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Textes d'auteurs (2008)
Quel est le sens de l'existence ?
3e Millénaire, Automne 2002, No 65

NB: Des extraits d'articles de la revue, parfois légèrement adaptés.
Le principe de la Maya et la conscience
Robert Powell
- Que suis-je réellement ? Suis-je ce corps, suis-je ce mental ? Ou ce que je suis est quelque chose d'impossible à exprimer avec les mots ? La réponse est : « "je" ne peux être pensé, car ce que je suis est totalement "différent" de ce qui peut être saisi par un concept, par le langage ». Étant incapable de formuler ce que je suis, je ne peux que rester silencieux. Et dans ce silence, je peux être Cela, ce que je suis réellement.
- Nous sommes identifiés habituellement avec notre corps et avec un nom, et nous ne soupçonnons pas que nous ne sommes jamais conscients... L'identification se produit à cause de notre éducation, de notre conditionnement, de notre manque d'attention et d'absence de méditation au sens véritable d'étude de soi. Nous avons une connaissance superficielle de notre corps, et une expérience superficielle du mental : nous en tirons alors la conclusion que nous sommes cet ensemble d'opinions, de mémoires et de concepts.
- Si le soi et le monde ne font qu'un, alors il n'y a plus de séparation entre deux individus. De même, la séparation entre la vie et la mort disparaît..
- Le mental refuse de regarder en lui, car ce serait une menace mortelle pour sa survie, une menace d'auto-dissolution.
- Une fois que l'on est identifié avec le corps, la survie devient également un problème - un problème psychologique. Mais si vous n'êtes pas identifié, il n'y a plus de problème psychologique mais seulement un problème technique, factuel : comment trouver de la nourriture, des habits, un logement, comme être au chaud, et cela reste sur ce niveau sans créer de désordre dans le mental. Vous voulez vivre dans une maison, mais cela vous importe peu si elle vaut un million d'euros ou pas.
Sens et raisons de l'existence
3e Millénaire
- La personne que "je" crois être ne peut se libérer d'elle-même.
- Le sens de l'existence, aussi indéfinissable soit-il, nous éclaire toujours accompagné de joie ; tandis que l'absurde de l'existence s'accompagne d'anxiété et d'angoisse. Le sens de la vie vibre avec la résonance harmonieuse du cœur, de la sensibilité et de la raison...
- Nous avons de multiples raisons d'exister, qui durent un temps, quelques heures, quelques jours ou quelques années. Mais le moment le plus crucial, est celui où nous perdons, un instant, toutes nos bonnes raisons s'exister. L'angoisse existentielle est alors à fleur de peau... À ce moment-là, pour celui qui est passé par toutes les désillusions de l'existence conditionnée, il n'y a plus d'échappatoire crédible, il n'y a plus d'espérance ou de croyance particulière ; l'angoisse existentielle, cette mélancolie basique, fond avec le sujet lui-même : une prière sans objet émerge avec l'intelligence du cœur.
- L'Amour est la substance d'un mode de Connaissance inimaginable et insaisissable par notre faculté de représentation. Quand "je" ne sais plus comment faire, le cœur commence à entendre, à devenir l'organe spirituel d'une nouvelle intelligence qui possède, de manière intrinsèque, le pouvoir de voir qui est à la fois aimer, sentir et penser.
Que signifie "être dans le monde" mais pas "du monde" ?
Entretien entre Andrew Cohen et Eckhart Tolle
- Un effort continu est mené pour atteindre la réalisation dans le temps. Les gens comptent trouver le salut dans le futur, mais le futur n'arrive jamais... Les réponses ne peuvent être trouvées au dehors, dans une réalisation matérialiste, ni dans le temps.
- J'étais très proche du suicide lorsque quelque chose de nouveau est arrivé - la mort du sentiment de soi, vivant au travers d'identifications à mon histoire, aux choses autour de moi, au monde. La perception intense d'un calme profond, d'être en vie, d'être, est survenu à ce moment. Je l'ai appelé plus tard "Présence". J'ai réalisé, qu'au-delà des mots, Cela est qui je suis. Cet état profond de calme, présent de manière vibratoire, était qui je suis.
- Des années plus tard, j'ai appelé cet état de calme, "pure conscience", et tout le reste "conscience conditionnée".... Être perdu dans le conditionné semble nécessaire aux humains... il semble qu'être perdu dans le monde, absorbé par le mental, qui est la conscience conditionné, fasse partie de leur chemin.
- Et grâce à la souffrance ressentie quand nous sommes perdus, on découvre que l'inconditionné est soi-même. Nous avons besoin du monde pour transcender le monde...
- La signification du monde est pour vous, au bout du compte, de vous y perdre. Sa signification est pour vous de souffrir, de créer la souffrance semblant nécessaire à ce que survienne l'éveil.
- Vous entendez que vous n'avez plus besoin de temps, ni de souffrir.
- New York et Los Angeles... Dans la rue, les gens s'agitaient dans tous les sens, courant presque. Chacun semblait être dans un état de tension nerveuse, d'anxiété. Ceci est de la souffrance, réellement, mais elle n'est pas reconnue comme telle... ils couraient tous vers le futur. C'est une course dans le temps : pas maintenant - plus tard.
- Même quand je m'intéresse aux gens ou que je marche dans la rue, en faisant des choses ordinaires, je perçois le monde comme des vagues sur la surface de l'Être. Derrière le monde des perceptions sensorielles et le monde de l'activité mentale, se trouve l'immensité de l'Être. Il y a un immense espace, un immense état de calme et la petite activité des vagues à la surface n'en est pas séparée...
- Il n'y a pas de séparation entre l'Être et le monde manifesté, entre le manifesté et le non-manifesté. Mais le non manifesté est beaucoup plus vaste, plus profond et plus grand que ce qui se produit dans le monde manifesté.
- C'est l'état de conflit continuel auquel est condamnée la conscience non-éveillée - être tiraillée continuellement entre le désir et la peur. C'est un sort terrible.
- Si vous percevez une fleur, un arbre, dans un état de grande attention et de calme intérieur, libre du passé et du futur, alors dans cet instant, le non-manifesté est déjà présent.
- ...Les qualités précieuses et intangibles que nos appelons amour, joie et paix font toutes 'Un' avec le non-manifesté. Elles émergent de cela. Un être humain qui est relié à cela et qui agit et interagit ensuite, devient un bienfait pour la planète, tandis que l'homme non-éveillé est très lourd pour la planète.
- C'est seulement quand il y a un abandon complet au maintenant, à ce qui est, que la libération est possible. Je ne pense pas qu'une pratique vous mènera à un abandon complet. C'est l'état d'abandon - un "oui" total à ce qui est... une ouverture totale à ce qui surgit dans l'instant. L'état habituel de la conscience est d'y résister, de le fuir, de le nier, de ne pas le regarder.
- C'est accueillir cet instant, l'embrasser, et c'est un état d'abandon. C'est réellement tout ce qui est nécessaire.
- Là où vous êtes est le lieu idéal pour abandonner. Quelle que soit la situation dans laquelle vous vous trouvez, vous pouvez dire "oui" à ce qui est, et c'est le point de départ de toute action ultérieure.
- "Aimez votre prochain comme vous-même" signifie que votre prochain est vous-même, et cette reconnaissance de l'Unité est Amour.
De l'interdépendance
Lama Denys Teundroup
- « Il n'y a pas de phénomène que ne soit interdépendant. Aussi, il n'y a pas de phénomène qui ne soit vide. » Nagarjuana
- Le Dharma nous enseigne que tout est interdépendant : ce que nous sommes et notre monde, tout ce qui existe et tout ce qui est connu. Il n'est rien, ni aucune expérience ou connaissance, qui ne soit dépendant de quelque chose d'autre ! De plus, ce que nous sommes en tant qu'individu est un ensemble d'éléments et d'interactions... La notion d'interdépendance ainsi entendue va d'ailleurs de pair avec celle d'impermanence.
- L'entraînement à la méditation, fait à partir ce ce que nous sommes - corps, pensées, émotions, esprit, dans les situations du quotidien -, est fondé sur la relation au présent. Il développe l'attention qui est une qualité de présence vigilante à l'instant, et la conscience dégagée : un état d'esprit ouvert et disponible. Les qualités de présence, d'attention et d'ouverture développées par la méditation, sont en parfaite adéquation avec une vie active contemporaine ; celui qui est capable d'avoir la précision d'attention et l'ouverture d'une conscience dégagée, dans toutes les situations de sa vie, aura pour les traiter intelligence et douceur, sagesse, non-agressivité et amour.
Vimala et sa perspective de vie
Traduit par Pascal Hanriot
- La vie est un phénomène auto-généré, auto-contrôlé, auto-régulé. Il n'y a pas de créateur ou de dieu personnel qui aurait créé le monde et serait resté en dehors de lui.
- La vie est un phénomène infini et éternel qui est essentiellement intelligent et dont l'intelligence est incluse aussi bien dans un brin d'herbe que dans un éléphant ou un être humain.
- Ce que vous appelez la vie quotidienne est la seule occasion de vivre qui existe. Il n'y a pas d'autre vie en dehors du "maintenant" et de "l'ici", pas de vie en dehors du présent. Ce que vous appelez le maintenant et le présent est la seule infinité ou éternité avec laquelle vous pouvez entrer en relation. L'éternité et l'infinité ne sont pas des abstractions, ce ne sont pas des idées, elles sont le contenu de la Réalité.
- Je dois vivre dans ma vie quotidienne avec mon corps. Nous l'appelons "mon corps", mais il est en fait une expression de la vie cosmique. Ce que nous appelons "notre corps", c'est du cosmos condensé.
- À moins que vous n'aimiez la vie, à moins que vous n'aimiez ce corps splendide que vous avez, vous n'observerez jamais et n'arriverez jamais à comprendre ses besoins. Ce que l'esprit décide, ce peut être une volonté artificiellement stimulée et pas un réel besoin physique. Afin de comprendre, je dois observer le corps et découvrir comment il répond aux sons, quelle sorte de nourriture lui convient, la fréquence des repas, la qualité, la quantité, de combien de temps de sommeil il a besoin. Tout cela doit être découvert et il est possible à chaque être humain de le découvrir. L'inconnu doit être découvert et alors seulement qu'il peut être compris.
  Si vous comptez seulement sur le connu, sur la connaissance, vous ferez des répétitions mécaniques, vous suivrez quelque tradition, quelque coutume, quelque dogme et alors il n'y aura pas de liberté intérieure en relation avec le régime alimentaire, l'exercice, le sommeil, l'impulsion sexuelle. Mais s'il y a une découverte personnelle, alors vivre devient riche en signification.
- Dans une situation familiale ou dans le cadre d'une organisation, vous devez coopérer avec ce que vous pensez juste, authentique et approprié, mais vous devez avoir le courage de ne pas coopérer avec ce que vous percevez et comprenez comme étant inapproprié, faux et injuste. Exercez le pouvoir d'ignorer. La liberté exigera de vous son prix.
- Si je suis attaché à la Vérité que j'ai comprise, alors je la vis en paix, sans faire de publicité pour elle, sans en faire une affaire, sans en parler. Je la vis paisiblement, de façon digne, dans la noblesse de ma dignité intérieure, de mon intégrité et de ma liberté. Je vis ma compréhension et en paie le prix en ce qui concerne les récompenses sociales.
- La clarté de la compréhension est le rayon de soleil de la conscience intérieure et vivre la vérité que vous comprenez vous procure un sentiment de plénitude qu'aucun honneur social ne peut jamais vous apporter... Je pense que ceux qui vivent leur compréhension connaissent l'extase de cette liberté intérieure, la paix et la satisfaction de l'intégrité... On peut vivre en société et cependant ne pas en faire partie.
- La vie est un mystère, elle n'est pas connaissable dans sa totalité. Certaines parties seulement du manifesté, de visible, du sensoriel et du matériel peuvent être comprises à l'aide de la connaissance, mais pas la totalité.
- Il y a une interrelation organique entre la terre, l'eau, le feu, les cieux, le système solaire, les planètes. Dans cette interrelation organique, vous partagez votre vie avec l'autre et vous êtes enrichi par ce partage.
- La vie toute entière est divine... C'est une danse d'émergence et de fusion, de manifestation et de dissolution, c'est une danse d'une multitude d'énergies qui n'a ni début ni fin.
- La vie humaine est une occasion de manifester l'harmonie, l'ordre et l'intelligence que nous observons autour de nous dans la nature cosmique.
- Nous devons nous frayer un chemin à travers le chaos, les effusions de sang et les combats honteux qui se poursuivent. Cela ne peut pas être évité, c'est l'effet cumulatif de notre obsession de l'abondance matérielle, du désir de domination des individus ou des nations..
- Un engagement de la race humaine à pratiquer la mutualité et la réciprocité plutôt que les identifications et les identités exclusives.
- .. souffrir aujourd'hui pour construire l'avenir.
- Une partie de cette compréhension de la Vie peut être atteinte au niveau sensoriel, un autre partie peut être connue au niveau intellectuel et le reste est ressenti quand vous abandonnez tout effort, quand vous lâchez prise sur le connu, sur le mouvement mental, et que vous vous relaxez dans un état sacré de non-action, de non-connaissance, de non-expérience.
  Ce phénomène multidimensionnel de Vie ainsi que les possibilités multidimensionnelles d'entrer en relation avec lui sont une réelle bénédiction. Puissions-nous avoir le désir ardent d'utiliser cette occasion à son potentiel maximum !
La mort
Eric Barret

- La mort, c'est une question légère. On vit exactement comme on meurt et on meurt comme on vit. Si on vit dans la peur, on meurt dans la peur. Si on vit de manière disponible, on meurt de même. Oubliez la mort et donnez-vous clairement à la vie. Quand vous avez la chance de ressentir la peur, dites merci. Si vous l'éprouvez maintenant, vous n'aurez pas à la subir plus tard sur votre lit de mort. Laissez-la vous parler sensoriellement. Vous n'avez pas peur, vous sentez la peur. Elle va petit à petit se vider. Quand il vous arrive d'avoir peur, si vous tentez par certaines techniques de la minimiser, vous l'enfouissez un peu plus chaque fois et elle vous rejoindra au moment de la mort.
  Vivre disponible. La mort devient un non-événement et vous n'y pensez plus. Aucune connaissance n'est nécessaire. N'ajournez plus la vie en vous préparant à la mort. Plus besoin de prêtres ni de connaissances ésotériques.
  Mort à ses attentes, ses angoisses, ses inquiétudes. C'est cette mort qui est importante. ... Plus vous saurez, plus vous subirez d'inquiétudes. Votre culture est localisée dans votre mémoire, tout ce que vous aurez lu et accumulé, techniques et expériences... or, vu le délabrement du cerveau en vieillissant, toutes vos préparations sont inutiles.
- La disponibilité au présent vous accompagne dans ce qui est important. Toutes les réflexions que vous pouvez avoir sur le sujet est uniquement une mémoire. C'est un ramassis d'informations que vous avez capté à la télévision ou éventuellement en accompagnant des amis mourants. C'est sur cet amas de notions erronées que vous allez baser votre propre idée de la mort.
- Oubliez le grand maître, le lama, tous les gens qui voudraient vous assister. La famille qui s'obstine à pleurer, les gens qui soi-disant vous aident et qui soi-disant sont tristes sont une calamité. Vous mourrez tranquillement, solitaire sur un trottoir ou sur un lit d'hôpital. Nul besoin d'être entouré. Mourir simplement, comme on vit, librement.
- Rien ne peut vous aider et c'est cela la merveille, car rien n'est nécessaire. Comme le soir le corps se meurt progressivement dans le sommeil, la pensée s'évanouit, la perception s'élimine.
- On ne se prépare pas à la vie, on vit simplement. Vous n'avez rien à connaître sur vous-même. Il n'est pas nécessaire de savoir à quoi vous aurez à faire face demain, vous verrez bien. Prévoir.. si votre maison va brûler, s'il y aura la guerre, si vous serez malade.... Ce savoir est inutile. Pourquoi s'encombrer ?
- Faire face à la vie moment après moment. Le plus extraordinaire est ce qui a lieu dans l'instant. Comment puis-je m'intéresser à ce qu'il adviendra demain ? Maintenant est trop riche pour me laisser de l'espace de rêver à demain ou à hier. Quand vraiment vous vous donnez à la sensibilité, demain n'existe pas. La vie présente est trop belle, trop intense, trop pleine pour avoir l'opportunité d'y glisser un demain, un futur, une préparation. On ne prévoit rien. La seule vraie préparation est la disponibilité.
- C'est notre histoire qui juge, qui commente, qui dit : « C'est une belle mort ou c'est une mort terrible ». Qu'en sait-on ?
- Quand vous devenez disponible à vos peurs, à vos anxiétés vous préparez votre mort. Vous vous préparez à dire oui, à accepter. ...il faut le faire pour la joie de le faire.
- Vous transmutez le corps. Dans la sensibilité il n'y a pas de corps. Seule cette masse d'énergie est présente, le corps s'efface dans cette radiation. Vous laissez les organes des sens devenir complètement vibration. Tout cela se passe dans votre silence, dans votre tranquillité. La corps se meurt à chaque instant. À chaque expiration il se meurt totalement, à chaque inspiration il se recrée.
- Il est certain que si vous prétendez être et posséder quoi que ce soit il est très difficile de tout laisser-aller. Quand vous comprenez que vous n'avez rien, n'êtes rien, vous n'avez plus de mal à partir.
- Il n'y a rien à essayer, la vie se joue en vous. Durant un certain temps vous avez besoin de vous sentir jeune, beau, fort, intelligent, riche, cultivé, spirituel, bouddhiste ou autre... Au fil du temps vous constatez qu'inévitablement toutes les identifications, les exigences s'éliminent progressivement. Ce qui vous a rendu heureux à un moment, plus tard vous laissera complètement indifférent.. Tant que l'on est satisfait d'avoir une voiture rouge, une femme blonde, le corps équilibré, un futur, un passé, d'être français il faut le vivre. Un jour ces choses-là ne veulent plus rien dire pour vous.
  Surtout ne pas tenter de ne rien être, sinon cela devient un concept comme un autre... Un jour, naturellement il ne vous sera plus nécessaire de vous prendre pour Napoléon. Vous n'aurez plus besoin de vous sentir exister pour vivre.
- Vous n'êtes pas en charge de l'humanité des gens qui veulent se suicider. Si vous pouvez aider, vous essayez, si ce n'est pas possible tant pis. Cela en doit pas vous empêcher de bien dormir. Il faut savoir accepter ses limites.
- A lieu uniquement de qui est inéluctable. On ne peut pas qualifier une situation de normale et une autre d'anormale. Tout est normal.
- Lorsqu'on ne crée pas une histoire autour d'une situation on perçoit que ce qui arrive n'est pas le fruit du hasard.
- Ce que vous pouvez faire de mieux face à quelqu'un qui veut se suicider, c'est d'être heureux car le bonheur est contagieux. Plus quelqu'un est désespéré dans votre entourage, plus il est de votre devoir de rentrer en vous et de vivre cette disponibilité. Si la détresse, la dépression de quelqu'un vous rend mélancolique, vous quittez la pièce parce que vous empoisonnez encore plus cette personne.
- On ne rencontre bien la tristesse que lorsqu'on est heureux. Lorsqu'un de vos proches est mourant, si cela vous afflige n'allez pas le voir. Ne vous rendez à son chevet que lorsque vous êtes ouvert à accepter le jeu de la vie et de la mort. Là, vous l'aiderez vraiment. Le civisme dans le sens profond est d'arrêter de contaminer le monde avec sa morosité... Quand le chagrin vient on s'y rend disponible. On n'est pas triste, on sent la tristesse. Elle vibre, bouge, vit et meurt.
- Quand vous vous avisez que tout ce que vous pouvez émettre comme opinion vient de votre culture, vous ne cherchez plus à raisonner. Car dans ce cas, les événements ne sont jamais compris qu'à travers le sens qu'on leur surimpose... Lorsque l'on découvre cela on n'éprouve plus le besoin de projeter notre sens étriqué sur quelque chose d'illimité. La vie n'a aucune signification abstraite. Autre chose est présent. Un courant est là et il n'est pas conceptuel. La justification que l'on trouve se modifie avec l'âge... Les motivations que je pourrais donner à la mort et à la vie dépendent uniquement de ma culture, de mon passé, si j'ai le ventre plein ou vide...
- La nécessité de savoir vient de la peur, la peur de ne rien être, alors il y a besoin de se rassurer. Pourquoi ?.. Vient un jour où l'émerveillement va brûler ces questions. Aucun questionnement ne vient lorsqu'on est captivé par la chute d'une feuille. Clairement on sent une feuille tomber en nous. Il y a disponibilité, ressenti, clarté. Pas de place pour un concept, pour une compréhension, pour quoi que ce soit. Le véritable sens est un non-sens.
- Le raisonnement ne peut que manipuler les informations que vous avez acquises. Il ne peut pas être créatif... Mon opinion politique va toujours découler de mon expérience, de celle de mes proches, de ce que j'ai lu, déduit. Ce serait une folie de prétendre avoir une manière de penser objective, cela n'existe pas. Lorsque vous le remarquez, vous ne vous référez plus à vos opinions. Vous en avez toujours, mais vous n'y tenez plus... L'affection, l'amour est toujours là, vous ne cherchez plus à convaincre... Vous n'avez plus à vous identifier à vos idées et vous ne vous cherchez plus à travers elles. Vous n'avez plus la fantaisie d'avoir raison. Un espace se crée. Vos opinions ne vous entravent plus...
- Je ne suis pas contrarié par les limites de mon corps, de mon intelligence. Quelqu'un de plus intelligent est plus intelligent... J'accepte mes incapacités et comme je les respecte elles deviennent très élastiques.
- Être disponible à ses capacités intellectuelles, émotionnelles ou artistiques est une forme d'équilibre. Le raisonnement a ses limites mais on peut en être libre.
- Il faut vraiment déceler en nous cette avidité de vouloir recevoir, prendre, être. Toujours à mendier comme un chien qui a besoin d'un os. « Je veux cela, si j'avais cela, donnez-moi cela », on constate le mécanisme. On quémande cela dans toutes les directions. On a besoin d'affection, d'être aimé, reconnu, respecté, enseigné, de posséder ceci, cela. Il faut se familiariser avec ce fonctionnement, sans commentaire.
- Il ne s'agit pas de me culpabiliser mais de voir vraiment comment j'agis. Quand je demande, je ne peux recevoir. Plus je prends conscience de mon avidité, plus je m'en libère. Tant que je veux acquérir, que j'attends quelque chose, cette exigence m'empêche de recevoir. On ne peut pas réclamer un cadeau, la grâce, la joie. On ne peut les accueillir que lorsqu'il y a ouverture. Il faut vraiment devenir disponible à notre indisponibilité.
- Se rendre compte de notre insatiabilité sans jugement, est le plus haut. On ne peut pas voir la vérité, la beauté, la joie. On vit en identité.
- Je sens la tension, cette prise de conscience se fait dans la détente. C'est uniquement dans cet abandon qu'il est possible de discerner la tension.
- Quand je suis vraiment tendu, je ne peux pas le réaliser. Quand je me rends compte combien les yeux, la langue et le nez sont en continuelle tension, je suis dans la détente ; sinon je ne peux pas le remarquer. Je ne peux jamais me dire : « Je suis disponible », parce que quand j'annonce cela, je suis dans la préhensivité, dans l'affirmation, dans le savoir, je suis encore en train de devenir un Superman, de devenir un libéré vivant, de devenir disponible. Il n'y a rien à devenir, je constate mon avidité, c'est l'étape ultime.
- Je suis dans la liberté quand je décèle la non-liberté... Reconnaître la convoitise, observer la demande : « J'ai besoin  ». À un moment donné, un immense rire vient dans notre cœur lorsque l'on sent monter en nous le : « J'ai besoin  ». Ce rire est liberté. Dans cet espace, plus rien ne m'est nécessaire. Que reste-t-il ? Il reste le don. Pas de donner comme action, comme quelqu'un qui donne. Tant que je prétends donner ou vouloir donner, je ne donne pas.
  Ce qui me rend heureux c'est de donner. Recevoir n'apporte pas le bonheur. Recevoir encombre, alourdit, restreint. Il n'y a rien que je veuille obtenir, je ne souhaite pas d'initiation, de transmission, d'enseignement, tout cela m'embarrasse, m'assomme, m'enferme. Non, je ne désire rien du tout. Je me réfère à cet espace, à cette résonance.
  Seulement donner mais personne qui donne. Quand je donne je m'affranchis. La liberté est uniquement d'offrir. La vie n'est que don, il n'y a pas de séparation. Mais, tant que je veux prendre, recevoir, suivre un enseignement, je ne peux que refuser cet enseignement que je prétends vouloir recevoir. C'est un peu comme quelqu'un qui sollicite une initiation, qui réclame un cadeau. On ne peut pas exiger un cadeau. On est accessible. L'initiation, l'enseignement, le cadeau arrive dans l'instant d'ouverture. Il ne peut pas venir lorsqu'on le réclame, quand on l'espère. Il n'y a rien à souhaiter. Quand on ne demande plus tout est reçu. Mais tant que j'attends, je dis non.
- On se rend compte qu'on ne peut rien savoir. Ce qui est dit n'a de valeur que sur l'instant... Vous ignorez tout et quand vous ne prétendez rien vous êtes ouvert à tout savoir... On ne peut pas savoir quoi que ce soit, on peut uniquement être sensible à quelque chose.
- C'est comme lorsque vous vivez avec une femme, un enfant, vous ne pouvez pas connaître votre femme. Vous pouvez être amoureux, disponible, vous ne pouvez jamais rien savoir. Si vous imaginez connaître une femme vous allez au devant de problèmes certains. Ce non-savoir résonne entre vous, va devenir vraiment vivant, concret. C'est une interprétation de l'instant. Il est possible dans l'instant d'incarner un savoir. On vous parle de quelque chose, de là découle une résonance et une intuition vous vient. Elle passe à travers vous comme un morceau de musique est passé à travers la vie de Mozart ou de Bach. L'instant d'après vous ne savez plus rien sur le sujet.
- Vouloir connaître quelque chose c'est vivre dans la peur. C'est comme avoir besoin d'une voiture rouge, d'une femme blonde. Certains éprouvent le besoin de savoir quelque chose, ce sont des spécialistes du yoga, de la non-dualité, de l'Inde. Il n'y a rien à dire, rien à étudier sauf par passion. C'est l'amour-vérité que vous porte vers le tantrisme, la mécanique automobile ou le sport équestre. C'est par goût ; mais vous ne vous cherchez pas dans votre exploration et vous ne projetez rien pour vous la-dedans. Vous êtes seulement un parfait outil.
- Quand vous êtes disponible la relation femme/homme quitte sa pathologie. C'est une relation profonde parce que vous ne réclamez rien. vous savez que vous n'avez besoin de rien et quand vous n'exigez rien, tout est là. Toute créativité, spontanéité, élasticité, toute vie est présente. Mais dans la demande je suis dans la misère, dans le passé, dans l'agitation.
- Rien à savoir, rien à demander est la vraie science, la liberté. C'est extraordinaire de se rendre compte, en un seul instant que l'on a besoin de rien. Toute cette vie, on avait cru qu'il était indispensable de savoir, d'apprendre, d'être et on réalise que c'était une absurdité. Quand je ne sais rien, tout est possible, tout savoir peut m'habiter. Quand j'affirme quelque chose, cette conviction me ferme à toute autre connaissance. Mon petit savoir m'isole, me fige, me coupe du monde. Quand je ne prétends rien, tous les savoirs sont accessibles, ils peuvent tous s'incarner.
- Ce n'est pas nécessaire d'en faire tout un programme. C'est maintenant que l'on voit en un éclair que tout savoir est une misère, une mémoire, une prison. Pourquoi s'enchaîner, ne connaître que cela, le reste n'est-il pas intéressant ? Pourquoi être un spécialiste ? Non, tout me captive, tout est beau. Je ne veux pas me contenter d'un savoir unique, je sous ouvert à ce qui se présente. Comme je procède ? J'écoute... je regarde, je sens, j'observe les mimiques, les mouvements, les gestes, la résonance. Cela me permet de communiquer, d'aimer sans à priori. Il n'y a rien à savoir... la joie de non-savoir...
- Lorsqu'on admet quelque chose il faut s'en dessaisir aussitôt. On ne peut rien comprendre, il y a compréhension. Cette clarté n'est présente qu'en l'absence de la personne. Dès que je dis : « J'ai compris », je suis tombé dans la soupe. C'est comme de penser : « Je suis réalisé ».
- La compréhension n'apporte rien. Rien n'est compris, seules toutes nos compréhensions sont dissoutes. Il n'y a jamais rien qu'il soit nécessaire d'analyser. Il ne s'agit pas d'intellectualiser. Interpréter est une fantaisie. Il suffit d'arrêter de projeter une non-compréhension. Quand vous regardez un arbre, il n'y a rien à comprendre, on ne peut pas expliquer un arbre. Quand vous arrêtez de penser, de fabriquer l'arbre il y a unité. C'est cette non-séparation que l'on peut appeler compréhension. Mais rien n'est compris et personne ne comprend parce qu'il n'y a rien à l'extérieur.
  Vouloir comprendre quelqu'un est de la violence, du racisme, je ne comprends personne : j'écoute en moi ce véhicule d'émotions, de tristesse, la joie de ceux que je rencontre. Je n'ai pas l'affront de vouloir saisir ceux que je côtoie. J'écoute, il y a résonance. Dans cette résonance se trouve l'affection, l'amour parce qu'il n'y a pas séparation. Vouloir être libre ou vouloir comprendre est une forme de sacrilège. Vouloir être humble, c'est pareil... il faut se rendre compte du mécanisme, on sourit de tant d'arrogance.
- Vous éprouvez une résonance, quand elle est clairement vue comme non-séparation elle devient silence.
- Être libre de toute démarche est accueil, disponibilité, non-séparation. Quand je veux, je me sépare.

« L'horreur de la situation »
G. I. Gurdjieff

- Ces milliers de petites peurs..la nature les admet comme des choses inoffensives pour notre vie, puisqu'elles sont nécessaires à la production des émotions, des joies et des malheurs qui composent notre existence. De là surgissent un grand nombre de soucis, d'amertumes, d'efforts, une quantité d'amour propre et de vanité qui obligent un être humain à agir, à aller jusqu'au bout ; le désenchantement et l'enchantement. C'est cela qui entretient la vie. La même chose produit des rêves, des phénomènes imaginaires, des illusions, et la même chose éveille des désirs divers en l'homme.
  Et l'homme est sans cesse rempli de ces choses. Elles lui donnent des pulsions et remplissent sa vie de sorte qu'il n'ait pas le temps de vivre la réalité.
  Très souvent ses buts sont impossibles, inaccessibles, mais l'être humain ne le voit pas et il fournit sans cesse des efforts. Quand un lot de soucis est passé, il en vient un autre. La machine humaine doit fonctionner sans s'arrêter.
  Mais si l'on apprend que dans un mois on va mourir... Tout ce que l'on possède perd son sens, et tout ce que l'on fait ne sert à rien... Et même si la mort ne doit arriver que dans un an ou deux ? De toute façon, ces choses n'auront plus le sens qu'on leur a toujours donné.
  Une question surgit alors : s'il en est ainsi, pourquoi vivre ?
  C'est là la réponse : non pas parce que ta vie t'appartient, mais parce que quelqu'un a besoin de ta vie : celui qui la chérit, celui qui s'en soucie afin qu'elle soit au moins supportable.
- Quelqu'un a besoin que l'on vive, que l'on ne voie pas de choses horribles et que l'on ne se pende pas, mais au contraire que l'on vive longtemps afin que celui qui a besoin de nous nous égorge tout doucement.
  Ne pas voir, ne pas ressentir la réalité telle qu'elle est, telle est la forme principale de notre esclavage.
- Si l'on dérobait à l'homme toutes ses illusions - c'est-à-dire tout ce qui l'empêche de voir la réalité telle qu'elle est -, tous ses intérêts, toutes les émotions, les attentes, les espoirs, avec tout cela disparaîtraient aussi toutes ses aspirations et tout deviendrait désert ; les impulsions psychiques s'arrêteraient et il ne resterait plus qu'un être vide, un corps vide, vivant comme une unité psysiologique... C'est alors qu'il est possible, s'il reste encore des forces, de commencer à rassembler de nouveaux matériaux, mais cette fois-ci selon un choix.

 
Quelques pensées

- « De quelle manière faut-il apprendre ou découvrir la nature des choses ? Qu'il suffise d'avoir reconnu que ce n'est pas des mots qu'il faut partir, mais que c'est dans les choses mêmes qu'il faut les apprendre et les chercher.. Et il n'est guère sage de s'en remettre aux mots pour le soin de soi-même et de son âme. » Socrate
- " Le soi ne peut être atteint par le faible, ni par la mollesse, ni par une ascèse imprécise. " Upanishad
- " Les hommes ne sont que l'ombre de l'Homme. L'Homme n'est que l'ombre de Dieu. " Sur un temble de Babylone