malade, à l'agonie ou quoi que tu nommes. Cette «personne» n'apparaît que lorsqu'il y a dérobade.
- Tu dois être ce qu'est l'acceptation même, ce qui n'a jamais eu de problème avec n'importe quel problème. Et celui qui vit cette expérience en toutes circonstances ne fait qu'apparaître dans Cela.
- "Y a-t-il en toi le moindre souhait de changer ces circonstances infernales ? Il ne reste en moi aucun désir de changer quoi que ce soit. Si cela devait durer pour toujours, et bien qu'il en soit ainsi.
" Krisna
  Dès que survint l'acceptation totale de l'enfer - pufff !!!, tout disparut. Il y eut ce vide... Il ne restait que l'innombable, ce dont on ne peut parler.
- La tristesse au fond de soi... Rien ne peux plus te rendre heureux. C'est bien. C'est ce que Jésus a appelé « La nuit obscure de l'âme », c'est l'annihilation de cette personne relative qui est heureuse ou malheureuse...
  La grâce ou l'existence sait mieux que moi ce qui est bon pour moi. Je ne vois que les voies impénétrables de la grâce et je peux remarquer en cet instant que sa façon de fonctionner ne dépend pas de moi, que je ne peux pas la contrôler. Tout ce que je fais ou ne fais pas ne crée aucune différence.
- Cela te dévorera. Que ça te plaise ou non. Quelque fois ça fait mal, et parfois non. On ne sait jamais... Lorsque rien ne peut plus te rendre heureux, tu te tournes vers ce qui ne peut être ni heureux ni malheureux.

- Tout ce que tu vis, la souffrance, les pleurs, c'est une expérience pure de ce que tu es. Tu ne peux pas éviter ce que tu es parce que tu es ce Soi et que ce que tu vis est une réalisation de ce que tu es. Il n'y a rien de bien ni de mal à cela.
- Tu es la joie. Tu n'as pas besoin d'une joie relative. C'est merveilleux que tu sois sans joie, car c'est exactement ce que tu es, tu n'as pas besoin de la joie pour être la joie. C'est la liberté : tu ne dépends pas de cette joie relative qui va et vient.

- Vois que l'enfer commence avec l'espoir. Avec l'espoir, il y a quelqu'un qui pense pouvoir échapper...
- Alors, n'importe quelle technique que tu appliques, même la non-technique, est de trop.
- Seulement l'absence totale d'espoir est la paix...
- Le diable se nourrit d'espoir. Il te berce du libre arbitre pour que tu puisses faire quelque chose : «Si seulement tu te mets dans la bonne position... ». Non, tu ne peux jamais être dans la bonne position, il n'y a ni bonne ni mauvaise position pour ce que tu es. Pas d'échappatoire. Personne ne peut partager sa souffrance avec toi, car il n'y a «personne» d'autre qui pourrait partager quoi que ce soit.
- Même le lâcher-prise est une technique ! Ça n'est pas en ton pouvoir de lâcher ou pas, il n'y a personne qui possède quoi que ce soit. Vois simplement qu'il n'y a absolument personne.
- Oublie ce que tu peux oublier, ou oublie ce dont tu peux te souvenir, et sois ce que tu ne peux pas oublier. Seulement cela est ce que tu es. Ce que tu es, tu ne peux jamais l'oublier, car ce n'est pas un objet de la mémoire dans le temps. Tu est toujours ce qui est, ce dans quoi le souvenir ou l'oubli apparaissent, mais tu n'es jamais celui qui oublie ou se rappelle.
- Écoute "ce que tu es" te dire "ce que tu n'es pas".

Libérez la liberté
David Ciussi

- La distinction entre le chercheur perdu et l'explorateur ravi : L'un rêve qu'il est en exil. Il est astreint à discourir sur ses tentations, ses manques : il dort... Son monde est habité d'attaques, de défenses, de souffrances et d'angoisses. Il traverse le jour comme un somnanbule la nuit. Sa pensée ne se ressource pas, elle se remémore. Passive, elle se plaint et crée la dépendance à l'autre.
- L'autre traverse son espace de vie comme un explorateur ravi, naturel et silencieux ; il est cet espace/temps d'éternité où se déploie l'auto-connaissance consciente. Sa pensée pure vise constamment l'éternité et le rapport au réel.

- Courage, intrépidité, loyauté, pensée-action-satisfaction seront les nouvelles valeurs qu'il devra faire siennes. Dignité dans les épreuves, rires et simplicité jalonneront son rapport au réel.
  Mais ne nous leurrons pas, le fil du rasoir n'est pas un hamac où l'on se berce de belles paroles ou de réponses sirupeuses... Le chemin n'est pas fait pour les tièdes qui ont érigé leurs croyances en monuments intellectuels...
- L'origine de la souffrance de l'homme : Ce que je suis originellement disparaît graduellement au profit de ce que je sais... Le principe d'acquisition des informations extérieures comme solution à nos questions intérieures est automatisé, généralisé. Nous devenons des automates qui s'imaginent que ce qu'ils savent est plus véridique que ce qu'ils sont. Il en découle une suite de moralisations, de généralisations, de jugements, de veto et d'évidences plus ou moins ténébreuses qui vont nous culpabiliser... Nous entrons alors dans le monde des causes et effets dans lequel toutes les explications et toutes les alternatives vont conforter nos altermoiements et valider notre statut d'exilé. L'acte de séparation est ainsi perpétré par un mécanisme de surproduction d'informations extérieures au dépend de la valeur d'auto-connaissance. Fini l'esprit de la découverte, des appétits de connaissance et d'action naturelle pour s'émerveiller soi-même. Tout est balisé, banalisé, expliqué, raisonné et "publicisé"...
- Comme un "fou" dans la rue qui parle à haute voix avec des gens imaginaires, nous, nous parlons, nous dialoguons tout bas dans notre tête. Il n'y a pas de différence hormis le volume sonore...

Par quel tour de magie l'Ego (le fou) va-t-il enfermer la liberté et voiler la conscience, créant ainsi de la souffrance ?
a) Par la pensée imaginaire projetée qui va dramatiser le futur et faire regretter le passé, éliminant ainsi la transmission de la connaissance consciente contenue dans chaque instant présent. La connaissance mentale rend solitaire : elle divise, juge, exclut, punit.
b) Par le language articulé qui fait que les mots sont alors prisonniers de l'espace-temps. Ils ont une mémoire, un contenu. Ils n'expriment que l'histoire du mental et la répétition des souffrances, Tour de Babel inéluctable.
c) Sur la plan du comportement, l'ego travestit la conscience d'être en imaginant posséder le pouvoir créateur. Il veut être reconnu et puissant (surtout ne pas montrer sa fragilité), ne pas mourir. Expliquer "le pourquoi" lui donne l'impression d'un savoir personnel qui masque la peur de son ignorance. Il donne des leçons car il a des certitudes. Il est divisé ! Aussi divise-t-il pour régner et culpabiliser les autres. Il sait bien expliquer pourquoi ils ont tort, cela lui permet d'avoir raison et surtout ne pas changer ses positions. Il juge avec une logique implaccable et il va même jusqu'à exclure au nom de Dieu.. ! Ce que les autres pensent de lui va être imaginé, projeté et prendre beaucoup d'importance. C'est le fameux regard des autres. Il sent que quelqu'un l'observe. Le "fou" est entré dans le théâtre de l'esprit. La connaissance de soi est hors-circuit.

Le lieu véritable de la Paix
Thierry Vissac
- Nous ne pouvons pas douter de la présence insistance du désir de vivre en paix dans le corps et l'esprit... souvenir diffus d'une paix oubliée dont nous ne connaissons que les effluves.
- Nous demandons la cessation de toute souffrance, et nous sommes prêts à payer cher pour ça. Nous cherchons des moyens parfois sophistiqués pour effacer la douleur et certains pensent que la science pourrait y parvenir tout à fait. Mais cette volonté d'anesthésier la douleur est l'expression d'un refus rarement remis en question... Nous devons reconnaître que notre lutte est dérisoire. La douleur revient inlassablement. Mais, malgré ce constat, le refus continue de se manifester. Voilà la relation immature que l'humanité entretient avec la nature !
- La souffrance est proportionnelle à notre refus d'un événement, d'une sensation, d'une parole. Bien sûr, il ne s'agit pas de nier la réalité de la sensation ou l'impact d'un événement ou d'une parole, voire, la nécessité d'une action en retour mais d'explorer avec courage la cause véritable de notre souffrance.
   Il faut voir sans défaitiste : les mouvements, les exigences du corps et de l'esprit ne se maîtrisent pas et la croyance répandue - jusque dans les cercles spirituels - que nous parviendrons à les contrôler est un leurre. Notre liberté ne dépend pas d'une maîtrise quelconque et certainement pas des mouvements naturels.
- La paix n'est pas dépendante des mouvements du corps et de l'esprit... Il existe en soi une possibilité à découvrir, une nature profonde qui n'attend pas que les affaires de corps et de l'esprit s'améliorent nécessairement pour connaître la paix, pour être en paix.
- La promesse d'une vie sans sensations désagréables, sans soucis, entretient la fuite et la souffrance : le refus demeure dans l'attente que la promesse se réalise. C'est ainsi que nous vivons depuis de longues années, sans accueil véritable de ce qui se passe, tentant d'éviter ce qui nous apparaît comme une erreur, fermés à tout ce qui ne produit pas la sensation complète de bien-être. La consommation de drogues et de médicaments s'inscrit naturellement dans cette quête.
  Nous ne pouvons que ressentir une profonde compassion devant cet égarement collectif et la souffrance qu'il engendre et perpétue.
- Nous pouvons nous éveiller à notre nature véritable dès que nous relâchons cette localisation sur le corps et la pensée en tant que lieux de notre souffrance ou de notre bonheur.
  Notre existence précède toute sensation et toute pensée. Nous sommes le lieux de la paix avant même d'y penser.. Cet "être" que je suis est celui qui peut accueillir toutes ces choses sans nécessairement s'y attacher, celui qui survivra immanquablement à toute sensation, tout événement et toute pensée. Celui-ci ne se compromet et ne souffre que lorsqu'il oublie sa nature véritable, se cherchant dans les manifestations transitoires de l'incarnation. Par "se chercher", nous entendons chercher à trouver la paix à l'extérieur de notre propre nature, en l'occurrence dans un monde que nous voudrions sans mouvement, sans cette alternance révoltante de douleur et de plaisir.
  Nous ne pouvons plus nous leurrer aujourd'hui sur la réalité de cette quête de la paix hors de soi. Envisager aujourd'hui qu'il est possible d'accueillir tout événement, toute sensation, et toute pensée comme des mouvements ne nous appartenant pas en propre, est un bon rappel de notre véritable nature et un avant-goût de la vie Divine, de l'éveil spirituel.
Commentaires sur la souffrance
Maurice Nicoll
- « Les gens imaginent qu'ils ont quelque chose à sacrifier. Ils n'ont qu'une chose à sacrifier, c'est leur souffrance. » Gurdjeff
- La souffrance mécanique est complexe, varié, sournoise, subtile. Elle est présente en nous depuis si longtemps que nous ne l'observons pas - pour résumer, c'est une habitude. Nous ne voyons pas en nous son action continuelle, intime, paralysante.
- Pour changer, on doit sacrifier quelque chose. "Puis-je imaginer un instant que je puisse changer sans devoir sacrifier ou renoncer à quelque chose ?" Cela veut dire simplement que vous ne pouvez changer si vous voulez continuer à rester la même personne. Changer, c'est devenir différent. Si je veux aller à Londre, je dois renoncer à rester à Paris.
- Une personne ne peut s'éveiller si elle conserve ce poids insupportable, sa souffrance mécanique, et si elle la nourrit par un processus continuel de justification.
- Il n'y a pas de justice sur cette planète sur laquelle tout arrive selon la seule façon dont cela doit arriver... Dès l'instant où vous voyez la mécanicité de vos comportements, comment pouvez-vous en vouloir aux autres qui agissent exactement comme vous ?
- Nous avons fort peu conscience de ce que nous sommes, et en même temps nous projetons sur les autres tout ce que nous ne pouvons accepter de nous-même, pouvant même, et en tout instant, devenir insultant envers les autres... Comment pourrais-je vous juger, si je prends conscience que je suis pire que vous ?
- « La tristesse qui regarde vers Dieu aboutit à une consolation salutaire, tandis que la tristesse est mortelle quand elle est humaine. » Paul, les Évangiles
Voir à travers, Voir au-delà
Shanti Mayi
- "Voir à travers" signifie observer en silence, avec attention notre bavardage mental, nos vagues émotionnelles et nos identifications. Observer le flot des pensées sans les toucher, sans être capturé par la toile des besoins, nous empêche de tomber dans nos croyances embrouillées, nos projections, nos attachements et nos attentes. Ces films que nous inventons obscurcissent l'esprit vital de liberté à l'intérieur de nous.
  "Voir au-delà" signifie laisser aller ce qui est déjà parti. Lâcher prise simplement à ce qui est vraiment passé, nous conduit à l'éternel ici et maintenant, et nous fait prendre conscience de notre attachement à contrôler ce qui ne peut être contrôlé. En comprenant le caractère insubstantiel de nos constructions mentales et l'impermanence de toute pensée se manifestant, une transparente lumière et une subtile vigilance nous remplisssent. Nous sommes libérés des limitations de nos désirs et attentes.
- Notre seule attitude est de rester ancré dans notre coeur, et de prendre conscience que chaque instant est porteur d'un nouveau potentiel.
  Il y a de la douleur qui vient avec l'ouverture de votre coeur. Il y a de la douleur de demeurer fermé et limité. Qu'allez-vous expérimenter ? Qu'allez-vous choisir ? Si nous avons un choix dans la vie, c'est celui qui se présentera encore, encore et encore. Il survient chaque jour sous divers déguisements. Cette douleur est notre meilleure amie ou notre pire ennemie. Où que nous allions, elle est toujours là. Allons-nous descendre en elle, ou bien renoncer à nous-même ? Tel est notre choix.
  Il ne s'agit pas d'inviter ou d'éviter la souffrance, mais bien de mettre en lumière, en soi-même, la cause de la souffrance.
- L'infini est amour... l'amour est le remède du monde. L'amour est la lumière de l'illumination.
  Nous sommes amour, ouverts et disponibles à notre expérience et nous sommes vides comme l'espace. Dans ce vide plein d'amour, nous sommes remplis de la vie telle qu'elle est... elle est vide comme l'impermanence, vide comme un nouveau commencement qui peut venir ou s'évanouir..
  Regarder dans le silence les besoins et les attentes voltiger dans notre être et disparaître nous mène à notre "voie intérieure". Nous voyons alors les choses comme elles sont, et non pas comme nous voulons qu'elles soient. Quelle merveille !
  Cette "voie intérieure" déplace notre attention comme le soleil se déplace à travers l'espace, et nous éveille aux potentialités qui nous sont offertes. Là où le possible se découvre, la liberté éclôt face à la résistance. Là où il y a liberté face à la résistance, il y a liberté face au mental générateur de misère.
  Il ne s'agit que de voir les choses comme elles sont vraiment.
- L'histoire d'une femme... cinq tentatives de suicides. Elle était prise dans la toile de ses désirs, et il en résultait une haine envers elle-même. Elle-même se définissait comme un "désir insatisfait". Elle racontait sa continuelle déception du fait que sa vie ne répondait pas à ses souhaits... ses désirs comme des ronces autour de son coeur. Prisonnière de ses exigences, il n'y avait pas un seul jour de sa vie où elle pouvait s'offrir la liberté en laissant les choses être simplement ce qu'elles sont. Sa forteresse mentale devenait de plus en plus solide et l'espace en elle-même se rétrécissait d'année en année. Son esprit se ratatinait et elle devenait de jour en jour plus aigrie. Sa douloureuse résistance s'amplifiant, il devenait évidemment difficile pour les autres de demeurer près d'elle trop longtemps. Et c'est ainsi que la solitude l'encerclait, se rajoutant au poids de sa misère personnelle. Elle vivait en désirant ce qui n'est pas, identifiée avec ses violentes émotions et plongée dans la haine de chaque minute de sa vie et de la vie d'autrui. Puis un médecin lui diagnostiqua un cancer en phase terminale. Et la lumière refit surface en elle. Ses yeux s'ouvrirent et sa souffrance diminua ; elle réalisa combien la vie est réellement précieuse ainsi que le peu de temps qu'il lui restait à vivre... Savoir que ses jours étaient comptés lui faisait percevoir chaque chose par les yeux de l'abandon désintéressé et son esprit comme son coeur étaient ouverts... Elle connut un éveil et vécut les derniers jours de sa vie dans une vibration spirituelle plus grande que tout ce qu'elle avait vécu pendant ses dernières 75 années.
- Ce que nous pensons être n'est pas ce que nous sommes... Nous pensons que quelque chose devrait nous ramener à la maison. En fait, nous n'avons jamais quitté la maison. Réaliser que nous sommes ce que nous cherchons... amour, plénitude, unicité.
- La vie nous apporte force, clarté et sagesse. Chaque situation dissimule un joyau si l'on veut bien y regarder.
La myrrhe amère que Dieu nous offre
Jean Tauler
- Les rois offrirent de la myrrhe... Elle est amère et symbolise l'amertume sans laquelle l'homme ne saurait trouver Dieu, quand il commence à se détourner du monde vers Dieu et n'a pas encore renoncé à toute jouissance et à toute satisfaction... Toutes les choses doivent te devenir aussi amères qu'elles t'étaient douces. Pour qu'il en soit ainsi, il faut une grande volonté et une vive application. Plus le plaisir a été grand, plus amère sera la myrrhe, une amère amertume.
- Comment l'homme peut-il être sans jouissance tant qu'il vit dans le temps ? J'ai faim, je mange ; j'ai soif, je bois ; j'ai sommeil, je dors ; j'ai froid, je me chauffe. Cette satisfaction ne doit pas pénétrer en toi... elle doit passer, elle ne doit pas t'apporter de jouissance, mais s'écouler ; elle ne doit pas être un bien intimement possédé dans lequel on se repose avec satisfaction et jouissance. Au contraire, laisse passer  toutes les satisfactions que t'apportent le monde et les créatures...
- La plus petite comme la plus grande souffrance que Dieu laisse tomber sur toi vient du fond de son ineffable amour... Si seulement tu voulais les accepter, tout cela te serait si utile... Quoi qu'il puisse t'arriver de fâcheux, tout cela te prépare et sert à ta vie de noble joie... Tout cela, si tu peux l'accepter, te prépare et te dispose à la vraie paix... Dieu veut, par la souffrance, entraîner l'homme à de grandes distinées...
- Mais il y a des gens qui ne se contentent pas de la myrrhe que Dieu leur donne, ils veulent encore plus, ils se cassent la tête, s'abandonnent à des manipulations maladives et, après avoir longtemps et beaucoup souffert, ils n'en tirent point de profit. Il en résulte peu de grâce, et ces gens en restent toujours au même point ; car ils bâtissent selon leur propre plan, qu'il s'agisse de pénitences, d'abstinences, de prières ou de méditation ; Dieu doit toujours attendre leur bon vouloir et que prenne fin leur oeuvre personnelle.
- Voici maintenant une myrrhe beaucoup plus amère que Dieu envoie ; l'angoisse intérieure et les ténèbres intérieures. Ces souffrances, chez celui qui en fait la pleine expérience et qui s'y adonne, consument la chair, le sang et toute nature. Ce travail intérieur change beaucoup plus la couleur du visage que les grandes pratiques extérieures, car Dieu vient avec des tentations effrayantes et des épreuves exceptionnelles et extraordinaires que personne ne connaît, sauf celui qui les éprouve... Mais Dieu sait bien où il veut en venir. Laisse-t-on passer cette myrrhe dans l'indolence et l'inattention ? on n'en tire aucun profit. Alors on s'en vient dire : « Maître, quelle aridité et quelle obscurité dans mon intérieur ! » Mon cher enfant, prêtes-y attention, et tu t'en trouveras mieux que de grandes douleurs.
  Il y a deux façons de résister à la myrrhe que Dieu nous offre : par nos sens et par notre raison.
  La myrrhe extérieure est rejetée par les sens. Certaines gens se prétendent assez sages et s'imaginent pouvoir, avec leur sagesse, se préserver de la souffrance. Ils attribuent ses contrariétés extérieures à la bonne ou mauvaise fortune, et pensent qu'ils auraient mieux dû se garder de la souffrance. S'ils avaient fait ceci ou cela, les choses se seraient bien arrangées et la souffrance leur aurait été épargnée. Ils veulent être plus sage que Dieu, lui en apprendre, lui faire la leçon, et ils ne peuvent pas accepter ce qu'il leur envoie. Ces personnes ont de grandes souffrances, et leur myrrhe leur devient très amère.
  Ils y en a d'autres qui regimbent contre la myrrhe intérieure, avec leur subtilité naturelle ; ils veulent s'échapper de ces tourments qui sont en eux, à force de considérations rationnelles.
  De là vient que beaucoup de gens simples avancent plus vite que ceux-ci ne le font avec les hautes considérations de leur raison. Car les gens simples suivent Dieu simplement ; ils ne savent pas faire autrement. Mais en vérité si les raisonneurs suivaient Dieu et s'abandonnaient à lui, si seulement ils s'abandonnaient à ces épreuves, il n'y aurait goutte de sang, si petite soir-elle, qui ne pût leur être d'une utilité extraordinaire.
Souffrance réelle et souffrance imaginaire
P.D. Ouspensky

- Il y a une souffrance inévitable et nécessaire que l'on doit accepter si l'on veut obtenir quelque chose... On doit sacrifier toutes les choses inutiles mais pas d'un seul coup : les théories fausses, le bavardage, la soufrance imaginaire.
- La souffrance occupe une très petite partie de notre vie, alors que les émotions négatives en occupent presque la totalité.
- Chacun ressent un certain type de souffrance qu'on peut appeler l'apitoiement sur soi. On n'abandonne jamais cet apitoiement sur soi ; c'est le bien le plus précieux de l'homme, il l'a toujours avec lui et il tient la meilleure place ; il n'essayera, ni ne décidera jamais au niveau de son mental, de faire un effort pour se débarrasser de son apitoiment sur lui-même. Chacun de nous possède une ou deux émotions négatives auxquelles il est particulièrement attaché... On vit avec ces émotions, on est totalement absorbé en elles, et tout est coloré par elles, et ainsi on ne la sacrifiera pas.
- Ses souffrances sont devenues des habitudes... Toutefois, afin de se débarrasser de la souffrance inutile, la première étape consiste à décider de s'en débarrasser au niveau du mental... Tant que son cerveau est hypnotisé par cette souffrance, il ne fera aucun effort pour cela.
- L'idée générale est que vous ne pouvez obtenir quelque chose sans contrepartie, vous devez sacrifier quelque chose. Mais que sacrifier ? Une personne ne veut pas sacrifier une chose, une autre personne une autre chose. La réponse est la suivante : sacrifiez votre souffrance - les émotions négatives, l'imagination négative, tout cela. C'est un très bon sacrifice, seulement c'est très difficile, car on est prêt à sacrifier n'importe quel plaisir mais pas la souffrance.
- Vous refusez d'accepter votre souffrance et ainsi de l'arrêter. C'est très simple. Supposez que vous soyez en conflit avec quelqu'un, que l'on vous fait du mal ou qu'on vous offense... Essayez de sacrifier ce conflit et vous verrez à quel point vous y êtes attaché. C'est vraiment un sentiment très plaisant quand on se dit : «Je n'en ai rien à faire. Personne n'est coupable.» Mais les gens n'aiment pas cela car ils ressentent alors un vide.
- Le développement implique une augmentation de la souffrance pendant une certaine période... En elle-même, la souffrance ne peut rien apporter, mais si l'on se rappelle à soi-même en même temps, elle peut devenir une très grande force. Si la souffrance n'existait pas, il serait nécessaire de l'inventer, car sans elle, on ne pourrait parvenir à un rappel de soi correct. Mais les gens tendent à fuir la souffrance, de l'enfouir ou ils s'identifient et, de cette manière, détruisent l'arme la plus forte qu'ils possèdent.
- À moins que nous ne nous débarrassions de la souffrance inutile, nous ne pouvons nous servir de celle qui est utile. La plus grande partie de notre souffrance est totalement inutile, et nous en avons beaucoup trop. Vous devez d'abord apprendre à distinguer ce qu'est la souffrance inutile. La première condition pour être libre est de la reconnaître pour ce qu'elle est.
- Nous n'obtenons rien par le plaisir ; avec le plaisir nous ne pouvons que connaître la souffrance. Tout effort est souffrance ; toute prise de conscience est souffrance, et nous faisons beaucoup d'observations déplaisantes sur nous-mêmes et d'autres choses également, et il y a de nombreuses formes de souffrance.
- La plus grande partie de notre souffrance vient de l'identification, et si l'identification disparaît, notre souffrance disparaît aussi.
- Chaque chose doit être transformé par un effort de volonté et par la connaissance.
- Aucun choc seul ne peut nous aider car il y beaucoup de choses qui nous relient à notre état présent. Il est important de comprendre que des milliers de chocs sont nécessaires, et pendant des années. Alors seulement, les chaînes peuvent se briser et l'homme peut devenir libre.
- Seule la souffrance peut créer la force.

Pour en finir avec la prétention de souffrir en général et de l'amour en particulier
Éric Baret
- Constater à quel point nous sommes toujours en train de quémander l'assentiment de l'environnement. L'entourage ne m'est sympathique que s'il supporte ma souffrance, la justifie ; ultime sécurité. Sinon: «Tu ne respectes pas ma souffrance.»
  Tel est l'humain. Il veut que l'on respecte sa souffrance. «J'ai bien le droit de souffrir, mon chien est mort, je suis malade, ma femme m'a quitté, mon enfant a disparu, mon mari me trompe, mon viol ! Je suis bien en droit d'être malheureux.»
- Tôt ou tard, on s'apperçoit du mécanisme : la souffrance est toujours une réaction, la prétention que la situation pourrait être autre que ce qu'elle est. Quand nous vivons avec la réalité, c'est-à-dire avec ce qui apparaît dans l'instant, sans l'histoire que les choses devraient être autrement pour nous être «agréables», la souffrance est impossible. La beauté prévaut ; on ne peut plus se battre pour être reconnu comme «souffrant moralement», on n'est plus «politically correct». On cesse d'empoisonner l'environnement avec le : «Tu ne respectes pas ma souffrance.». On ne transmet plus l'angoisse, mais la tranquillité.
- Que de noblesse dans la souffrance, on la garde pour soi, on la partage, on l'entretient au cimetière, on la décore de noir, de cérémonies.. « Si vous saviez combien je souffre..»
- Je t'aime. Cela veut dire ; je suis dans ma nature profonde, sans attente, je ne demande rien, surtout pas que tu m'aimes. Si je demande que tu m'aimes, c'est que je ne t'aime pas, je ne te respecte pas, car l'amour est sans demande.
- Quand l'appel à la vie se fait entendre pleinement, tout ce qui nous semblait être des limitations, des restrictions dont on voulait se libérer, devient au contraire la chance d'approfondir la compréhension de soi-même, c'est-à-dire la vision de ses limites. Célébrer cette découverte : encore en moi un espace non libre. Libre du fantasme de vouloir être autre chose que ce qui apparaît dans l'instant, je ne cours pas chez le thérapeute ou le gourou à la mode, je tourne la tête et fais face à cette limite corps et âme. Dans cet instant, libre d'attentes, ma restriction devient la porte non conceptuelle sur la réalité.
  Quand je fais un avec ce qui apparaît, sans l'histoire que les choses pourraient être autrement, la souffrance ne peut se maintenir. La souffrance est toujours dans le futur. Voilà l'art de vivre. Tout n'est que miroir pour révéler ma liberté.
- La quête de la liberté ne concerne que celui qui est prêt à se passer de son histoire, passée, présente et future.
  Ce qu'on appelle les autres, l'environnement, n'est que la création de notre peur.
  Voulons-nous être libres ou constamment consolés, approuvés, supportés par les images ; mon histoire, mon passé, mon mari, mon amant, ma maison, ma race, mon pays, etc ?
  Est-il si difficile de voir combien « mon », « ma », « mes », n'est qu'une clause de style, un vol, comme le clown du cirque qui s'approprie les applaudissements destinés au jongleur. On ne peut plus dire « je possède, ceci m'appartient, voici ma femme, mon pays et même, tôt ou tard, mon corps, ma pensée. » Mais : « je célèbre, j'honore, car il n'y a que Lui, qui apparaît sous toutes formes, et la seule station de l'être humain véritable est celle de serviteur.»
  Rien n'est à moi et je n'appartiens à rien. Telle est ma liberté.
  Cela n'empêche pas de remplir ses fonctions dans la vie quotidienne. Pour beaucoup de gens la vie familiale est plus organique que l'apparente solitude. Des enfants peuvent s'imposer, et vous ne laissez pas le petit chat qui dort dans le salon sans nourriture... Rien ne vous empêche de bâtir une fortune si cela s'impose naturellement, mais vous n'aurez plus besoin de cela pour vous sentir riche. Vos qualifications de père, d'époux, d'amant, de soldat, d'homme d'affaires, de criminel ou de saint homme, s'imposent sur le moment ; mais vous ne vous cherchez plus en elles. Vous suivez le courant de la vie sans prétention à une quelconque autonomie. Vous accomplissez votre rôle avec la reconnaissance d'être, quelles qu'en soient les modalités.
  La révélation divine ne vous dit pas que vous ne devez pas ressentir la douleur, ni que vous devez être en mesure de pouvoir payer votre loyer ou avoir la capacité de nourrir vos enfants. Cette capacité vous est donnée ou non sur l'instant ; vous ne choississez pas de vivre dans un pays repu ou dans un pays souffrant de la famine. Dans une clarté sans histoire, ce qui apparaît n'est autre que l'essentiel, quelles qu'en soient les expressions. Vous vivez en fonction de votre capacité réelle et non pas d'un capital hypothétique créé ou espéré par besoin de sécurité affective. Dans l'abdication de toute prétention à une compétence à vivre, la vie se charge de vous totalement.
  Dans un instant de vérité, jetons dans l'éclair de la simplicité toutes nos prétentions à une quelconque couleur, à une quelconque qualité.
- Seule notre histoire se consume. Jusqu'à la vision qu'elle n'avait jamais vraiment existé, si ce n'est dans notre peur. Le serpent s'évanouit ; il n'y a qu'une corde.
  Ici plus de respect de la souffrance. Les feux crématoires s'ouvrent et de furieux embrasements consument le consumable.
  Voila le vrai respect, pas celui d'une fantaisie, mais de la vie elle-même sous tous ses aspects. Moins que cela n'est que malheur. Aussi longtemps que je n'intègre pas tous les aspects des émotions, je suis dans une histoire. Aussi longtemps que je ne supporte pas ceci ou cela, présent, passé ou futur, je ne supporte rien, ce je projette partout ces peurs, je nie la divinité.
  Cela ne peut se réaliser que dans l'instant. On ne peut se libérer qu'ici et maintenant. Pas de fuite dans le plus tard, « quand je serai prêt », C'est l'instant ou jamais, il n'y en aura pas d'autre. Disons un OUI sans limite, ultime respect.
 
Autres pensées ou extraits
"Moi le mourant, je suis maintenant comme une chrysalide s'approchant de la transformation en papillon.
Notre véritable demeure est l'éternité. Notre court passage sur Terre, ainsi qu'une profonde aspiration semblerait confirmer notre appartenance à un ailleurs.
En réalité, chacun de nous est un point d'intelligence au sein de l'espace profond qu'est l'éternité.." Barry Long

"Je crois à la force de l'acceptation chaque fois que la souffrance vient frapper à notre porte : non pas subir, mais reconnaître, prendre soin, et « être avec ». Ne pas s'identifier à cette souffrance, garder conscience qu'elle nous traverse, tenter d'écouter ce qu'elle a à nous dire, et savoir que notre vulnérabilité est quelquefois une chance." Marie-Noëlle Trotignon
Dès le matin, au réveil, le masque de la souffrance existentielle est revêtu. Si je n'apporte aucune attention à ce phénomène, j'en reste l'esclave plaintif, passant toute ma journée à le fuir et à pester après les coupables fictifs de ce pseudo-mal-être : moi-même ou le monde extérieur...
Elle s'est encore endormie à mes côtés sans me faire le moindre calin, alors que j'en avais vraiment envie. Hier soir, la frustration était telle qu'elle se ressentait au coeur de ma poitrine par une douleur brûlante. "Insupportable ?" Non, au lieu de continuer à justifier cette lamentation sur mon soi-disant malheureux sort, je choisis à cet instant-là de sentir cette douleur, d'être noyé en sa présence, puisqu'elle était incontournable ! Au lieu d'être dans la non-acceptation d'un tel état, l'accueillir, le laisser se déployer... Pouf, dans les minutes suivantes mon sort changea alors de coloration, l'énergie rayonnait cette fois-ci comme une force et j'en restais baba, heureux dans ce lit, bercé par le chant mélodieux des ronflements de ma dulcinée qui ne m'importunaient soudainement plus du tout !
- "Toute notre vie est polluée par de petites misères..."
- Pourquoi ne pas parcourir ce chemin ? Pourquoi croire que ce m'est impossible alors que là est le seul appel de la vie ? Pourquoi croire que je ne peux pas présentement oeuvrer réellement cette oeuvre divine alors que le seul désir de Dieu est de se faire Homme, alors que sa seule aspiration est de me devenir ?