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Textes d'auteurs (2011)
Qu'est-ce que mourir ?  De la vie à l'après-vie
3e Millénaire, Hiver 2012, No 102

NB: De courts extraits d'articles de la revue, parfois légèrement adaptés.
Gurdjieff
- La conscience continuelle de notre nullité et de notre misère nous donnera finalement le courage de "mourir" pour renaître.
Qu'est-ce qui meurt ?
Michael Siciliano

- Même pour l'homme réalisé ou sur le chemin d'éveil, certaines habitudes (pensée ou émotions négatives, jugements dévalorisants...) ne disparaissent jamais, mais on ne leur accorde pas tant de valeur, d'attention. Elles sont là, et quand l'une apparaît, je peux dire : « Ah, la revoilà ! » mais je n'y participe pas, je n'y mets pas d'énergie. Si vous les observez, voyez, ressentez simplement pour ce qu'elles sont, alors peu importe si elles disparaissent ou pas. Du moment que vous ne vous laissez pas entraîner par l'habitude en question, quelle différence cela fait qu'elle ait disparu ou qu'elle soit là ? ...Voir une chose et ne pas la mettre en action, voilà la différence !
   Le mieux que n'importe lequel d'entre nous puissions faire est de travailler vers la mort de ces choses inconscientes que nous mettons en action par automatisme : la mise en action de la colère, du complexe d'infériorité, de la dépression, du pauvre de moi, de toutes ces choses... laissez-les mourir, arrêtez d'y participer, et voyez ce qui reste... Si vous pouvez vous arrêter de vous laisser entraîner par ces habitudes-là, votre vie changera énormément. Vous serez beaucoup plus heureux, beaucoup plus libre.
- L'éveil est un don de grâce. Il se peut que cela soit pour vous, il se peut que non. L'on n'est pas obligé d'être éveillé pour avoir une vie différente. L'éveil, en gros, est la mort - alors que vous êtes encore vivant - c'est la mort ultime de vous-même, de qui vous êtes, de ce que vous pensez être, de comment vous pensez, tout cela meurt. Ce qui reste c'est vivre, vivre librement, vivre sans toutes ces idées préconçues, vivre sans attitudes. Ce qui reste, c'est vous, dans l'instant présent. Ce qui reste, c'est une personne qui est libre et détachée de tout programme parental, sociétal, des façons dont l'on devrait être.
- Certaines personnes qui ont fait l'expérience d'être libre, se mettent à avoir peur de cette liberté, car leurs programmes les travaillent pour les ramener dans ce qu'elles connaissent... Le mental ne supportant pas le changement, inconsciemment, il fait tout ce qui est en son pouvoir pour que ces personnes ne revivent jamais cet espace de liberté dont elles ont fait l'expérience.
- Il est plus confortable d'être misérable, que de pratiquer et d'être heureux et plus libre. Il est plus inconfortable de devenir plus libre et plus conscient. C'est ainsi que notre mental et notre corps regardent les choses lorsque nous devons faire un changement. Changer toute habitude, petite ou grande, demande un effort et c'est inconfortable. Mais qu'est-ce qui est le plus inconfortable ? Faire l'effort pendant un certain temps, et puis devenir confortable ? Ou bien, ne pas faire l'effort, et être inconfortable pour le restant de sa vie ? ...La majorité des personnes fuit, d'une manière ou d'une autre, et ne se retourne pas.
- La mort ultime qui est de nous défaire de nos conditionnements, mourir émotionnellement, tandis que vous êtes encore en vie. Mourir à soi, c'est quand même mourir... Il reste notre être, notre essence, notre coeur. C'est ce qui est là si l'on meurt à soi-même... Vous serez une force positive au lieu d'une force négative. Au lieu de faire partie du problème, vous ferez partie de la solution.

Envisager la mort de façon saine
Jean Bouchart d'Orval

- De toutes les créatures connues, l'homme est le seul à se fabriquer une représentation de lui-même et à s'y identifier.
  Nous avons
tous le puissant pressentiment d'être la Vie elle-même, c'est-à-dire pure Lumière consciente, et cela ne peut jamais mourir : c'est intemporel. Mais en même temps nous avons fini par vivre dans la croyance d'être une créature localisée dans l'espace et le temps. C'est la rencontre de ces deux réalités dans notre cerveau qui résulte en un sentiment de révolte devant l'absurdité de notre mort. C'est cela que nous appelons la peur de notre mort.
  Devant cette absurdité fondée sur une croyance, les hommes tentent de se rassurer à l'aide d'autres croyances... comme l'espoir que leur âme sera sauvée s'ils entretiennent les bonnes croyances, que leur cadavre reviendra un jour à la vie éternelle, ou à la réincarnation. D'autres croient que si pendant des années ils adoptent régulièrement telle ou telle posture, respire de telle manière, pensent de telle manière, se ferment les yeux en silence en s'asseyant comme une grenouille une ou deux fois par jour, ils gagneront le plus grand prix de tous : l'éveil, la libération, ne plus avoir à se réincarner. C'est toujours le même mécanisme : on est tourné vers le futur, vers un imaginaire, vers quelque chose qui n'est pas là maintenant, et on fait qu'ajouter des raffinements de torture à une vie pourtant passablement compliquée et misérable.
  La seule manière d'en finir avec la peur de la mort, c'est de mourir. Que d'agitation pour résoudre un problème inexistant ! On ne peut pas envisager la mort de façon saine (parce que c'est un futur imaginaire), par contre, on peut envisager la vie de façon saine, c'est-à-dire voir que nous ne demeurons pas simples et tranquilles.
- L'unique réalité dont nous pouvons être absolument certain, c'est que nous sommes la Lumière consciente. Tout le reste est imagerie, concepts, interprétations et spéculations. Si vous vous donnez vraiment à cette unique réalité certaine, vous voyez bien que cela n'est pas localisé dans l'espace et le temps et le problème de la mort ne surgit plus. Vous n'avez plus besoin de devenir quoi que ce soit : ni riche, ni célèbre, ni heureux, ni détaché, ni humble, ni libéré, ni immortel. Nous n'allons jamais devenir rien de plus ou de moins que ce que nous sommes maintenant. Tout est là. Dès que vous êtes attentif à ce qui est là, la vie est simple et belle. Dès que vous êtes tourné vers ce qui n'est pas là, vivez de manière irréelle, perdu dans les croyances de toutes sortes, vous vivez dans l'espoir de quelque chose, c'est-à-dire dans le désespoir. Ce que nous sommes est inconcevable et échappe à toute catégorie, même à la notion d'exister ou ne pas exister.

Michel Fromaget

- L'enseignement spirituel ne saurait se passer de mots, notions ou concepts sans lesquels on ne saurait ni penser, ni en parler. Plus le sens de ces derniers est clair, plus l'enseignement spirituel qu'ils rayonnent est lumineux, plus il porte de fruits désirables.

La fin de quoi ?
Marianne Dubois

- Si nous pouvons vraiment mourir d'instant en instant, en y mettant la conscience, la mort définitive sera simplement le prolongement de ces morts successives.
  Nous ne pouvons pas enfermer la mort dans des mots ou des explications : nous ne la connaissons pas.
- La mort et l'inconnu se rejoignent et nous laissent l'intuition d'un voyage sans nom dans lequel un retournement est possible.
- Pourquoi la mort nous fait-elle peur ? Peut-être parce qu'elle représente la fin de l'ego et nous sommes collés à notre séparation, à notre petit moi
. Ce n'est donc jamais que l'ego qui a peur de la mort, c'est-à-dire de sa fin.
  L'Être n'est jamais touché parce qu'il se situe dans un espace où il n'y a ni commencement ni fin.
- La mort fait partie de la vie et la vie continue. Une parcelle de vie s'en va, une autre naît. C'est ce grand courant que nous pouvons porter et regarder.
  Qu'importe la disparition d'une parcelle lorsqu'une autre la remplace ? Vie et mort font partie du même courant. C'est l'image d'un grand fleuve... où le fleuve se dissout dans la mer.
- La mort, finalement, ne représente qu'une croyance. Le seul constat rationnel possible est celui de la disparition du corps.
- La mort d'un proche nous renforce parfois et fait apparaître des horizons insoupçonnés. Une ouverture, un élargissement, des facultés nouvelles se dévoilent comme si la mort se présentait sous la forme d'une naissance pour celui qui part et pour ceux qui restent.
- La mort est grande, nous pouvons vivre avec elle constamment. Nous pouvons la transformer en trésor. Nous lui appartenons. Elle signifie peut-être une naissance et la sortie de notre rêve. Si nous la vivons comme telle, elle sera toujours une amie.

Un Ocean cosmique
Nicole Montineri
- Ce que l'expérience de vie après notre mort physique nous enseigne est que notre tâche, ici, sur cette terre, est de nous relier à l'Amour, de placer notre conscience dans cette perception de présence continuelle, de non-séparation avec cette énergie qui traverse toute chose. Dès que nous ressentons intensément cette énergie couler à travers nous comme à travers tout être, il n'y a plus de distinction bon/mauvais, de séparation moi/l'autre. Tout est identique en essence. Rien ne nous différencie jamais, si ce n'est notre esprit habitué à distinguer les innombrables formes de l'existence.
- Une fois que tout notre être a été imprégné de l'universalité de la conscience, il ne nous est plus possible de rester dans une perspective duelle. Vaquant désormais à nos occupations habituelles sur un fond de sérénité et de silence intérieur,
nous nous sentons légers, détendus, en harmonie avec notre centre profond, sans besoin de nous rattacher au sentiment d'un moi sans véritable réalité. Nous prêtons moins d'attentions aux pensées, aux sentiments, aux émotions qui désormais viennent et disparaissent sans laisser de traces. Nos attachements, nos désirs, nos attentes s'effacent peu à peu et tout naturellement...
  Dans cet état si proche de la mort que j'ai connu, il n'est plus possible de s'identifier à notre corps, à notre rôle social, notre culture, notre religion, nos actes, nos passions, nos divertissements, notre sexe, notre tempérament, notre personnage sur la scène du monde, tout ce catalogue que nous prenons pour notre identité personnelle. Ce qui demeure, la conscience, ne dépend pas de ce moi empirique.
- Je suis conscience, c'est là ma véritable identité éternelle.
La peur de l'inconnu
Joaquim
- La peur de la mort est toujours une pensée. Je me représente tout ce qui constitue mon existence, et je m'imagine privé de tout cela. Je suis sûr alors d'avoir tout envisagé, et que ma disparition sera totale. Eh bien non ! Je n'aurai envisagé toujours et encore qu'une pensée. Pourquoi fait-elle si peur ?
- C'est par un tour de passe-passe mental qu'on se représente soi-même comme extérieur à sa propre conscience, et c'est ce soi ainsi représenté qu'on imagine mourir. C'est là le noeud du problème, la tragédie de l'humaine condition ; on s'identifie à la représentation qu'on se fait de soi.
- S'éveiller, c'est mourir à ce qu'on prenait pour soi, et qui n'était qu'une image de soi, l'ombre de soi. Une fois qu'on est passé par cette mort là - qui est une naissance à ce qu'on est vraiment -, on ne saurait plus avoir peur de la mort. On peut avoir peur des circonstances de la mort, des souffrances qui éventuellement l'accompagneront, mais pas de la disparition qu'elle est censée représenter. On sait, comme la chose la plus sûre qui soit, qu'on ne peut pas disparaître. Une telle disparition, ce serait comme la disparition de l'être même.
- C'est notre capacité de se représenter les choses qui fait que nous nous construisons un monde que nous considérons comme connu. Mais les fenêtres qui nous ouvrent la connaissance de ce monde - sensation, émotion, pensée -, elles, ne sont nullement connues en tant que telles. On ne peut connaîre
que la pierre, parce qu'on la sent sous ses doigts... mais ce qu'on pense connaître est en fait uniquement la représentation qu'on s'en fait. La chose en soi, la pierre, demeure résolument inconnaissable.
  Tout le connu, c'est donc la représentation qu'on se fait du monde. Et tout cela en effet disparaît intégralement à la mort. Mais la sensation, l'émotion et la pensée, elles, ne font pas partie de ce connu-là. Elles ne peuvent être connues à la manière du représentable. On ne peut jamais les placer devant soi, à la manière d'un objet. On est d'emblée à l'intérieur. Elles sont notre propre intimité. Les connaître, c'est se connaître. En général, on s'imagine à tort connaître les objets qu'elles nous révèlent, alors qu'on ne fait que se les représenter. On est ainsi pris dans un paradoxe, qui fait que d'un côté, ce qui nous est le plus intime, on ne le connaît pas, et que d'un autre côté, ce qu'on croit connaître, n'a aucune réalité en soi.
  Connaître la pensée, dans sa réalité, ce serait accomplir ce geste intérieur par lequel Stephen Jourdain a fait éclater la petite phrase de Descartes : « Je pense donc je suis », pour qu'elle lui révèle son secret. Ce qu'il a découvert, en se heurtant avec tant de passion et d'acharnement à cette petite phrase, ce n'est pas une explication, c'est une intensification de sa propre présence au point qu'elle devienne tangible, en même temps qu'elle se révèle être la pensée qu'il interrogeait. C'est là la solution du paradoxe, parce que se connaître de cette manière, c'est se dégager du connu, c'est se découvrir être en tant que créateur de ce qui est. Et ce qui est, ce ne sont pas les représentations, et donc pas les objets représentés, mais uniquement les pensées, les émotions et les sensations.
  On a tous l'intuition d'être les créateurs de cette réalité-là, car qui d'autre créerait nos pensées, sinon nous-mêmes ? Et cela malgré le fait qu'il faille aussi reconnaître en retour, que ce sont nos pensées, nos émotions et nos sensations qui nous créent. Cela semble à nouveau paradoxal, mais ça ne l'est que parce que nous dormons. Pour peu que nous plongions, avec une énergie qui est ce que nous sommes réellement, jusqu'à l'essence de nos pensées, de nos émotions et de nos sensations, nous réalisons alors que cette essence, c'est Soi. Il n'y a plus aucune dualité, il n'y a plus sujet ni objet, il n'y a plus que la réalité pure. Soi, ou Je, ou Dieu. Il n'y a rien de réel en dehors de cela. Tout le reste n'est que représenté, un simple film sur un écran de cinéma, et qui disparaît à la fin de la représentation. La mort, c'est la fin du film. Autrement dit, la fin de l'irréel. Mais pas la fin de la réalité. Au contraire, pour qui serait encore piégé dans l'irréalité, c'est l'entrée, enfin, dans la réalité vraie.
- Il n'existe nulle vérité préexistante dans la nature. La vérité naît de notre rencontre avec la nature. C'est la qualité de cette rencontre, son intensité, sa transparence, qui crée la vérité. Ou dit autrement : c'est l'intensité de l'amour avec lequel on rencontre la nature qui crée la verité. Car qu'est-ce que l'amour, sinon accepter l'autre tel qu'il est, intégralement, sans lui faire subir les modifications qui le rendrait conforme à notre désir.
- Chercher la vérité, c'est se poser intérieurement en face des choses et des êtres, en étant parfaitement honnête avec soi-même.
- L'histoire de la pensée humaine est l'histoire du désenchantement du monde. Elle est aussi en même temps l'histoire de l'apparition d'un sujet libre et autonome. Plus la pensée s'affermit et donne consistance au sujet qui l'exerce, plus s'évanouisse les entités qui peuplaient la nature, et qui n'étaient que la projection d'une pensée qui n'osait pas encore vraiment croire en elle. À partir du moment où la pensée se fait à elle-même une totale confiance, cette foie en soi signe l'acte de naissance véritable du sujet libre.
- Le cheminement par lequel doit passer la conscience pour accéder à l'éveil est d'abandonner toutes les certitudes apprises auxquelles elle s'accroche, et s'avancer nue face à l'inconnu.
J'avais peur de la mort
Betty
- Ce que je croyais être la vie etait-il simplement la continuité d'une relation corporelle, matérielle ? Le rêveur se servait de la mémoire, du passé, afin de continuer à faire vivre son rêve, qu'il soit mort ou vivant, insuffisant ou abondant, triste ou heureux. Ce qui flottait dans mon rêve et qui me servait de carburant pour créer des zones confortables était mort (mort de son ami de coeur à 18 ans) . Seule la mémoire maintenait mon ami vivant  : j'en avais fait un fantôme.
- La mémoire était un lourd fardeau à qui je donnais le contrôle de déterminer comment je devais me sentir. Une véritable arnaque ! J'étais prisonnière de ma mémoire. Je refusais la mort de Patrick. Je défiais les lois de la matière et je proclamais que la personne était vivante, mais d'une façon que moi seule pouvait voir... L'arrogance, la peine, la perte me faisaient délirer.
- Le désir d'exister et de perpétuer notre rêve nous fait meubler le temps avec nos souvenirs. Le rêve est peuplé de personnages inventés (Jésus, Bouddha, Dieu, amis, parents, enfants, conjoints... l'humanité au complet !), qui nous servent à réagir en tant que rêveur individuel. Les morts, ainsi que les vivants, sont nos acteurs personnels qui maintiennent en place un scénatio fictif : moi et mon histoire personnelle. Nous déplaçons ces pions au gré de nos besoins et de nos désirs, en donnant de multiples explications sur la véracité de cette illusion collective.
  La mort fut entièrement accueillie comme étant la Vie elle-même et nos pas séparée d'elle... Dans le monde du rêve, le temps semble notre demeure, dans laquelle on insère la matière.
- Chaque instant naît et meurt instantanément, sans laisser de résidu. J'ai accueilli l'impermanence et j'ai vu la beauté vivante dans la mort... Cétait moi, le rêveur, qui continuait mentalement à faire vivre les morts, les émotions, les sensations, les souvenirs, juste pour moi, par peur de souffrir ou de ne plus exister. Mon désir de continuité m'a fait inventer un monde où je me donnais un pouvoir de changer le scénario, un monde connu et interprété uniquement par moi. Qui peut bien mourir ? Ce que tu crois séparé de toi !
  Et si la vie s'exprimait d'une tout autre façon que la tienne ? Et si la Vie s'exprimait dans la beauté de l'instant. Et si le reste de ton histoire, l'interprétation individuelle de ce que tu crois être vrai, n'était que la fin d'un attachement personnel que tu as inventé pour te protéger, qui existait que dans ton rêve ? On fait quoi avec un ciel inventé, à atteindre dans un futur imaginaire ?
- Le rêveur ne cherche que la sécurité, le réconfort et la permanence, et cela, dans un but égotique.
- Le rêveur cherche toujours une porte de sortie pour retourner se sécuriser dans le rêve, c'est-à-dire éviter l'instant. Vois comme tu es compulsif à te bâtir des scénarios avant même d'en être conscient.
- La vérité est là où tu es, et non là où tu imagines que tu devrais ou pourrais être ! Tu ne veux pas du moment présent ? Tu sens que c'est trop douloureux et que la mort est insupportable ? Et si tu te trompais, que ce n'était qu'une croyance que tu traînes comme un baggage inutile ? La Vie s'exprime ! Tout est à sa juste place. Reviens dans l'instant, de seconde en seconde.
- Je suis morte à la continuité de mes souvenirs, de mes expériences, de mes émotions et de mon histoire personnelle. Je suis morte en totalité, et la Vie s'exprime librement et totalement à travers ce CORPS-APPARENCE libéré du moi.
  La Vie est un torrent qui ne laisse aucun résidu. Le corps perçoit pleinement par les sens, dans l'instant torrentiel où tout naît et meurt instantanément.
  J'avais réduit la Vie à un concept imaginaire. Je m'étais inventé moi-même... mon contenu, moi !
  Et je croyais que ce personnage avait une solide histoire de vécu, un grand potentiel d'avenir ; mais je rêvais comme un enfant fiévreux.
  Que le monde était à moi, pour moi. Que le monde était mon terrain de jeu personnel. Que j'avais le pouvoir de l'adapter selon mes désirs et mes besoins, mais je rêvais comme un enfant fiévreux.
   Je rêvais que ce monde éphémère était permanent.. était un monde à explorer, et que je pouvais le bâtir et le raffiner. Je rêvais que je pouvais l'améliorer... Je rêvais comme un enfant fiévreux.
  Dans mon rêve, j'ai constaté que le monde dans le temps n'était qu'une apparence. Que la dualité mort/naissance vivait dans ce temps imaginaire. Que la Vie n'était pas soumise aux lois de la dualité. Seul le rêve, l'apparence, semble s'étaler dans le temps.
Aller à la racine de la vie et de la mort
Darpan
- Plutôt que de spéculer au sujet de la mort ou de nous retrancher derrière la peur de la mort, pourquoi ne pas entrer consciemment au coeur de cette appréhension et d'en faire l'expérience directe afin de découvrir ce que cette peur dissimule ? Cette investigation n'est pas un mouvement du mental, mais l'acte conscient d'accueillir ce qui se présente à nous, sans lutter et sans s'esquiver. Elle représente le défi de l'Aventure intérieure, de la méditation et du processus évolutif.
  Plutôt que de se rassurer de façon temporaire et superficielle, à travers des réponses toutes faite, il faut avoir le courage d'aller voir et sentir, par soi-même, ci qui se cache derrière la peur, derrière la peine, et derrière toutes les histoires que l'on s'est racontées à propos de la mort. Il faut faire face, sans céder aux automatismes de l'ego, prompts à nous inciter à fuir, à esquiver, à argumenter et à lutter contre toutes les menaces intérieures (ou présumées comme telles !) Voilà le défi incontournable de tout aspirant à l'authenticité.
  Ce défi est souvent remis à plus tard. Nous lui trouvons des pretextes rationnels, propres à préserver la personne à laquelle nous sommes identifiées. Nous préférons nous gaver de savoir spirituel jusqu'à ce que nous en reconnaissions les limites ou nous accrocher à notre malheur car, aussi inconfortable soit-il, il n'en reste pas moins un repère connu et rassurant ! La maturité spirituelle croît à la mesure de notre capacité à faire face à la peur de la mort et, à mourir littéralement à la personne que nous pensons être.
  Notre peur de la mort vient du fait que la personne se sait irréelle et éphémère. Vouée à disparaître, elle n'a de cesse, par le biais de l'ego, de se protéger pour continuer à subsister en tant qu'entité séparée. En étant identifiés à cette personne illusoire, nous éprouvons ses peurs, tout comme nous le faisons au cinéma, lorsque notre héros se retrouve dans une situation périlleuse. Néanmoins, nous ne sommes pas ce drame projeté sur un écran mais un observateur, conscient non seulement des objets sur lesquels son attention porte, mais surtout, conscient d'être cette conscience, en amont de toute manifestation et tde toute forme.
  Tout ce qui entame notre personne est vécu comme autant de petites morts qu'il faut surmonter et traverser vaillamment. La peur de mourir est une sensation que nous devons apprendre à surmonter pour faciliter l'accouchement de nous-mêmes. Cette peur prend de nombreuses formes. Elle se manifeste chaque fois que le contrôle nous échappe, lorsqu'un pan de nous-mêmes s'effrite ou lorsque notre volonté personnelle ne parvient plus à rassembler les fragments de notre vieux "moi".
- Aller à la racine de la vie est comme aller à la racine de la mort, car celles-ci sont identiques. Lorsque l'énergie de la vraie nature pénètre le corps, nous ne savons plus très bien si c'est la vie qui nous érode ou la mort qui nous consume. Toutes deux se confondent dans un feu qui brûle en nous le faux et l'irréel.
  La préparation de la mort est l'objet de la vie spirituelle. C'est
l'acte conscient de traverser toutes les barrières invisibles de la personne que nous croyons être pour découvrir notre réalité essentielle, au-delà de la raison et de la compréhension. C'est la disparition maintes fois renouvelée de s'offrir à l'inconnu puis, à l'inconnaissable, là où l'être transcende tout concept et toute identité. Le rôle de l'enseignant spirituel est d'aider tout aspirant à franchir ces peurs qui le retiennent prisonnier de l'idée de lui-même, à le rendre attentif aux pièges de l'ego qui préserve son sens d'identité et à le tenir par la main pour découvrir que cette crucifixion précède une résurrection et que la mort se révèle être la vraie Vie.
- Seuls la vie, la mort et l'amour sont réels, parce qu'ils ne peuvent se manifester que dans l'instant présent. Lorsque nous nous ouvrons à leur réalité énergétique, toutes les constructions établies sur le passé et le futur, par nature irréelles, sont vouées à disparaître. Cesser de fuir et de lutter, accepter ce qui se manifeste dans notre perception et nous délester de nos encombrements douloureux invite l'énergie de la vie, de l'amour et de la mort à nous pénétrer et à nous purifier.
  Il n'y a rien de plus réel que la mort. Lorsqu'elle frappe à notre porte, nous n'avous plus le loisir de disserter sur ce grand mystère. Nous n'avons plus le luxe d'aménager notre savoir spirituel ou de peaufiner notre compréhension intellectuellle en espérant être mieux préparés à cette ultime échéance. Lorsque la mort se manifeste, la personne que nous pensons être se sait menacée et perd pied. Confrontée de plein fouet à la Réalité, cette entité pensante et émotionnelle en peut plus s'accrocher, se voiler la face ou continuer de prendre les choses pour acquises. Elle n'est plus en mesure de contrôler, de manipuler ou de jouer ses scénarios habituels dans l'espoir de s'en sortir : elle a trouvé son maître.
  La plupart des gens meurent en étant identifiés à leur personne, inconscients de leur authentique réalité. La fin du corps physique ne va cependant pas de pair avec la révélation de notre vraie nature. L'existence est le lieu de cette réalisation, là où l'ignorance de nous-même se réincarne jusqu'à ce qu'elle s'efface, à travers la connaissance de soi, révélant notre vrai visage.
  L'énergie de la mort est toujours présente en nous mais elle est occultée et mise de côté par l'ego qui protège l'illusion de la personne. À maintes reprises, et particulièrement durant notre enfance et notre adolescence, nous avons ressenti cette présence, sans pouvoir l'expliquer, sans être capables de la cataloguer dans le répertoire des sensations connues. Nous avons été proches de cette mort qui va à contre-courant du monde, nous happant à l'intérieur, hors de l'existence. Sa présence semblait antagoniste à l'élan puissant qui nous incitait à nous lancer dans la vie et à faire notre place dans le monde. La peur et l'absence d'un contexte capable de nous éclairer sur cette étrange rencontre nous ont amenés
à refermer la fenêtre sur l'intangible Mystère et à construire la personne que nous sommes devenus.
  La vie spirituelle est la démarche qui consiste à "creuser" en nous-même, avec notre intelligence et notre attention consciente, un passage à travers les résistances et les obstacles, pour libérer l'accès au "feu du dedans", à l'énergie de la mort, seule à même de dissoudre nos attachements et nos identifications. Ce voyage à l'intérieur est simple mais difficile car il nous livre au démentèlement de ce que nous avons toujours considéré jusqu'ici comme étant "nous-mêmes". Il expose la personne (notre ignorance) à son effacement en la livrant à plus grand que soi, à cette "mort" dont l'énergie devient clairement perceptible une fois les mécanismes de défense de l'ego mis de côté.
- Détacher le vrai du faux, l'être de la personne,,, nous y parvenons en cessant de braquer le faisceau de notre attention sur la personne et le mental et en le réorientant vers la présence consciente que nous sommes... Une attitude d'activité passive, crée progressivement le millimètre de conscience qui nous permet en ne plus nous identifier à nos réactions et nous aide à défaire les identifications au corps, aux pensées et aux émotions.
  Nous sommes invités à nous offrir chaque jour aux petites "morts" qui se présentent à nous, créant une brèche dansnostre sens d'identité et effaçant, l'espace d'un instant, l'illusion du soi. Consentir à être rien et à nous livrer à ce qui nous dépasse, avec confiance et abandon, est l'attitude qui nous permet de briser nos automatismes pour entrer dans notre subjectivité.
  Lorsque l'énergie de la mort nous pénètre, nous ne la reconnaissons pas immédiatement. Nous l'interprétons maladroitement comme une vieille peine ou l'associons au souvenir douloureux d'un abandon, ou de toute autre sensation pénible liée à notre histoire personnelle. Mais il s'agit bien de l'énergie de la mort, une masse sombre et dense, impalpable et inconnaissable, nous frappant dans un puits sans fond. La solitude de cette dimension est si profonde qu'elle efface toute référennce au connu. En s'approchant de ce passage, nous devenons si vides et nous nous dissolvons si profondément qu'il semble ne rien rester de nous-mêmes.
- Mourir à nos attachements nous rend plus purs, plus sensibles et plus vulnérables mais cel nous renforce également dans la vérité de qui nous sommes, affinant notre perception et nous ouvrant à l'infinie subtilité de l'être. En purgeant notre organisme de sa masse émotionnelle, notre énergie devient plus fine, plus légère et plus lumineuse. Finalement, au terme du processus, il ne subsiste que très peu d'émotions. Privées du malheur dont elles tiraient leur substance, elles cèdent la place aux qualités de la vraie nature : l'amour, la joie, le silence, l'innocence et la simplicité.
- Nous avons tous refermé de nombreuses portes sur nous-mêmes... Nous nous sommes dissociés du corps physique en trouvant refuge dans le mental, en nous contractant pour échapper à la peur, à la douleur et à toutes les sensations indésirables.
- Les conditionnements et les attachements constituent un piège mortel pour l'intelligence qu'ils encapsulent. Ils nous transforment en robots, et parfois, en morts vivants. Ils sont une camisole de force étouffante qui, à force d'habitude et de répétition, forme l'enveloppe dans laquelle nous évoluons.
- La plupart d'entre nous sommes coupés, à différents degrés, du contact avec notre corps. Happés par nos pensées, absorbés par notre bavardage intérieur incessant, nous nous sommes, en grande partie, dissociés de notre ressenti et de notre présence au point d'avoir fait du mental notre quartier général. Si nous ne parvenons pas à ressentir du bien-être à chaque instant, cela signifie que la cuirasse musculaire et psychique de nos tensions et de nos résistances est trop épaisse. Séparés du corps et de nos sensations, il devient difficile, voire impossible d'accéder à la réalité plus subtile de la vraie nature et à ses merveilleuse qualités.
  Plusieurs éléments nous ont amenés à cette situation. Le premier est de déni du malheur qui vit en nous, créant un durcissement intérieur dont il devient très difficile de faire sauter la carapace. Le deuxième est notre conditionnement social et culturer : dès notre plus jeune âge, nous sommes poussés à développer l'intellect et à croire que notre plus grande dimension est mentale. De longues années d'études et d'apprentissage nous éloignent progressivement du corps, comme si celui-ci n'était qu'un simple instrument au service de la pensée.
  Le troisième élément est lié à notre conditionnement religieux. Même si nous ne sommes pas pratiquant, la société dans laquelle nous avons grandi est énergétiquement chargée des principes qui ont dicté, durant des siècles, la vie des gens... laissant planter un sentiment de culpabilité vis-à-vis du corps et de la sexualité.. instillant un sentiment de honte et de culpabilité.
  Le corps est le temple, la porte d'entrée de notre ultime réalité. Toutes les sensations agréables prennent naissance en lui : la joie de rencontrer un ami, l'amour pour un conjoint ou le plaisir de faire l'amour... Il faut détourner notre attention du mental et la replacer à l'intérieur de notre enveloppe charnelle comme on détourne une rivière pour irriguer un désert.
- Nous nous enfermons littéralement dans un cocon qui devient la personne que nous pensons être. Nous passons ensuite notre vie à développer cette personne, à l'embellir, à l'améliorer et à la corriger, sans nous rendre compte que l'identité que nous façonnons n'est qu'une construction de toutes pièces et une pâle copie de notre être authentique.
- Le monde des hommes est le triste reflet de notre ego. Tout y est progressivement automatisé, formaté, bétonné, réglementé et aseptisé. C'est très étouffant !
- La présence à soi est une attention de chaque instant pour nous amener à nous détacher de la personne, encline par nature à verrouiller et à figer dans le quotidien toute la structure des schémas et des routines qui lui servent d'ancrage. Nous devons amener la lumière de notre attention consciente sur ce qui vit en nous et rester éveillés lorsque nous sommes en butte à une infinité d'automatismes, psychiques ou physiques, qui nous roulent dans leurs ornières quotidiennes.
Se préparer à mourir
Edourd Salim Michael

- Il faut que vous vous sentiez maintenant comme si c'était votre dernier jour sur terre, comment est-ce que j'aimera passer ce qu'il me reste de cette journée ?
- D'instant en instant, il faut accepter de mourir à soi-même tel qu'on se connaît ordinairement, mourir à ses pensées, à ses opinions, à ses désirs.

Un nouveau monde
Pierre-Antoine Dujardin
Témoin d'Éveil

- Le ciel est bleu cet après-midi. Queques nuages se dessinent. J'entends le bruit de la circulation en bas, dans la rue, le bruit des touches du clavier sur lequel j'écris. Et je ne ressens rien qu'un grand calme, qu'un silence intérieur, imperturbé depuis maintenant plusieurs semaines.
  Parfois, mes journées entières sont prises dans la contemplation, le ravissement, je ressens une chaleur qui vient, et revient, chaque objet, chaque mouvement, chaque regard est cause de félicité indicible. Je suis ravi, au sens d'emporté, à la fois incroyablement présent et lointain.
  Mais cela n'est ni mieux ni moins bien que ce grand silence capable d'accueillir tous les bruits, ce calme capable de se laisser traverser par les pensées même qui me torturaient auparavant.
- C'est une longue histoire dont on ne retiendra que le dénouement...
s On insista pour que je vienne prendre le café avec les autres... Je cédai pour ne pas déplaire.. Durant les discussions, je jouais mon rôle de jeune homme brillant... me laissant aller à la satisfaction que j'avais de mon moi qui, pour n'être pas comblé, n'en était pas moins exceptionnel.
  Rentrant dans ma chambre pour me laver les dents, devant le miroir, je me rejouais la scène, et me dit qu'il eût fallu être plus modeste. Pour m'entraîner, pour me l'illustrer à moi-même, peut-être pour effacer le souvenir de cette imperfection, je prenais mon rôle, toujours devant le miroir, mais assumant des répliques plus humbles.
  Et je me vis. Je
me vis me jouer à moi-même la comédie de l'humilité. Je me vis repensant encore à l'image que j'avais pu donner de moi, et je vis l'angoisse qui m'habitait à l'idée que cette image ne fût pas celle que je voulais. Soudain, je vis défiler devant moi toute ma vie, comme on dit que les gens en danger de mort voient défiler la leur, éclairée par cette lumière horrible de mon égocentrisme. J'étais horrifié...
  Pas une seconde de ce film qui venait de passer, je n'avais vu autre chose que moi pensant à moi. Moi cherchant la vérité pour mon bonheur - je n'ai jamais cherché la vérité pour l'offrir aux autres. Moi seul qui pense à moi, moi qui me plaint de mes traumatismes d'enfance, moi qui ne trouve pas de sens à ma vie, moi qui me donne à moi-même le spectacle d'une âme élevée, moi qui ment souvent pour la simple raison que je ne veux pas corriger l'idée trop flatteuse que l'on se fait vite de moi. Moi, moi, moi, moi, moi.... Comme un mentra débile, comme un électrochoc, je me rendis compte de ce que j'étais vraiment.
  Je n'avais été jusque là qu'un ego.
- Avoir suffisamment d'humour pour rire de cette bête affamée de regards, de reconnaissance. Sans haine ni mépris. Juste suffisamment de distance. Se rendre compte que cette bête affamée et stupide est propre à tous.
- Et peut-être que l'ennemi, ce n'est que la peur. Certes, elle est notre ennemie. Mais le moi, cette petite bête sordide qui s'agite à tous vents, recherche tous les suffrages, aussi putassière qu'un politique, aussi peu regardante qu'un vieux lubrique, aussi peu pudique que notre époque, le moi est aussi l'ennemi.
- Reconnaître l'erreur, c'est en être défait. Me défaire de la croyance en l'ego. Un monde nouveau s'ouvrait. Le monde de ce qui n'est pas moi.

Autres pensées ou extraits
Angelus Silesius - Deux hommes sont en moi : l'un veut ce que veut Dieu ; l'autre, ce que veut le monde, le démon et la mort.
Rien n'est séparé, ou l'évidence de vivre
Elisabeth Foch
- L'exploration intérieure s'ancre dans le quotidien, les petites choses. Tout est enseignement à qui sait voir et entendre. Tout permet dans la fraîcheur de l'instant de passer au travers des conditionnements, des préjugés et des dogmes, de ce qui entrave.